À cause d'une querelle avec un chauffeur de taxi qu'il a lui-même diffusée sur Instagram, l'influenceur PO Beaudoin est la risée des réseaux sociaux depuis deux jours. Le mot-clic #POBeaudoinChallenge est même devenu l'un des plus populaires au Québec. Explications.

PO Beaudoin a été mannequin pendant une dizaine d'années avant de devenir influenceur. Depuis maintenant cinq ans, il gagne sa vie notamment grâce à des vidéos et photos qu'il diffuse sur sa chaîne YouTube et son compte Instagram. Il a près de 200 000 abonnées.

«C'est sûr qu'il faut faire attention à notre image. Il y a de grandes compagnies qui m'engagent parce que j'ai une bonne image», dit-il à La Presse.

Cette image a été ternie dans les derniers jours par une «story» (publication éphémère qui peut contenir de la vidéo et des photos) sur Instagram où il s'est lui-même filmé dans un taxi montréalais.

Il nous y explique qu'il s'est fait voler son portefeuille au Mexique, quelques jours plus tôt, et qu'il n'a donc en sa possession qu'une carte de crédit prépayée (dans la vidéo, il emploie le terme «carte-cadeau»).

Le problème, c'est que l'entreprise de taxi n'accepte pas ce type de carte.

Pendant près de trois minutes, nous assistons à la discussion entre lui et le chauffeur de taxi. Bien entendu, le chauffeur souhaite que PO Beaudoin paye sa course (8 $), mais ce dernier n'arrive pas à trouver une solution pour régler son dû. Il est même question d'appeler la police.

Finalement, c'est un piéton qui vient à la rescousse de l'influenceur en lui prêtant 10 $.

Objet de risée sur les réseaux sociaux

De nombreux internautes se sont insurgés contre le comportement de l'influenceur, percevant notamment une utilisation abusive de sa notoriété aux dépens d'un chauffeur de taxi.

Sébastien Dubé du duo Les Denis Drolet a notamment publié une vidéo humoristique où il dénonce l'employée d'un Ultramar qui n'accepte pas qu'il paye son essence au moyen d'un simple bisou déposé sur la pompe.

IMAGE TIRÉE DE TWITTER

Tweet de Sébastien Trudel

Depuis, PO Beaudoin s'est excusé au chauffeur et à l'entreprise Taxi Diamond. Il a aussi publié une autre «story» où, les larmes aux yeux, il se confond en excuses et explique regretter son geste.

En entrevue avec La Presse, la voix brisée par l'émotion, il explique: «Je ne pense pas que je vais perdre des clients, mais c'est sûr que pour eux, ce n'est pas agréable de voir ça», dit celui qui, dans les dernières semaines, a eu comme partenaires Lexus, Moët & Chandon, Air Transat et Coca-Cola.

«Les influenceurs, nous sommes la risée d'un public. Les gens rient de nous. Peut-être que c'est une question de génération parce que notre profession est méconnue. Mais les gens qui nous suivent ne rient pas de nous.»

IMAGE TIRÉE DE TWITTER

Tweet de Marie France Bazzo

La réputation et l'image d'un influenceur sont au coeur de son entreprise. Rapidement, entre autres à cause d'une mauvaise presse ou d'un scandale, la personne peut perdre ses contrats.

Nous pouvons penser à la fille de l'actrice Lori Loughlin, qui a été éclaboussée par le scandale des pots-de-vin remis à des universités prestigieuses pour assurer l'admission de jeunes, il y a quelques jours. Suivie par plus de trois millions d'abonnés sur YouTube et Instagram, Olivia Jade a perdu d'importants partenaires, dont Sephora et TRESemmé.

Profession méconnue

Pour Caroline Couillard, vice-présidente de l'agence de relations publiques TACT, PO Beaudoin ne devrait pas subir le même sort. «Puisqu'il est la risée aujourd'hui, c'est un risque qu'il perde des contrats dans l'immédiat. Mais est-ce que ça va avoir un impact négatif à long terme? Personnellement, je ne pense pas, parce qu'il a une visibilité énorme aujourd'hui. Il est partout, même si ce n'est pas pour les bonnes raisons. Comme on dit, qu'on en parle en bien ou qu'on en parle en mal...», avance Mme Couillard.

«Ce qu'il va perdre d'un bord, il va le regagner de l'autre. J'en suis sûre, sûre, sûre. Il va augmenter son fanbase. Des compagnies ne voudront plus s'associer à lui, mais d'autres vont vouloir, parce que des jeunes vont trouver ça cool qu'il se soit filmé et qu'il soit partout dans les médias.»

Pour cette experte en relations publiques, cet événement est surtout la preuve que la profession d'influenceur est méconnue et discréditée par une partie de la population. L'histoire aurait peut-être suscité moins de gazouillis si elle n'avait pas été le fruit d'un influenceur.

IMAGE TIRÉE DE TWITTER

Tweet de Léa Stréliski

«Comme dans n'importe quel secteur d'activités, il y en a des bons et il y en a des moins bons. Nous avons souvent l'impression que les influenceurs vont aller cogner aux portes d'entreprises pour avoir des gratuités en échange d'un petit post [publication]. Et ça, ça peut frustrer plusieurs personnes. Mais c'est mal comprendre leur métier», dit Caroline Couillard.

L'influenceuse Alicia Moffet, qui a 334 000 abonnées sur Instagram uniquement, est du même avis: «Sans vouloir généraliser, je crois que les 30 ans et plus comprennent moins ce qu'on fait et ils nous attaquent au lieu d'essayer de comprendre.»

Elle préfère d'ailleurs dire qu'elle est une créatrice de contenu plutôt qu'une influenceuse. Parce qu'elle sait que le mot «influenceur» a une connotation négative, et aussi parce qu'elle fait de «moins en moins de promotion» pour des marques.

«Ce n'est pas tout le monde qui fait tout le temps de la promotion. Loin de là! Par exemple, la semaine passée, j'ai fait une story des produits que j'utilisais pour ma peau et je craignais que les gens pensent que je leur disais de la merde. Alors que c'était super honnête et que ce n'était pas sponsorisé», dit la jeune femme enceinte.

IMAGE TIRÉE DE TWITTER

Tweet d'Alexandre Champagne

PO Beaudoin aussi est loin de ne faire que de la publicité commanditée: «Je ne me suis jamais photographié avec un pot de crème dans les mains», dit-il.

Récemment, il a été le seul animateur autorisé par le Musée des beaux-arts de Montréal à interviewer Kim Kardashian.

Avec son amie Marina Bastarache, il propose également chaque samedi une vidéo souvent loufoque, parfois personnelle, comme celle où il avoue son homosexualité.

Caroline Couillard ajoute que les abonnées ont l'habitude de voir autant les hauts que les bas du quotidien des influenceurs. Ils ne sont pas renversés par les vidéos comme celle de PO Beaudoin dans le taxi, qui ne présentent pas leur meilleur profil.

«Les X et les baby-boomers, ce ne sont pas les publics de ces influenceurs-là. Ils s'adressent à une petite partie de la société», dit l'experte en gestion de crise.

Elle conclut: «C'est ça, les réseaux sociaux. Tu peux être une star un jour et être démoli le lendemain. Ce sont les risques du métier. Je dirais que la morale de l'histoire est qu'il faut toujours être prudent lorsque nous publions quelque chose sur les réseaux sociaux. Et ce, pour tout le monde.»

Consultez le compte Instagram de PO Beaudoin: https://www.instagram.com/pobeaudoin/?hl=fr-ca

IMAGE TIRÉE DE TWITTER

Tweet d'Équipe Canada