Le plus connu des artistes innus sera de l’émission Le Grand solstice, présentée ce mercredi, à l’occasion de la Journée nationale des peuples autochtones. La Presse l’a rencontré à son studio de Mani-utenam, où il a pris le temps de se raconter au passé, au présent et au futur.

(Mani-utenam) « Je suis quelqu’un de très lent. Si tu ouvres le dictionnaire Larousse au mot “lentement”, tu vas voir ma photo », dit Florent Vollant, avec un sourire large comme l’estuaire du Saint-Laurent.

Midi approche, Florent Vollant doit franchir la vingtaine de mètres qui séparent son studio de sa maison, où il est attendu pour dîner. « Je ne m’attendais pas pantoute à faire une entrevue ce matin », dit-il, au bout d’une conversation amorcée plus d’une heure auparavant. Il se lève tranquillement, prend appui sur le déambulateur dont il a maintenant besoin pour se déplacer et, accompagné par son fils Mathieu Mckenzie, il rentre chez lui.

Il n’est pas le seul à être surpris. L’entrevue était prévue le lendemain. Sauf que ce matin d’avril, comme presque tous les jours, semble-t-il, le chanteur est venu s’asseoir au studio, au bout d’un divan noir, juste à côté de la console. Pour voir ce qui se passe. Pour écouter, surtout. Les présentations faites, la conversation s’est engagée naturellement : des questions, de longues réponses. Et des rires. Souvent.

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Le studio Makusham est situé juste derrière la maison de Florant Vollant, à Mani-utenam, sur la Côte-Nord.

Le studio Makusham existe depuis 25 ans. Florent Vollant l’a bâti avec l’aide des gars du groupe Maten, c’est-à-dire son fils Mathieu et ses amis Kim Fontaine et Samuel Pinette. « Je commençais à déranger à la maison, raconte-t-il. Ma femme disait : ‟Tu rends fous les enfants, ça court partout quand tu es là et que vous faites de la musique ! Construisez-vous quelque chose ou je ne sais pas quoi, mais allez-vous-en ! » »

Et il rit. Avec ce large sourire qui éclaire son visage chaque fois qu’il se moque de lui-même.

Un album en chantier

Avoir son propre studio lui permet de créer librement. « Tranquillement », comme il aime dire. Un rythme qui a encore ralenti depuis son AVC subi en avril 2021. « Je ne peux plus jouer comme je veux. Regarde », dit-il en montrant combien la mobilité de sa main et de son bras, côté droit, sont diminués. Ce qui l’embête le plus toutefois, c’est de ne plus pouvoir marcher comme avant, ajoute-t-il, en palpant sa jambe droite, soutenue par une discrète attelle.

Son accident lui a même enlevé le goût de la musique. « Un petit peu », précise-t-il.

J’ai une pensée pour ce qui manque en moi : un peu la main droite, un peu la jambe droite. Est-ce que la musique me manque ? Il y en a autour de moi, de la musique. En faire ? Ça va sûrement me manquer. Tranquillement, ça va finir par me manquer.

Florent Vollant

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Florent Vollant fait écouter ses nouvelles chansons à Mathilde Côté, qui agira à titre d’entraîneuse vocale pour l’enregistrement de son prochain album.

Il n’est pas seul pour faire face aux défis qui se posent à lui. Il peut compter sur Kim Fontaine, qui manipule la console lorsqu’il se met au micro, et sur le guitariste et compositeur André Lachance, avec qui il joue depuis une quinzaine d’années, et qui a composé les 11 chansons qui constitueront son prochain disque, prévu pour l’automne.

Son ami ne lui a pas seulement inventé des mélodies, il a écrit des textes en innu-aimun, une langue réputée difficile, qu’il a tournée en se servant de dictionnaires innu-français. Florent Vollant n’a fait que repasser derrière les textes d’André Lachance, corrigeant des tournures de phrases boiteuses, les modifiant juste pour mieux se les mettre en bouche ou parce que « ça ne marchait pas musicalement ».

