On dit du musicien français Sofiane Pamart qu’il est « le pianiste du rap ». Formation classique et influence hip-hop ont forgé un artiste mettant sa virtuosité au service d’un style « sans frontière ». Il sort ce vendredi son second album, Letter.

S’il lance un deuxième album solo de compositions néo-classiques au piano, Sofiane Pamart est un artiste que l’on ne définit pas facilement. Lorsqu’il laisse aller ses doigts sur les touches blanches et noires, des univers qui ne se côtoient pas fréquemment s’entremêlent. Ce n’est pas la première fois que la musique classique rencontre le rap, mais le pianiste, en collaborant avec de nombreux rappeurs français ces dernières années, joue son rôle dans la version contemporaine de cette fusion.

Il a la formation d’un pianiste classique, mais la mentalité d’un rappeur, lance-t-il, lorsque nous le joignons en France par téléphone. Il a le style aussi : dégaine décontractée, mais chic, lunettes fumées, bijoux aux doigts et autour du cou, et même des « grillz » sur les dents à l’occasion.

Pour lui, il ne s’agit même pas de « casser les codes ».

Ma force, c’est de ne jamais avoir mis de frontière entre ces genres et c’est ce qui change tout, dit le pianiste de 31 ans. Naturellement, je vais vers les styles de musique qu’il y avait autour de moi, enfant. J’écoutais du rap et je faisais du classique au conservatoire. J’allais d’un monde à l’autre.

Sofiane Pamart

Entre ses 7 ans et ses 25 ans, Sofiane Pamart a étudié le piano et la musique classique au conservatoire de Lille. Sa mère l’y a inscrit après avoir vu tout le plaisir et l’aptitude du jeune Sofiane qui, à l’époque, s’amusait sur un petit clavier d’une dizaine de touches. « Elle s’est rendu compte très vite que j’avais l’oreille absolue, que j’arrivais à reproduire d’oreille toutes les mélodies que j’entendais à la radio ou dans les films », raconte le musicien, que les médias français qualifient de virtuose.

0:00
 
0:00
 

Dès qu’il a accédé à cette occasion d’y consacrer tout son temps, il s’est rendu compte que le piano était sa vocation. « J’ai eu la chance de découvrir ça super tôt. Le piano n’a plus jamais quitté ma vie, dit-il. Il a toujours été une extension de mon corps. Dès que je touche un piano, ça va toujours bien, mes doigts vont naturellement sur les touches. Il y a une grosse part de travail, de technique, mais ç’a toujours été un jeu pour moi. »

Oublier la technique

Dans les salles du conservatoire (d’où il est sorti avec une médaille d’or), grâce à des maîtres qui lui ont « expliqué la musique de l’intérieur », il découvre les compositeurs classiques – « Chopin, Schumann, Ravel » –, qui l’inspirent. « Sans ça, je n’aurais jamais été vers eux, parce que ce n’est pas du tout la musique que j’écoutais », dit-il.

Dans leurs œuvres, il entend les histoires, les aventures que la musique raconte. Cette influence est « partout dans [ses] œuvres » aujourd’hui. Pourtant, à une époque, un côté « rebelle » lui a donné envie de se départir des codes qu’il avait appris.

J’ai voulu tout désapprendre. Pendant des années, j’ai essayé d’oublier la manière théorique de voir la musique, j’en avais marre. Maintenant, je me rends compte qu’il fallait que je l’oublie pour que je puisse la ressortir naturellement, sans y penser. Ça va donner, par exemple, un morceau qui a une couleur comme du Chopin, des connotations. Dans mes compositions, on a le résultat de toutes mes influences.

Sofiane Pamart

Licences universitaires en musicologie et en interprétation de piano en main, Sofiane Pamart sait qu’il poursuivra ce rêve qu’il entretient depuis si longtemps. Il veut être un pianiste populaire. « J’avais ce sentiment que me procurait le fait de jouer, mais aussi ce sentiment de valorisation grâce à cet instrument, raconte-t-il. Je savais que ça ne quitterait pas ma vie. Et après, je voyais les artistes qui me fascinaient à la télé, qui s’habillaient de telle façon, qui faisaient des voyages, et je me disais que j’avais envie de faire pareil. Mais ce n’était jamais des pianistes par contre, c’était des chanteurs, des rappeurs, des gens de la mode. »

0:00
 
0:00
 

Il a voulu avoir cette vie, être un artiste qui se hisse au sommet des palmarès, en passant par le piano. Depuis toujours, il compose ses propres airs. « Quand j’étais enfant, c’était un jeu. De mes 10 à 18 ans, j’ai arrêté de composer pour me concentrer sur le développement de nouvelles techniques, la compréhension de la musique. Mais j’ai compris que l’interprétation, pour moi, c’était pour apprendre, ce n’était pas une fin en soi ; juste un chemin. »

Le voyage dans les accords

Lorsqu’il se remet à composer, sa touche se précise. Comme les grands compositeurs qu’il admire, il raconte des histoires. Ses créations sont imagées, traduisent des rencontres, des voyages, des émotions. Une qualité cinématographique imprègne ses pièces, tout comme une certaine poésie.

Pour atteindre les sommets qu’il vise, Sofiane Pamart commence par fonder un groupe de rap, Rhapsodie, où les vers sont récités sur des mélodies au piano. Puis, il se met à composer pour différents artistes hip-hop, du Belge Scylla (avec qui il enregistre deux albums) au slammeur Grand Corps Malade en passant par Maes, Lord Esperanza et Koba LaD.

En 2019, il lance son premier opus solo, Planet. Un carnet de voyage en musique, qui reçoit un très bel accueil. Aujourd’hui, son deuxième album continue de parler de son côté nomade, « dans une trame qui voyage entre la mélancolie et l’espoir », mais plus encore. « Comme un film, avec une première scène au début, une dernière scène à la fin et des rebondissements au fur et à mesure », il raconte les deux dernières années durant lesquelles il est parti à la rencontre de son public. « J’ai ressenti tellement de reconnaissance que j’ai voulu lui dédier mon album, parce qu’il fait partie de ma vie au quotidien, dit le pianiste. Les artistes vivent par le public, pas indépendamment de lui. Je reçois des messages, je vois comment ma musique entre dans la vie d’inconnus, je rencontre des gens et je vois des émotions. Ça me touche et ça m’inspire beaucoup. »

Alors qu’il continue de donner des concerts dans le monde, de faire grandir son auditoire, de toucher de plus en plus de gens (admirateurs de rap, de classique et autres), le pianiste à la mentalité de rappeur n’a sûrement pas fini d’être inspiré.

Letter

Piano

Letter

Sofiane Pamart