Après le deuil de l’amour sur Triste pareil, le deuil « de vraiment plein d’affaires » avec Grafignes. Ce deuxième disque de Gab Bouchard, écrit « dans la noirceur de deux hivers », fait ce qu’il annonce : il grafigne, il écorche même. Et à la fois, quelque part entre les lignes et les accords, il permet l’espoir.

À l’écoute de Grafignes, on devine que quelque chose de très sombre s’est passé ces dernières années dans la vie de l’auteur-compositeur-interprète. Le suicide d’un proche, très probablement. « C’est pas que je ne veux pas en parler, mais les tounes sont tellement claires que je me dis que je vais laisser le monde se faire leur idée », nous dit-il en entrevue.

Le regard direct, Gab Bouchard se laisse aller à une certaine candeur au fil de la discussion. Il ne cherche pas à éviter nos questions, perd même parfois le fil de ses idées en voulant détailler ses réponses. Mais il préfère ne pas trop s’étendre lorsqu’il est question de ce qui a inspiré la chanson C’est cool, qui parle du deuil d’un être aimé.

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Attablé face à nous à l’étage d’une brasserie du quartier Hochelaga, le musicien confie toutefois avoir écrit la chanson « avant que quelque chose n’arrive ». « C’était comme une prémonition », laisse-t-il tomber.

Il note à quel point la mort est omniprésente, tant sur cette pièce que sur le reste du disque. Si la cadence est rapide sur plusieurs chansons, les thèmes, eux, sont très sombres. Sur Trou d’eau, « beaucoup inspirée du Lac et de mes vieux chums », c’est la jeunesse et la drogue, l’envie de vivre, collée à celle de s’abandonner dans le party parfois. Remède aborde la peine d’amour et les façons de geler la douleur (lire ici : l’alcool et la drogue). Dans Grafignes, Bouchard s’adresse à quelqu’un, espère que la vie ne la fait plus trop souffrir.

L’espoir dans la musique

Écrire ces chansons a été un exutoire pour Gab Bouchard.

Plus que le premier [album] encore, qui m’avait aussi aidé à extérioriser des trucs. Avec celui-là, j’ai fait la paix avec pas mal d’affaires personnelles. J’ai fait le tour de la question. C’est un album de deuil, mais aussi de questionnement, de dépendance à plein de choses.

Gab Bouchard

Le mal de vivre est tangible dans tout l’album. Le sien, celui de ceux qu’il aime, celui de ceux qui se reconnaîtront en l’écoutant. Gab Bouchard constate tout de même avec un peu de recul que l’espoir n’est jamais bien loin. « Y a d’autres choses à faire que de mourir », entend-on sur Ton shift est pas fini. « Y a d’autres choses à faire que de pleurer l’amour / Y a d’autres choses à faire que de pleurer les jours où tout allait ben », ajoute-t-il dans le refrain. L’album se termine sur Même si, qui promet que la paix intérieure arrivera un jour.

Et puis il y a la musique, qui vient « donner un break aux paroles ». « Cet album, c’est deux hivers de création et de production. Il fait noir et c’est lourd, c’est pas un album d’été tant que ça. Mais en même temps, la musique vient aider. J’aime la musique qui groove. J’aime quand c’est le fun de jouer des tounes. »

L’album instrumental

Côté instrumental, d’ailleurs, l’offre de Gab Bouchard a pris du galon. « Je voulais que la musique accote les paroles. Je voulais que les tounes soient bonnes même sans les mots. Drôlement, il n’y en a pas eu pendant un sacré bout, je ne finissais jamais mes paroles. La joke, c’était qu’il allait être bon, mon album instrumental », dit celui qui s’avoue expert en procrastination.

Le travail sur les arrangements a été « poussé au plus loin qu’on pouvait aller ». Les cordes prennent de la place, donnent de l’ampleur. Mais pas autant que le piano, qui lui est partout. « J’ai toujours voulu plus de piano, mais je ne suis pas vraiment capable d’en jouer, explique Gab Bouchard. Mais là, Mathieu [Quenneville] est arrivé. » Cette fois, plutôt que de travailler ses chansons en préproduction seul, le chanteur a fait appel à son ami claviériste, qui s’était joint à son groupe pour la tournée du premier album. « J’arrêtais pas de lui demander de venir en studio ; finalement, on s’est dit qu’on allait faire toutes les tounes ensemble, raconte-t-il. Il a vraiment de bonnes idées, mais aussi toutes les connaissances musicales que je n’ai pas. Ce que je chante, il peut le refaire. Moi, ça me prend du temps. »

Le duo a écouté beaucoup de musique pour s’inspirer, de l’album du Plastic Ono Band de John Lennon à Tranquility Base Hotel & Casino d’Arctic Monkeys. Des mois de travail acharné plus tard, Grafignes voit enfin le jour. Gab Bouchard a été nerveux de le présenter pendant un temps, de peur que « le monde n’aime pas ça parce que c’est trop différent du premier ».

Il confie maintenant que la fierté a remplacé la crainte. « Moi, je l’aime. Dès lors que je me dis ça, j’ai hâte de voir ce que le monde va en penser. »

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