« On a voyagé ensemble, je lui ai raconté des histoires et, quand il m’a fait écouter ça, il me le rappelle. Il dit : ‟c’est toi qui m’as raconté ça ». C’est l’une des grandes qualités de ce gars-là, il sait écouter », dit-il encore au sujet d’André Lachance.

La musique comme refuge

L’une des chansons, Nishim, sur un air reggae, est inspirée par une phrase que son frère lui a dite quand ils ont été emmenés au pensionnat de Mani-utenam. « Les trois ou quatre premiers jours, j’ai pleuré. J’avais 5 ans. Je me demandais où était ma mère. Est-ce qu’elle allait venir ? Et mon père, où il était ? J’ai pleuré, je voulais ma mère. Mon frère m’a dit : ‟arrête de pleurer, elle n’est pas là, elle ne viendra pas », se rappelle-t-il. La chanson est à propos de ça. »

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Florent Vollant fait partie de ces enfants innus qui ont été forcés de fréquenter les pensionnats pour Autochtones. Celui de Mani-utenam s’élevait jadis derrière cette clôture, en plein cœur de la communauté.

Florent Vollant raconte ses années au pensionnat dans Ninamishken – Je marche contre le vent, son autobiographie coécrite par Justin Kingsley. Il explique avoir compris qu’il éviterait peut-être les mauvais traitements s’il était bon élève. Il l’a été. Il n’en est pas sorti indemne pour autant. Il s’en est voulu d’avoir été docile, d’être devenu ce « bon Indien » que le pensionnat voulait faire de lui. Il a mis du temps à se le pardonner.

La musique, c’est ce qui m’a sauvé. Au pensionnat, il y avait un petit xylophone avec lequel je pouvais m’amuser. Un coup que j’ai eu appris le cahier au complet, je me suis mis à inventer des choses. J’ai réalisé qu’on pouvait faire comme on voulait, qu’on n’était pas obligé de faire comme dans le livre. Je me réfugiais là-dedans, c’était un monde que je m’inventais.

Florent Vollant

Fierté innue

Des décennies plus tard, Florent Vollant n’a qu’une ambition : être le meilleur raconteur de lui-même. En innu-aimun. En plus de 40 ans de carrière, il a en effet très peu enregistré dans une autre langue que la sienne. Ça s’est décidé avant Kashtin, à peu près à l’époque où il accompagnait Philippe McKenzie, aussi de Mani-utenam, qui est l’auteur de Ekuan Pua, chanson devenue un hymne chez les Innus.

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Florent Vollant dans son studio de Mani-utenam

Son choix n’a pas été réfléchi. « Les paroles sont venues en innu naturellement », dit-il. Ce n’est que bien plus tard qu’il a compris que de chanter en innu avait une résonance qui dépassait largement son envie de faire danser les gens. Que c’était une façon de porter sa langue et son identité et d’inciter d’autres à embrasser cette fierté. « Il y a une responsabilité qui vient avec ça, pense-t-il aujourd’hui. Tu écris une chanson et elle devient ton legs. Il faut que ce soit une chanson bien écrite. »

Shauit, Natasha Kanapé Fontaine et plusieurs autres artistes innus disent aujourd’hui que, longtemps, leur lien avec l’innu-aimun passait par les chansons de Kashtin et de Florent Vollant. Ces morceaux joueront encore les ambassadeurs culturels, lors du prochain Festival en chanson de Petite-Vallée, en Gaspésie, où une chorale de plus de 250 enfants innus et québécois chanteront en innu-aimun, dans un programme où seront aussi interprétés des titres de son ami Richard Séguin.

