Olivier Demers, du groupe Le Vent du Nord, a fait un travail de moine ces 13 dernières années : il a répertorié et retranscris environ 1000 airs traditionnels du répertoire québécois. Un devoir de mémoire qu’il a commencé pour « rassurer la sienne ».

Il existe des archives de folklore à l’Université Laval. Il y a aussi des gens qui ont leur petite collection personnelle d’airs traditionnels dans leurs tiroirs. Ou dans leur tête. Jusqu’ici, toutefois, personne n’avait rassemblé et publié dans un même ouvrage un aussi vaste répertoire que ce qu’on trouve dans 1000 airs du Québec et de l’Amérique francophone.

Sans être un accident de parcours, ce projet a débuté sans en être vraiment un. Olivier Demers ne voulait, au départ, qu’apprendre un nouveau logiciel de notation musicale. Et tant qu’à faire des tests, il s’est dit qu’il allait commencer par transcrire les morceaux — les centaines de morceaux — qu’il connaissait déjà.

C’était plus pour rassurer ma mémoire. Après coup, je me suis dit que j’allais faire un travail de transcription d’archives. C’est devenu passionnel : plus je me plongeais dans le répertoire, plus j’avais envie de continuer ma démarche.

Olivier Demers

Il aura finalement mis 13 ans à rassembler les 1000 airs retranscrits dans son recueil, ouvrage unique en son genre au Québec. Reel, gigue, 6/8, on trouve de tout dans cette somme qui a pour objectif de donner une idée de l’envergure du « répertoire national » et qu’il envisage entre autres comme un outil de travail pour les musiciens traditionnels.

Détail essentiel aux yeux d’Olivier Demers, pour chaque morceau, il prend la peine de nommer le transmetteur. « Il était essentiel pour moi de rendre hommage à ces joueurs-là, qui ont fait en sorte qu’on peut continuer à jouer ces morceaux-là », explique-t-il.

L’ouvrage aux airs d’encyclopédie prend aussi la peine de nommer les titres alternatifs de tel ou tel air (ils pouvaient changer selon les interprètes et les régions) et de souligner l’accordage approprié au violon. « En plus de l’accord normal, au Québec, il y a deux autres types d’accordages assez répandus : la grondeuse et l’accord en vielle. Ils ont tendance à disparaître, déplore-t-il, parce que dans une session ou un jam, les jeunes musiciens prennent moins le temps de se réaccorder. »

Transcrire un air, c’est une manière de le « figer ». Olivier Demers le sait. Et il sait aussi que, dans le monde de la musique traditionnelle, où bien des musiciens ne savent pas lire la musique, la transmission se fait de manière orale.

C’est important à mes yeux que ça continue comme ça. Il y a des façons de souligner l’intention dans le jeu qui ne peuvent pas être transmises à l’écrit.

Olivier Demers

IMAGE FOURNIE PAR OLIVIER DEMERS

1000 airs du Québec et de l’Amérique francophone

Il croit que son ouvrage, même écrit, pourra toutefois montrer le caractère vivant du répertoire traditionnel. Il a d’ailleurs pris la peine de proposer des versions qui, souvent, datent d’environ 100 ans et ne sont déjà plus interprétées de la même façon. Cela montre selon lui que, plus qu’une suite de notes, un air traditionnel est un morceau de musique qui a sa propre identité et qui bouge avec le temps.

« Il prend des tournures différentes, mais ça reste le même morceau. Ça, c’est important pour les musiciens traditionnels, entre autres, de comprendre ces jeux-là, ces déplacements-là. Il est important pour moi de ne pas figer les morceaux avec mon livre, insiste le violoniste, ils doivent continuer à bouger. »

1000 airs du Québec et d’Amérique francophone est publié à compte d’auteur et n’est offert pour le moment que sur la plateforme Espace parallèle.

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