Kent Nagano donnait mercredi soir le premier de trois concerts avec l’Orchestre symphonique de Montréal, une seconde apparition cette saison à la tête de la formation qu’il a dirigée de 2006 à 2020. Un programme original donné sans entracte qui a donné l’occasion au pianiste français Alexandre Kantorow de faire une vive impression sur le public.

Le chef émérite reste incontestablement un invité « bankable » à Montréal, lui qui, mercredi comme en novembre, a réussi à remplir la Maison symphonique avec un répertoire relativement pointu.

Après un programme classique (Mozart et le jeune Schubert), il nous est cette fois arrivé avec un menu « nordique » composé de trois partitions assez rares : le récent Swansong d’Arvo Pärt, la Symphonie no 7 en do majeur, opus 105, de Sibelius, et le Concerto pour piano no 2 en sol mineur, opus 44, de Tchaïkovski.

On avait hâte d’entendre Alexandre Kantorow à Montréal, lui qui s’était produit l’été passé au Festival de Lanaudière. En particulier dans un des deux concertos qui lui ont permis, en 2019, de convaincre le jury du très relevé concours Tchaïkovski, une œuvre qu’il joue un peu partout sur la planète ces temps-ci.

À l’écoute de son interprétation de ce concerto d’une difficulté notoire, on comprend pourquoi certains décrivent Kantorow comme la réincarnation de Liszt.

Le musicien de 25 ans se rit des écueils de la partition, chauffant à blanc le clavier du grand Steinway de la Maison symphonique.

Mais ne serait-ce pas trop ? Il est évident que Tchaïkovski désire quelque chose de virtuose, avec des tempos comme allegro brillante et allegro con fuoco (« avec feu »). Mais il y a un problème lorsque cela se fait au détriment de la clarté de l’expression et du texte, comme mercredi.

C’est le cas, notamment, dans la première et la dernière grande cadence du vaste premier mouvement, où le pianiste s’ébat comme un cheval fou. Le compositeur russe, après tout, reste plus proche du grand legato brahmsien que des montées d’adrénaline lisztiennes.

Le pianiste s’enivre-t-il trop de sa propre virtuosité ? Un concert capté sur le vif en 2019 avec Valery Gergiev au Théâtre Mariinsky montre qu’il peut jouer ce concerto de la plus sublime des façons. Sa magnifique intégrale des concertos de Saint-Saëns, que nous encensions en décembre, montre également que le pianiste peut être étincelant tout en gardant un solide ancrage rythmique.

Car Alexandre Kantorow est bien capable d’incarner la lenteur, comme on peut l’entendre dans les passages plus lents du concerto – le mouvement central, notamment, où le violoniste Andrew Wan et la violoncelliste Anna Burden impressionnent – et dans le magnifique arrangement de Liszt des Litanei auf das Fest Allerseelen de Schubert, joué en rappel.

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

Kent Nagano

Kent Nagano est quant à lui égal à lui-même, avec une interprétation ciselée, mais manquant parfois de spontanéité.

On aime la simplicité de son Swansong, sorte de valse lente arrangée pour orchestre à partir d’une œuvre antérieure pour orgue et chœur de Pärt.

Le chef convainc toutefois un peu moins dans la Symphonie no 7 de Sibelius. D’abord avec certains crescendo parfois trop rapides, notamment dans la gamme initiale aux cordes, mais aussi avec des dialogues entre les pupitres qui manquent de fluidité, de vivacité aussi parfois. Certains traits plus rapides restent également trop prosaïques, manquant d’un brin d’abandon. Mais comme souvent avec Nagano, on prête volontiers l’oreille, car tout est fait avec un soin patient et une véritable abnégation.

Le concert sera redonné les 25 et 26 février à 14 h 30 et est offert sur Medici.tv.

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