Fine observatrice du monde (hostile) qui l’entoure, l’humoriste Maude Landry a fait partager mardi – dans son premier one woman show – ses angoisses, pensées obsessionnelles et autres réflexions souvent étonnantes, dans une sorte d’hommage à la différence, qu’elle incarne à merveille. Et qui a fait le bonheur du public venu à sa rencontre.

Son humour à la fois étrange et décalé, en vertu duquel elle ne craint ni les malaises ni les moments de flottement, évoque l’univers de Klô Pelgag ; sa façon de décortiquer les mots ou les expressions et de réfléchir au sens profond des choses – qui n’est parfois absolument pas profond ! – nous fait penser à André Sauvé ; tandis que ses chansonnettes joliment absurdes flirtent avec l’univers des Trois Accords.

Mais toute comparaison est un exercice boiteux, car Maude Landry est dans une classe à part. On peut même parler d’une formidable découverte – pas surprenant qu’elle ait remporté l’Olivier de la révélation de l’année.

Tenez, par exemple, son entrée en scène – en casque et en skateboard : elle la remettra en question. Et si elle était entrée seulement avec son casque ? Après tout, notre tête, elle est fragile, non ? Elle parlera plus tard de son maquillage, et de son opposition aux produits testés sur des animaux, avant d’avouer ne pas avoir trouvé de photos d’animaux maquillés… Voyez le ton ?

Non, Maude Landry ne fait pas rire comme les autres. Elle nous entraîne en douce dans sa roue à hamster, jusqu’à ce qu’on se mette à tourner dessus, en même temps qu’elle.

Elle fera par exemple l’apologie de la lecture. « Comme un film, mais qui se passe vraiment lentement… » L’avantage ? « On peut faire son propre scénario, avec les acteurs qu’on veut. » Un segment qui donnera lieu à quelques beaux délires. L’humoriste dit être dans le spectre et vivre avec de nombreux troubles. « Y a trop d’affaires dans ma tête, je dois faire une vente de garage… »

Ce profil-là la rend intrigante et, malgré un texte écrit – avec Simon Delisle –, nous donne une impression d’imprévisibilité, ce qui est toujours un atout.

Dans L’involution – qui fait référence à un repli sur soi ou à une régression –, Maude Landry explore entre autres son anxiété, avec un petit air renfrogné. « C’est comme avoir un ami survivaliste en permanence, dit-elle. Quand il n’est pas là, ça fait du bien… » Quand elle parle de son manque d’entrain pour faire du sport, elle lance, toujours avec son humour pince-sans-rire : « Des fois, je suis assise, et j’ai le goût de m’asseoir… »

Voilà un peu de quel bois se chauffe Maude Landry. On ne rit pas en se tapant les cuisses, mais on se surprend à réfléchir avec elle au sens des mots « plein air », et on sourit. Ce n’est pas rien.

Son intermède musical, durant lequel elle empoigne sa guitare et chante des pièces absurdes où il est entre autres question d’une licorne pas de corne, est le glaçage parfait pour rendre hommage « à ceux qui se sentent différents ». Au bout du compte, on se surprend même d’avoir sauté dans sa petite roue sans avoir résisté – comme la majorité des spectateurs qui l’ont acclamée mardi.

L’important, bien sûr, est maintenant de redescendre de la roue.

L’involution

L’involution

Maude Landry

En tournée partout au Québec.

7,5/10

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