« Le fait d’être chanté par des Gaspésiennes et des Gaspésiens, je trouve que c’est de l’ouverture. Et c’est beaucoup grâce à Alan Côté, qui nous a intégrés depuis longtemps dans son rassemblement, dit Florent Vollant. Si d’autres veulent le faire, je suis prêt. »

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Les enfants d’Uashat mak Mani-utenam qui chanteront à Petite-Vallée le 25 juin en répétition au studio Makusham avec la cheffe de chœur Mathilde Côté

Alan Côté a transmis cette ouverture à sa fille, Mathilde. C’est elle qui voyage constamment entre Montréal, la Gaspésie et la Côte-Nord pour faire répéter les enfants. Elle-même apprend l’innu-aimun, autant par professionnalisme que par amitié. La cheffe de chœur va aussi agir à titre d’entraîneuse vocale auprès de Florent Vollant, qui trouve sa voix « plus sombre » qu’avant. Mathilde Côté l’aidera à retrouver sa lumière pour l’enregistrement de son prochain disque.

Après sa participation à l’émission soulignant le Grand solstice, la fête nationale des Autochtones, ce 21 juin, Florent Vollant ne foulera que deux scènes pour la suite de l’année : celle de Petite-Vallée et celle du festival Innu Nikamu, à Mani-utenam. Son fils Mathieu ose avancer que l’album à paraître l’automne prochain risque d’être son dernier.

« Ça fait longtemps que c’est le dernier, s’amuse Florent Vollant. C’est chaque fois le dernier. Je ne suis jamais sûr de rien. Moi, les gens trop sûrs de leur affaire, ça me fait peur un peu. Je me méfie, dit-il. J’ai besoin de savoir ce que Kim [Fontaine] en pense, j’ai besoin de savoir ce que Mathieu en pense. Moi, j’ai besoin d’être bien entouré. » Il l’est et le sera encore à Petite-Vallée. Mathilde et les enfants seront là. Son grand ami Richard Séguin aussi.

Le Grand solstice, ce mercredi, 20 h, à ICI Télé, ICI Musique et Télé-Québec

Le 30 juillet au Festival en chanson de Petite-Vallée

Le 1er août au festival Innu Nikamu

Journée nationale des Peuples autochtones : quatre façons de célébrer ce mercredi

Un grand concert à Québec

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Le groupe Maten

À Québec, le festival Kwe !, qui met de l’avant la culture autochtone, se conclura de belle façon avec un grand concert au cœur de la ville. Dès 14 h, la place d’Youville s’animera avec la présence de danseurs et de chanteurs de gorge. Puis, jusqu’à 23 h, des artistes de différentes nations, dont Violent Ground et Maten, se succéderont sur scène. Le public pourra aussi découvrir l’adaptation en 11 langues autochtones de la chanson Un musicien parmi tant d’autres, de Serge Fiori.

Véronique Larocque, La Presse

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Elisabeth St-Gelais à Joliette

PHOTO FOURNIE PAR LE PRIX D’EUROPE

Elisabeth St-Gelais

La soprano innue Elisabeth St-Gelais, qui a récemment remporté le prestigieux Prix d’Europe, offrira un concert gratuit au Musée d’art de Joliette, à 14 h 45. Ce spectacle est présenté dans le cadre de l’évènement « Waskapitan, célébrons les peuples autochtones », organisé par le Centre d’amitié autochtone de Lanaudière. Les festivités se poursuivront sur la place Bourget, dès 16 h, avec des prestations musicales variées, dont celle de Laura Niquay, gagnante du Félix de l’artiste autochtone de l’année en 2022.

Véronique Larocque, La Presse

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Cérémonie au Quai de l’horloge

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE

Shauit

Feux du jour, chants, palabres et danses sont prévus au Quai de l’horloge, dans le Vieux-Port de Montréal. Cette cérémonie organisée par Terres en vues et Présence autochtone sera menée par des aînés de la nation mohawk alors que le soleil sera à son zénith. Le chanteur innu Shauit offrira également une performance.

Véronique Larocque, La Presse

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Pour toute la famille

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Moe Clark

Au parc Arthur-Therrien, dans l’arrondissement de Verdun, de nombreuses activités attendent petits et grands. De 13 h à 20 h, jeux, chasse au trésor, danses traditionnelles, exposition d’artisanat, nourriture et prestations musicales seront à l’honneur lors de cet évènement gratuit organisé par Montréal Autochtone. Parmi les artistes invités, nommons Moe Clark et Backwater Township.

Véronique Larocque, La Presse

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