Impression d'être un citron pressé, de travailler pour une machine, de privilégier la vitesse au détriment de la profondeur... Ce sont là quelques-uns des commentaires exprimés par 52 responsables de l'affectation et secrétaires de rédaction interrogés par le Syndicat des communications de Radio-Canada il y a environ deux mois.

Le sondage visait à recueillir les réactions de ces employés à la suite de la création d'une nouvelle structure, le Centre intégré d'affectation et de planification d'expertise (CAPE), un super pupitre qui supervise les affectations et planifie la couverture journalistique à court, moyen et long termes. Dirigé par le journaliste Pierre Tourangeau, le CAPE coordonne les activités de tous les journalistes (radio, télé, web) qui sont désormais regroupés au sein de modules économie, enquête, international, etc.

Or cette intégration, qualifiée de véritable petite révolution culturelle par certains, ne se fait pas sans heurts. Les commentaires recueillis par le syndicat trahissent un sentiment de frustration et d'insatisfaction chez plusieurs employés responsables de coordonner les ressources journalistiques. Les deux tiers des répondants estiment entre autres que l'organisation du travail est plus compliquée qu'avant. En outre, plus de 70 % d'entre eux affirment qu'ils disposent de moins de temps pour accomplir leur travail journalistique. L'un d'entre eux va même jusqu'à déclarer: «Nous frôlons la délinquance en rapport aux normes et pratiques journalistiques.»

On reproche aussi à la nouvelle structure d'avoir ajouté des intermédiaires. Résultat: les contacts avec les journalistes seraient devenus impersonnels et la moitié des répondants ont moins l'impression de faire partie d'une équipe que par le passé.

Au printemps dernier, alors que la restructuration du service de l'information en était à ses balbutiements, les journalistes de la radio avaient exprimé leur inquiétude à l'idée de quitter leur petite salle de nouvelles pour être intégrés au grand Centre de l'information (CDI) de Radio-Canada. Il semble que leurs craintes se soient en partie concrétisées. Les répondants au sondage parlent de la disparition du sentiment d'appartenance et observent que chaque média a perdu un peu de sa personnalité dans ce remue-ménage.

Rencontres interminables

Au quotidien, les responsables de l'affectation et les secrétaires de rédaction se plaignent également que les rencontres de planification sont devenues de véritables petites assemblées (interminables aux dires de plusieurs) réunissant parfois plus de 30 personnes, et durant lesquelles il est devenu difficile de prendre la parole. Notamment, on regrette que les choix éditoriaux se fassent davantage au niveau de la direction. Quelques répondants au sondage disent avoir l'impression de produire de la saucisse et de ne pas apporter autant qu'avant au processus de décision.

Enfin, il semble que l'intégration du web soit loin d'être réussie. Les répondants au questionnaire du syndicat notent que le web, sur lequel semble pourtant beaucoup miser Radio-Canada, fonctionne toujours à part. Les personnes interviewées suggèrent d'améliorer la communication entre les différentes plateformes.

Cela dit, il n'y a pas que des aspects négatifs à l'intégration des différentes composantes du service de l'information de Radio-Canada. On a observé un rapprochement des équipes ainsi qu'un meilleur partage de l'information entre les différents départements. Il y aurait en outre moins de dédoublement de travail et une multiplication des ressources journalistiques. On remarque aussi que les différentes équipes ne fonctionnent plus en vase clos et que la main gauche sait ce que fait la main droite... Bref, tout n'est pas noir, mais il semble y avoir des ajustements à faire, ce qui ne surprend pas le président du Syndicat des communications de Radio-Canada, Alex Levasseur.

«On a commencé la restructuration il y a six mois, il était temps de faire un bilan, dit-il. Les commentaires exprimés dans le sondage ont été communiqués à la direction dans le cadre d'un comité paritaire et je dois dire que l'employeur semble très ouvert aux critiques. Les plus importantes portent sur l'organisation du travail et certaines choses se sont déjà améliorées depuis la réalisation du sondage.»

Le Syndicat des communications doit consulter les reporters au cours des prochains jours.