Coluche avait lancé ses Restos du coeur. Touché par le sort des sans-abri, Jérémy Demay présentera au Zoofest ses musiciens du coeur. L'humoriste animera, les 20 et 21 juillet, un spectacle de variétés, Les bohèmes, qu'il a conçu avec neuf musiciens de la rue. La Presse a assisté aux répétitions.

Clarinettiste, violoniste, saxophoniste et guitariste, Jean-François Lapierre a vécu dans la rue. Il joue dans le métro depuis 1983. Un jour de 1998, un certain Dédé Fortin est passé par là et a changé sa vie.

«Il m'avait vu jouer et m'avait donné des sous. Comme il a aimé ce que je faisais, il m'a demandé de jouer avec eux. J'ai remplacé Jean-Denis Levasseur pour une quinzaine de spectacles des Colocs.»

Des musiciens de la rue comme Jean-François Lapierre, l'humoriste Jérémy Demay en a regroupé neuf pour produire un spectacle qui sort de l'ordinaire et qui pourrait mener à une activité permanente.

L'humoriste d'origine française est un peu l'émule de Coluche qui avait créé en France les Restos du coeur pour permettre aux plus démunis de manger à leur faim. Jérémy Demay croit que la musique et l'art en général peuvent changer des vies.

«J'ai été fasciné par l'histoire de Ted Williams, ce sans-abri américain de 53 ans devenu une sensation grâce à sa voix, dit-il. En voyant ça, on s'est dit: «Allez, on va faire un show avec des gens de la rue.»»

La Presse a assisté à une répétition des Bohèmes au Petit Medley, rencontrant ces artistes du bitume pour lesquels la musique est plus qu'un passe-temps.

Par exemple, Kra-Z-Noize, Haïtien d'origine, est devenu maître ès-Beatbox après avoir connu la rue puis la résidence à la Maison Tangente, une ressource pour sans-abri.

«Le Beatbox et mon petit chapeau à terre m'ont sorti du pétrin, dit-il. Ils ont fait l'homme que je suis aujourd'hui. La rue nous donne des valeurs de solidarité.»

Un jour, Kra-Z-Noize a eu la chance de sa vie en participant à Juste pour rire. Sa voie était soudain tracée.

«Cette guitare m'a sauvé la vie»

Enfant abandonné et ex-sans-abri, Richard Archambault a vécu dans des boîtes en carton. Mais il avait un don pour la guitare. Il faut le voir gratter sur son instrument à la manière de Jimmy Hendrix.

«Cette guitare m'a sauvé la vie. Se sentir important, ça fait du bien, ça montre qu'on peut offrir quelque chose aux gens», dit Richard Archambault, qui vit en recyclant des bricoles trouvées dans les poubelles.

Informaticien de formation, François-Xavier Liagre joue aussi dans la rue. Avec le jeune contrebassiste Jean-Philippe Demers et Jean-François Lapierre, il a créé le groupe Bleu, le trio musical des Bohèmes. Seule fille du show, Mélanie Charrier a beau jouer dans la rue, elle a déjà enregistré un disque. Elle chante depuis l'âge de 10 ans. «J'aimerais pouvoir vivre de la musique», dit-elle doucement.

C'est l'espoir des bohèmes. Vivre de leur talent. Libres.

«La musique est quelque chose à laquelle ils se raccrochent et qui leur permet de mieux s'exprimer, car ce sont des gens très sensibles qui ont du mal à s'intégrer dans un job de 9 à 5», dit Johanne Cooper, directrice générale de la Maison Tangente, qui a aidé Jéréméy Demay dans cette aventure.

Dans le show mis en scène par Gilles Cormier, Jérémy Demay laisse ses musiciens de coeur s'exprimer sur scène l'un après l'autre. Jouer, mais aussi raconter un peu de sa vie.

De son côté, il a écrit un numéro d'humour et fera les liens entre chaque morceau. «Je me suis mis dans la peau d'un gars de la rue pour essayer de voir à quoi ça peut ressembler», dit l'humoriste.

Il voudrait que l'expérience n'en reste pas là. Qu'il y ait une suite pour ces musiciens et d'autres artistes de la rue. Un peu comme l'élan qu'a donné Pierre Anthian quand il a créé la chorale de l'Accueil Bonneau.

«On sait qu'ils sont bons, mais le reste est totalement inconnu, dit Jérémy Demay. Si cela peut provoquer un mouvement et donner un show régulier, ce serait très bien.»

Zoofest a accueilli le show avec plaisir. Et le Petit Medley a prêté la salle pour les répétitions. «C'est une belle cause, dit Didier Dumont, copropriétaire avec le chanteur Jamil du Petit Medley. Ils ont beaucoup de talent et la scène leur permet tellement de se valoriser.»

Les bohèmes, Jérémy Demay et ses musiciens du coeur, Café Cléopâtre, les 20 et 21 juillet www.zoofest.com