La dernière production de l’année de l’Opéra de Montréal, Madama Butterfly de Puccini, a déployé ses ailes samedi soir à la salle Wilfrid-Pelletier. Une proposition scénique convaincante avec un premier rôle investi.

Tout comme La Bohème, Madama Butterfly est une valeur sûre pour toute maison d’opéra, dont celle de Montréal, qui l’a programmée pour la dernière fois en 2015 et qui a dû cette fois-ci ajouter une supplémentaire pour répondre à l’enthousiasme du public. Phénomène rarissime dans notre minuscule écosystème opératique, Montréal et Québec pleureront tous les deux les malheurs de la petite Japonaise à une semaine d’intervalle dans des spectacles entièrement différents.

L’institution a complètement renouvelé la scénographie pour cette œuvre donnée maintes et maintes fois sur les mêmes planches. Le tout est simple et efficace : l’espace scénique est meublé, du début à la fin, par l’appartement de la geisha, constitué de ces immenses cloisons coulissantes traditionnelles, qui laissent voir à l’occasion un arrière-plan habillé par des projections évoquant les différentes saisons du couchant.

La proposition de la jeune metteure en scène états-unienne Stephanie Havey va à l’essentiel et se démarque – fait pas si courant dans le monde lyrique – par une excellente direction d’acteurs.

Singularité marquante : la présence épisodique, côté jardin, de figurants évoquant l’enfant de Butterfly vers l’âge de 10 ans et sa mère adoptive, Jane Pinkerton, qui lui raconte ses origines troubles à l’aide de ce qui se passe sur scène, mais aussi de quelques objets laissés par Butterfly à sa mort.

Un ajout intéressant pour ceux connaissant déjà les tenants et aboutissants du drame, mais plus difficile à comprendre pour les néophytes, surtout que l’apparition du « vrai » enfant au deuxième acte a été pensée comme une surprise par le compositeur et ses librettistes.

Sur le plan vocal, tout repose sur le rôle-titre, dont l’importance dans le drame est à des lieues de celle des autres protagonistes. La soprano ontarienne Joyce El-Khoury ne se distingue guère par la beauté intrinsèque du timbre. Bien que la technique de la chanteuse semble assurée (les aigus, notamment, sont produits sans problème), la couleur de la voix est passablement acidulée.

Cela dit, El-Khoury se démarque par un engagement dramatique de chaque instant. Sa Butterfly est déchirée entre l’insouciance de l’enfance (elle n’a que 15 ans au début de l’opéra) et l’immense drame qui se joue dans sa vie (elle est abandonnée par sa famille et par son mari de pacotille…).

Le reste de la distribution est généralement de haut vol, en premier lieu le Pinkerton de Matthew White, une vraie voix de ténor lyrique comme on en entend trop rarement sous nos latitudes.

Le grand blond, états-unien comme son personnage, montre une aisance confondante dans tout le registre, comme en fait foi son sol aigu sur « Ah, vien ! » vers la fin du grand duo d’amour, note qui sonne souvent rengorgée chez bien des chanteurs, mais qui, chez White, luit comme un soleil.

Le Sharpless du baryton Hugo Laporte, tout comme le Goro du ténor Éric Thériault, ne sont pas moins méritants, de même que la Suzuki de Lauren Segal et le Yamadori du baryton Geoffrey Schellenberg.

L’Orchestre Métropolitain était placé sous la direction de l’Espagnol Pedro Hallfter, dont la direction efficace nous a semblé par moments routinière, notamment lors de l’entrée – chétive – du Bonze et du duo « Vogliatemi bene », qui manquait singulièrement de tendresse.

À la salle Wilfrid-Pelletier les 9, 11 et 14 mai et en supplémentaire le 16 mai. Au Grand Théâtre de Québec les 13, 16, 18 et 20 mai.

Consultez le site de l’Opéra de Montréal
Madama Butterfly

Madama Butterfly

Puccini
Mise en scène de
Stephanie Havey

À l’Opéra de Montréal