Un, deux, trois, sept ! Les membres des Trois Accords sortent rien de moins que leur septième album, Présence d’esprit, réalisé par leur frère d’armes Gus Van Go, qui provoque des rires, mais aussi quelques larmes.

« Le premier test d’excitation d’une chanson, c’est avec les gars », expose Simon Proulx.

Quand le parolier et chanteur des Trois Accords présente une idée ou un titre de chanson à ses comparses, le consensus se fait souvent ainsi : « Ça, c’est très Trois Accords. »

On pourrait en dire autant du septième album du groupe. Que ce soit le titre Présence d’esprit, les hymnes plus « adulescents » (Vol à l’étalage, Ouija) ou le triste constat de ce qu’on a « l’air le matin », c’est en effet « très Trois Accords ».

Mais loin de nous l’idée d’être réducteur. Ce n’est pas donné à tous les groupes d’avoir une signature aussi unique que celle de la formation de Drummondville dans un spectre musical qui oscille habilement entre le comique et le touchant. Surtout que cette fois-ci, le quatuor dévoile une chanson qui s’avère la plus poignante de sa discographie, Pâté chinois. « Ma blonde, je fais juste lui dire le titre et elle pleure, lance Pierre-Luc Boisvert. On l’avait fait avec Le bureau du médecin et Les dauphins et les licornes, mais on va une coche plus deep. »

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Simon Proulx était « super stressé » de dévoiler à ses comparses la ballade qui porte sur le deuil. « Je n’étais pas capable de la chanter, car c’était super émotif. »

Avant que ton cœur ne s’arrête de battre/Laisse-moi te faire écouter le mien, chante-t-il. Une telle portion d’amour ça ne s’achète pas/Il y a plein d’amour dans ton pâté chinois.

Les arrangements sont tout en sobriété. Il fallait respecter l’âme et l’émotivité de la chanson sans détourner l’attention de l’auditeur, souligne Alexandre Parr, qui constate aussi que c’est rare que Les Trois Accords aillent « dans ces territoires-là ».

Pâté chinois ? « Le titre fait Trois Accords », résume Simon Proulx avec le ton mi-sérieux mi-comique qui lui est propre.

À l’opposé, ce nouvel album des Trois Accords s’ouvre avec l’hymne rock internet, hommage à ce lieu où « on achète un pantalon sans l’essayer » et où on se demande si une démangeaison est normale. En attendant de devenir un tube, internet vous fera certainement crouler de rire.

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Un album de « party »

Comme Beaucoup de plaisir sorti en 2018, l’album Présence d’esprit n’est pas aussi conceptuel que certains de ses prédécesseurs, bien que son titre se prête habilement à chaque chanson : celles plus paranormales (Ouija, Visite nocturne, Hypnose) comme celles qui nous plongent dans la tête d’une Vedette pop ou du propriétaire d’une Piscine hors terre.

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Autre élément gagnant inspiré de l’album précédent, « l’aspect dansant et party » dont les Trois Accords n’ont pu pleinement profiter vu la tournée freinée par la pandémie. « Il y a une dimension coming of age », ajoute Charles Dubreuil, en faisant notamment référence à Vol à l’étalage.

L’influence de Weezer et du grunge demeure, mais sur Visite nocturne, c’est plutôt des sons new wave à la The Cure qui accrochent redoutablement nos oreilles.

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L’incontournable Gus Van Go

Les Trois Accords travaillent avec le même réalisateur depuis leur troisième album, Dans mon corps. À l’origine, c’est Guillaume Beauregard des Vulgaires Machins qui a proposé le nom de Gus Van Go au groupe (qui avait tenté sa chance auprès de Daniel Lanois !).

En fait, c’est Gus Van Go qui voulait travailler avec Les Trois Accords. Or, l’ex-MMom and Morgentaler était associé à des groupes de rock plutôt lourd comme Priestess… « Simon écrivait Dans mon corps et on s’en allait vraiment ailleurs », raconte Charles Dubreuil.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Simon Proulx et Charles Dubreuil

« J’étais réticent », opine Simon Proulx. Mais une seule discussion a suffi à le convaincre de s’unir à lui et de ne plus s’en passer. « Gus est devenu très impliqué dans le processus créatif. Il sait arriver à ce que je veux dire alors que mes mots sont pas rapport. »

« Gus respecte la danse, le rythme fondamental de la toune », conclut Charles Dubreuil.

Sept albums, rien de moins

On se souvient encore très bien de la première fois qu’on a entendu Hawaïenne sur les ondes de la radio universitaire CISM. C’était en 2003. Beaucoup de gens pensaient alors que la « joke » des Trois Accords n’allait pas durer malgré les 200 000 exemplaires écoulés de Gros Mammouth Album.

Le succès s’est poursuivi, sans essoufflement, avec Grand champion international de course, et les autres albums, si bien que Les Trois Accords font partie des rares groupes — avec Les Cowboys fringants — qui durent, bien au-devant de la scène musicale du Québec. « La longévité du band découle de bien des affaires, mais le Festival de la poutine est un point d’ancrage super important », souligne Charles Dubreuil.

« On s’accomplit ensemble autrement, complète Simon Proulx. Nous sommes par ailleurs chanceux d’avoir la latitude artistique que nous avons. On peut aller dans plein de registres et les gens apprécient. On n’a pas trop à se poser la question : est-ce que ça va passer ? »

Repousser les frontières de son heureux mélange de power pop et de rock ? Ça, c’est certainement Trois Accords.