Personne n’aurait imaginé, il y a tout juste un mois, que le concert Handel pour toujours de l’Orchestre classique de Montréal serait donné sans son directeur musical Boris Brott, disparu brutalement à Hamilton le 5 avril après avoir été fauché par un automobiliste. Placée sous la direction de Matthias Maute, la soirée ne fut toutefois pas à la hauteur de cette personnalité marquante du milieu culturel montréalais.

Les mélomanes étaient accueillis par un immense portrait du maestro projeté sur la scène de la salle Pierre-Mercure. La présidente du conseil d’administration, Deborah Corber, et le directeur général Taras Kulish lui ont rendu un hommage senti en début de concert.

Ce dernier nous a confié, lors d’une conversation téléphonique plus tôt cette semaine, à quel point il avait développé une « rare » amitié avec Boris Brott depuis son arrivée à l’OCM il y a 10 ans. « Même s’il avait 78 ans, on pensait qu’il allait rester pour toujours », a-t-il déclaré.

« On a perdu une personne vraiment incroyable. Cet orchestre, qui a 82 ans quand même, c’est un joyau, un bijou pour nous à Montréal, et je crois que les membres de l’Orchestre, le C.A. et moi-même sommes tous vraiment stimulés en ce moment pour continuer son rayonnement », a-t-il ajouté.

Préparé il y a un an, le concert, « bizarrement, reflète bien qui était Boris. Même si ce n’était pas un “baroqueux”, il aimait beaucoup Haendel, en plus d’avoir un attachement pour les nouveaux compositeurs », a précisé l’administrateur, lui-même musicien.

Matthias Maute, lui, est un baroqueux. On s’attendait donc à ce qu’il soit comme un poisson dans l’eau dans la Water Music de Haendel. On a toutefois l’impression globale d’un déchiffrage fait par quelqu’un qui semble s’être récemment improvisé chef d’orchestre.

Puisque sa battue manque trop souvent de rebond, les musiciens ne savent souvent pas trop où se mettre, créant alors un flou général où on ne profite guère de la musique, craignant toujours le prochain cafouillage.

Heureusement, on a affaire à des musiciens professionnels qui en ont vu d’autres. Le violon solo Marc Djokic, d’une redoutable efficacité, est par conséquent le véritable héros de la soirée, palliant les carences du maître à bord par son ascendant sur les autres musiciens.

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Marc Djokic, violon solo

Difficile de parler musique avec un chef qui multiplie les effets de manche inutiles (musiciens qui se lèvent en jouant, concours d’adresse entre la soprano Karina Gauvin et l’excellent trompettiste Alexis Basque dans l’air « Let the bright Seraphim » de Samson, etc.). Le cabotinage ne fait pas une interprétation.

L’Arabesque d’Alexander Brott (père de Boris), courte pièce faisant dialoguer la violoncelliste solo Chloé Dominguez avec l’orchestre, semble comporter plusieurs idées intéressantes, mais on a plus l’impression d’un déchiffrage. Idem avec le Concerto Antico : « à travers un miroir fumé », charmante création du Néerlando-Canadien Jaap Nico Hamburger, dont la carrure évoque Haendel, mais avec des harmonies rappelant davantage Hindemith.

La classe de Karina Gauvin

La soprano Karina Gauvin, l’une des grandes haendéliennes du XXIe siècle, apporte néanmoins une certaine classe au concert, même si la voix de la chanteuse, qui célèbre cette année ses 56 ans, n’est plus dans sa prime jeunesse.

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Karina Gauvin, soprano québécoise

Elle enchante évidemment toujours par son habituelle présence et son médium chaleureux. Mais les aigus, surtout les plus puissants, accusent un certain trémolo accompagné d’un dérangeant tremblement de la mâchoire.

On n’y voit toutefois que du feu quand la chanteuse allège ses aigus, comme dans le périlleux air « Sweet bird, that shun’st the noise of folly » tiré de l’ode L’Allegro, il Penseroso ed il Moderato, toujours de Haendel, où elle dialogue efficacement avec la flûtiste à bec Sophie Larivière.

Le concert, enfin, se voulait d’abord un hommage à une des « femmes d’exception » célébrées cette année par l’orchestre, l’ancienne ministre et professeure Monique Bégin, qui a exprimé ses remerciements par vidéo.