Francis Cabrel revient au Québec pour une tournée de spectacles présentée à guichets fermés, seul sur scène avec sa guitare. Après tant d'années à donner des spectacles, il apprécie le contact privilégié avec son public que lui procure cet exercice en solitaire. C'est une occasion, aussi, de revisiter ses chansons en attendant la sortie d'un nouvel album qu'il espère terminer d'ici un an.

«Je vais en tournée pour me changer les idées, car mon obsession, du matin au soir, c'est l'écriture de cet album, dit-il. Je ne pense plus qu'à ça, et l'écriture est lente. Je rature, je raye, je jette. J'écris du matin au soir, mais en même temps, j'écris peu en quantité. J'essaie de trouver le bon mot. Cela peut prendre trois jours, une semaine, pour trouver ce mot que je désire afin d'exprimer précisément ce que je veux. Pour une seule chanson, cela peut prendre plusieurs semaines.»

Il a donc visité Québec cette semaine et passera par Montréal (ce soir et demain) et Sherbrooke (lundi prochain) avant d'aller aux États-Unis, où il donnera quelques concerts pour les expatriés de son pays qui l'invitent avec insistance depuis des années à se produire dans les lycées français.

«J'ai commencé à prendre goût aux spectacles en solitaire. Cela demande plus de courage d'être vraiment seul, sans soutien rythmique. Il faut plus de concentration. Mais c'est récompensé par le fait d'être très proche des gens. On peut se permettre des murmures et changer l'ordre des chansons ou la façon de les interpréter sans prévenir personne. Le plus difficile est de se jeter dans l'arène, sans musiciens pour faire une introduction.»

Entre poésie et actualité

Il chantera évidemment ses succès, ces chansons qui ont passé l'épreuve du temps.

«Sur environ 140 chansons que j'ai écrites, j'estime en avoir sauvé une quarantaine. Généralement, ces chansons étaient des réactions émotives et venaient du coeur. Ce sont celles que j'ai écrites relativement vite et qui étaient portées par un sentiment ou une opinion sur un sujet. Celles qui résistent moins sont plutôt basées sur des jeux de mots, des rebonds, des rimes compliquées. Ça ne fait jamais des chansons qui durent.»

Mais de temps à autre, il sort des oubliettes des chansons restées méconnues qui méritent de revenir à la vie.

«Entre autres, j'ai ressorti Je rêve, qui date de 1979. C'était la même année que Je l'aime à mourir, alors elle est restée dans l'ombre. Je ne l'avais jamais chantée sur scène depuis.»

Parmi celles qui ont duré, il y a Saïd et Mohamed, qui date de 1983. Une chanson qui décrit l'exclusion des communautés musulmanes en France.

«Elle avait fait réagir, les gens qui ont aujourd'hui 35 ou 40 ans ont été touchés. C'était une chanson contre l'indifférence, le repli sur soi, le manque de curiosité envers ceux qui viennent d'ailleurs. Elle était naïve, mais elle est encore d'actualité. Aujourd'hui, la situation en France est encore plus difficile qu'elle ne l'était à l'époque. Les positions de chacun se sont radicalisées. Dans un sens, la chanson a raté son but.»

Mais s'il se décrit comme un humaniste que les conflits de notre époque inquiètent, le chanteur n'est pas d'humeur sombre pour autant.

«Même si certaines de mes chansons sont tourmentées, je ne m'inquiète pas plus que ça, dit-il. Je n'oublie pas ce fameux dicton disant qu'il faut cultiver son jardin pendant que le monde brûle. Il y a des conflits et de la violence partout, mais de temps de temps, il faut se tourner vers les choses simples comme la famille et la nature pour retrouver un peu de paix et de poésie.»

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Francis Cabrel, ce soir et demain, salle Pierre-Mercure. En première partie: Mathieu Lippé.