Les Francouvertes prennent leur envol cette semaine avec deux premières soirées préliminaires. Et pour la première fois en 27 ans, un artiste autochtone, Samian, agit comme porte-parole. Il partage la tâche avec la rappeuse Calamine.

« Il y a quelque chose de symbolique là-dedans », dit Samian, qui n’a jamais été concurrent aux Francouvertes, mais qui a participé à des évènements hors-concours de cet important tremplin consacré à la relève de la chanson francophone.

La présence de Samian témoigne de la décision des Francouvertes d’accueillir maintenant des participants qui chantent en langues autochtones au même titre que le français.

« C’est important de le souligner », dit l’artiste de la Première Nation Abitibiwinni.

Cégeps en spectacle aussi a fait le pas, d’autres devraient aller dans ce sens. Les Autochtones ne représentent que 1 % de la population, ils ne sont pas une menace pour le français. Mais c’est la racine même du Québec et c’est un choix important de les inclure.

Samian

Sur les 21 artistes ou groupes qui se produiront lors des sept soirées préliminaires, il n’y a qu’une seule concurrente autochtone, Katia Rock. Selon Samian, c’est un travail de longue haleine d’aller joindre les artistes là où ils sont pour qu’ils s’inscrivent. « Je ne peux pas faire ça à moi tout seul. Mais j’ai l’impression que plus on va le dire, plus ce sera martelé qu’on a le droit, plus ça fera une différence à long terme. »

Il estime que le secret pour attirer les artistes autochtones, ainsi que ceux de la diversité, qui sont pratiquement absents de la sélection cette année, est de sortir des noyaux connus de la musique émergente, que ce soit à Montréal ou à Québec.

« On va dire que ça dépend de ceux qui appliquent. Mais il faut en inspirer aussi. C’est pour ça qu’il faut un déploiement plus large », dit Samian, qui constate, grâce à l’émission Minotan qu’il anime chaque semaine sur ICI Musique, à quel point la musique autochtone est en ébullition.

Ouvrir le chemin

Pour la rappeuse Calamine, « la meilleure manière d’attirer la diversité, c’est d’en avoir dans l’organisation et comme porte-parole ».

« C’est un bon chemin que les Francouvertes prennent. Je sais que c’est difficile. Dans les prochaines années, il faudra s’assurer qu’il y ait plus de personnes de couleur. Il faut faire un petit pas chaque année pour assurer l’inclusion de tout le monde. »

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

La rappeuse Calamine

Calamine s’est rendue jusqu’en finale des Francouvertes il y a deux ans et se dit « très honorée » d’en être la porte-parole cette année. « J’ai l’impression que ça fait deux secondes que je suis passée aux Francouvertes… Je me sens redevable, ça m’a vraiment donné le premier élan. »

La rappeuse, qui s’affiche comme queer, lesbienne et féministe, constate que les artistes de la communauté LGBTQ2+ ont de plus en plus la volonté d’exprimer leur identité dans leur art. C’est ce qu’elle incarne aussi comme porte-parole.

En même temps, socialement, on sent une crispation, un backlash. Alors c’est d’autant plus important de tenir notre bout et de promouvoir la diversité sexuelle dans la culture. Les Francouvertes sont une belle plateforme de solidarité, qui peut aider les artistes à être moins vulnérables à cette homogénéisation.

Calamine

Calamine prend son rôle de porte-parole très au sérieux, apprécie la variété des genres musicaux qu’on pourra entendre aux Francouvertes cette année, et est fière de voir que deux rappeuses font partie des artistes sélectionnés.

« La rappeuse Parazar, c’est moi qui lui ai conseillé de participer parce qu’elle ne connaissait pas nécessairement le concours. » C’est ça, être un modèle, finalement : ouvrir le chemin pour les autres. Sa participation remarquée aux Francouvertes il y a deux ans ainsi que sa carrière qui a vite pris son essor ont certainement eu un impact pour celles qui suivent.

« Oui, ça ouvre la porte. Ça donne le droit. Devant moi, il n’y avait personne dans ce créneau féministe. Mais des rappeuses comme Marie-Gold et Sarahmée, elles l’ont eu encore plus dur parce qu’il n’y avait personne avant elles. Pour moi, elles ont été un phare dans la nuit. Ce sera de plus en plus facile, et c’est tant mieux. »

Samian aussi espère que sa présence en inspirera d’autres. « C’est une manière de dire : regardez, dans les prochaines éditions, appliquez. On en a besoin. »

Les Francouvertes se déroulent au Lion d’Or et au Club Soda jusqu’au 15 mai, mais peuvent aussi être suivies en ligne.

Consultez le site des Francouvertes