Ne reculant devant rien, La Presse s’est rendue à LaSalle pour entendre la « vraie » création du Double concerto pour violoncelle et harpe de Denis Gougeon par l’Orchestre Métropolitain. Une soirée d’un intérêt inégal illuminée par la direction engagée de Nicolas Ellis.

On ne pourra pas dire que la nouvelle musique est négligée à l’OM, qui créait, tout juste la semaine passée, un concerto pour thérémine du compositeur Simon Bertrand.

Le chef invité a tenu à rappeler aux spectateurs qui remplissaient la moitié des quelque 800 sièges de la salle Jean-Grimaldi du Théâtre Desjardins qu’ils assistaient « vraiment » à la création, contrairement à ceux qui assisteront aux représentations de vendredi (à la Maison symphonique) ou de dimanche (au collège Regina Assumpta).

Le Double concerto est né de l’amitié entre le compositeur montréalais et les deux solistes, le violoncelliste Stéphane Tétreault et la harpiste Valérie Milot, pour qui il a chacun composé un concerto.

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

La harpiste Valérie Milot

Si la création de Simon Bertrand relevait de la musique à programme (il décrivait plusieurs épisodes de la vie de l’inventeur du thérémine), la partition de Denis Gougeon tenait davantage de la musique « pure ».

Le compositeur, dans les notes de programme, décrit lui-même son œuvre comme un « continuum [qui] ne revient jamais en arrière », où « deux “voyageurs” […] avancent, de tableau en tableau, dans une conversation souvent animée, quelquefois empreinte d’hésitation ou de grande intériorité ». On pense à Don Quichotte de Strauss, dans un tout autre langage, puisque Gougeon se situe bien plus dans une veine postimpressionniste que dans une esthétique postromantique.

Si le concerto part en canon, avec de belles couleurs orchestrales et harmoniques, on a toutefois l’impression d’un essoufflement graduel. La forme choisie par Gougeon, si elle permet certains contrastes, manque de fil conducteur, de « dramaturgie ».

Les différentes atmosphères créées manquent à notre avis de relief, avec des formules mélodiques et instrumentales parfois quelque peu stéréotypées, malgré certains effets d’orchestration intéressants aux bois.

On a donc bien une succession de tableaux, mais des tableaux qui en soi ne sont pas si intéressants, même si les deux solistes – et le chef – se démènent sur scène. En accompagnement d’un film, cette musique « climatique » prendrait une tout autre dimension. Seule, elle manque quelque peu de sel.

Denis Gougeon, qui excelle dans les pièces brèves (comme en témoignent ses formidables Six thèmes solaires), manquerait-il d’inspiration dans les œuvres de plus longue haleine ?

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

De l’inspiration, il y en avait heureusement en quantité après l’entracte avec la monumentale Symphonie no 5 en ré mineur de Chostakovitch, dont Ellis a judicieusement expliqué les tenants et aboutissants historiques et musicaux.

Malgré la sécheresse sonore de l’auditorium, l’orchestre produit un son riche et plein. Mais surtout, la conception musicale très mûre du jeune chef fait beaucoup pour faire aimer l’œuvre.

Il n’y a rien de vraiment très rapide dans cette symphonie, avec les deux mouvements extrêmes marqués allegro non troppo (le premier étant introduit par un vaste moderato), un scherzo allegretto et un largo. Le chef s’y conforme à merveille, tenant la bride avec panache et autorité tout au long de l’œuvre. Lenteur n’est pas synonyme de manque d’intensité avec Nicolas Ellis.

Le concert avait commencé par la délicieuse Petite suite pour petit orchestre de Germaine Tailleferre, membre du groupe des Six avec Poulenc, Milhaud, Honegger, Auric et Durey. Les trois brefs mouvements (« Prélude », « Sicilienne » et « Finale ») distillent chacun un climat bien singulier, une « verdeur » tout à fait unique. Une belle leçon de musique. Car inventer ce qui ne ressemble à rien d’autre, c’est peut-être un peu cela, le miracle de la création.

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