Il aura fallu 18 ans à Senaya pour enregistrer un successeur à son album Garde la tête haute, mais elle n’a pas baissé les bras. L’autrice-compositrice et interprète présente SoûlKreôl Vol. 1 Roots/Racines où elle mêle musiques guadeloupéenne et sénégalaise dans une foule de dégradés de blues.

Un envol

Le désir de synthétiser ses racines est au cœur des envies musicales de Senaya depuis longtemps. Son premier album, paru en 2005, s’ouvrait sur une chanson intitulée Soul Créole, nom qu’elle a donné à sa manière de métisser l’héritage de son père sénégalais à celui de sa mère guadeloupéenne, mais aussi ses penchants pour le swing jazzy, le groove et bien des formes de blues. Elle a mis 18 ans à préparer la suite, mais estime que s’il en est ainsi, c’est un peu son destin. « Comme on dit en Afrique : Dieu n’est jamais en retard, lance-t-elle. Je vois cet album comme un envol, certains diront peut-être une renaissance, mais je le vois d’abord comme un envol. Maintenant, c’est parti ! »

Enraciné, mais pas traditionnel

Le mot « racines » dans le titre du deuxième album de Senaya ne doit pas être compris comme un synonyme de traditionnel. Il réfère davantage à une envie profonde de puiser dans ce qui l’a construite culturellement, mais dans une perspective bien actuelle. En 2023, son « soûl kreôl » est en effet traversé d’envies pop, de parfums jazzy, d’épices funk et même d’une touche d’électro. « Il y a des mélanges, mais ils ne sont pas faits n’importe comment, il y a une authenticité, un respect des racines, des différentes musiques à la base de mon style, juge-t-elle. Je veux que les gens qui ne sont pas de culture guadeloupéenne, par exemple, apprécient une chanson comme Alé (Voyé Limyè), le premier extrait, mais que les gens de culture guadeloupéenne puissent se dire : c’est moi, ça. »

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Dégradés de blues

L’une des belles surprises du disque est le morceau Dé Moun Ki Émé où la kora de Zal Sissokho chante délicatement avec de l’harmonica. Un mélange étonnant et fort éloquent. « Quand on écoute l’album en entier, il y a toujours un fond de blues, souligne Senaya. C’est justement le point commun entre toutes ces chansons. Il y a des morceaux où je me rapproche de New Orleans, alors qu’Alé (Voyé Limyè), est plus gowka, style qui est considéré comme le blues de la Guadeloupe. »

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Sur son nouvel album, Senaya explore toutes les musiques à la base de son style, mais « il y a toujours un fond de blues ».

Hommage aux migrants

Senaya chante désormais surtout en créole, mais parfois aussi en français, en anglais et en wolof, principale langue parlée au Sénégal. Elle a choisi cette dernière pour évoquer le destin tragique de Sénégalais disparus en mer pour avoir tenté de rejoindre l’Europe dans l’espoir d’avoir une vie meilleure sur Aduna Gneupankobok. « Je voulais leur rendre hommage, d’une certaine manière, explique-t-elle, et par extension à tous ces migrants qui meurent en mer. C’est aussi une façon de demander : pourquoi certaines personnes peuvent aller où elles veulent sur cette terre qui nous appartient à tous et d’autres pas ? Et pourquoi certains en meurent ? »

La force de l’amour

I Pray (Time is Coming), seule chanson en anglais de l’album, est fortement imprégnée de gospel, mais aussi du swing et du jazz de La Nouvelle-Orléans. « Je rêve d’ailleurs de faire la vidéo de cette chanson au Congo Square à New Orleans, s’enthousiasme Senaya. Elle est née de mon envie de dire mon amour pour Dieu, ce qu’il m’a apporté, entre autres au cours des 18 années entre mes deux disques. La spiritualité est importante pour moi, mais la religion, pas du tout. Je crois en Dieu, mais de mon point de vue, celui qui croit en l’amour, qui le vit, croit aussi en Dieu sans le savoir. Pour moi, amour égale Dieu et Dieu égale amour. »

SoûlKreôl Vol. 1 Roots/Racines

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SoûlKreôl Vol. 1 Roots/Racines

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