La presse magazine, qui résistait mieux que les quotidiens à la baisse des ventes papier, a accusé le coup en 2015, notamment les magazines de nouvelles et la presse people qui misent désormais sur le numérique pour rebondir.

L'année dernière, si les quotidiens nationaux ont réussi à limiter leur baisse (-1,4% en 2015 contre -3,8% en 2014), une partie de la presse magazine a décroché, selon les chiffres publiés jeudi par l'Alliance pour les chiffres de la presse et des médias (ACPM-OJD).

Malgré une nouvelle formule lancée en 2014, L'Obs a vu ses ventes baisser de 13% en 2015, à 401 000 exemplaires en moyenne. L'Express a chuté de 16,6% (338 000 exemplaires) en un an. Parmi les magazines de nouvelles, seul l'hebdomadaire Marianne progresse (+0,64%, à 156 000 exemplaires

«Quand les gens avaient un budget et du temps, ils prenaient plusieurs titres. Aujourd'hui, ils resserrent leur consommation», analyse Jean-Clément Texier, banquier indépendant et spécialiste des médias.

Ce phénomène touche surtout les magazines people, souvent achetés par impulsion et pénalisés par les 1000 fermetures de kiosques en 2015.

Public (-27,7%), Closer (-12,7%), Ici Paris et Gala (-6%), subissent une forte concurrence de la part de sites internet qui mettent en ligne gratuitement les mêmes informations, pour lesquelles les lecteurs ne sont pas prêts à payer, souligne Philippe Rince, directeur général de l'ACPM-OJD. Un phénomène illustré par le retour du tabloïd britannique The Sun à un modèle 100% gratuit en ligne.

Les magazines de télévision «ont organisé leur propre concurrence en ligne», note-t-il. Magazines les plus diffusés de France, à plus de 1,1 million d'exemplaires pour les leaders Télé 7 jours et Télé Z, ils compensent leur baisse en kiosque par de nouveaux services numériques.

Télé Loisirs, dont l'application est la plus téléchargée de France, va par exemple bientôt proposer un guide télé qui s'adaptera aux goûts du téléspectateur.

Son propriétaire, le groupe allemand Prisma (Femme ActuelleTélé LoisirsVoici) donne aussi la priorité à la vidéo sur ses sites, si bien qu'en 2016, le chiffre d'affaires de la publicité numérique devrait égaler la publicité sur le papier, selon les prévisions de son pôle Entertainement-TV.

Prime à l'originalité

De leur côté, les magazines de nouvelles «vont repartir avec des offres numériques puissantes dans les semaines à venir», prédit Philippe Rince. Avec 15 000 exemplaires vendus en ligne chaque semaine, et une politique d'abonnement agressive, Le Point a pris un peu d'avance.

Si l'offre numérique se perfectionne, les lecteurs ne vont pas pour autant déserter les kiosques dès demain, souligne Julia Cagé, professeur d'économie à Sciences Po.

Selon elle, «le magazine est un format long pour lequel on est encore prêt à acheter du papier».

D'autant plus que certains titres se portent bien. La presse d'opinion séduit, comme le montrent les ventes de l'hebdomadaire Valeurs actuelles, marqué à droite (+5,4% à 116 000 exemplaires) et celles du mensuel Le Monde diplomatique (+15,2% à 128 000 exemplaires), marqué à gauche.

La presse féminine résiste, avec 3,2% de baisse en moyenne en 2015 contre 4% en 2013 et 2014.

Dans un secteur à l'offre pléthorique, la prime est aussi donnée à l'originalité: Courrier International a renoué avec la croissance (+2,8%, 167 000 exemplaires en moyenne), le mensuel féministe Causette a vu ses ventes grimper (+4,8%, 62 000 exemplaires), tandis que le magazine Society, lancé il y a un an, a annoncé dans Le Figaro vendre 50 000 exemplaires tous les 15 jours.

De son côté, après son rachat par Altice en 2015, L'Express mise sur une formule plus luxueuse, qu'il présentera dans les prochaines semaines.

L'avenir de cette presse papier va maintenant «dépendre des politiques publiques dans le secteur. Il faudrait une politique très forte de soutien aux kiosques», estime Julia Cagé.

La refonte des aides postales, appliquée progressivement dans les prochaines années et qui privera certains magazines de leurs avantages, pourrait également accélérer les transformations dans un secteur «qui doit se poser des questions», note Jean-Clément Texier.