Cela fait 20 ans que la passionaria de la chanson québécoise est morte. Celle qui a chanté les Gilles Vigneault, Claude Léveillée et Anne Sylvestre, en plus d'écrire ses propres chansons, sera l'objet demain du spectacle d'ouverture des FrancoFolies. C'est l'artiste multidisciplinaire Ines Talbi qui en a eu l'idée et qui en assure la mise en scène.

La comédienne et chanteuse Ines Talbi a découvert Pauline Julien à l'adolescence, chez une amie dont les parents écoutaient beaucoup de musique québécoise. «J'étais attirée par l'intensité dans sa voix. Il y avait une liberté, une puissance que je n'entendais pas à la radio. J'ai trouvé ça particulier, ça m'a intriguée, allumée.»

Si elle a vite aimé l'oeuvre de Pauline Julien, c'est plus tard qu'elle a commencé à admirer la femme, pour sa fougue, sa théâtralité, son engagement politique.

«Elle m'a influencée comme artiste et comme personne. Sa persévérance, son cran, sa hargne... Elle était sans peur, elle faisait ce qu'elle voulait.»

L'artiste de 34 ans avait envie de replonger dans ce répertoire, dans l'histoire de cette femme. «C'est important parce que oui, j'ai l'impression qu'on l'avait oubliée. On l'a comme laissée de côté et c'est dommage. Il faut souligner l'importance des femmes artistes qui ont été marquantes, les revisiter. Mais sans faire de copier-coller.»

Le Québec de maintenant

Pour cela, Ines Talbi a réuni des chanteuses et comédiennes de toutes les générations, de Klô Pelgag à France Castel en passant par Émilie Bibeau, Fanny Bloom et Louise Latraverse. Pas nécessairement dans un désir de fusion ou de rencontre entre les générations, mais pour «représenter le Québec de maintenant», dit-elle.

«J'avais besoin de chacune d'elles pour une raison particulière. Mais je tenais aussi à ce que Louise [Latraverse] et France [Castel] soient là, pour leur regard réel et réaliste, parce qu'elles l'ont connue. Et ces deux femmes, elles sont clairement beaucoup plus rock que toutes nous autres!»

Le spectacle sera fait de chansons des diverses époques de la carrière de l'interprète, mais aussi de lectures de textes tirés de La renarde et le mal peigné, recueil de correspondances entre Pauline Julien et son conjoint, le poète et ministre Gérald Godin - un livre qui a permis de redécouvrir le couple mythique ces dernières années.

«Ce seront seulement les textes de Pauline qui seront lus. Ils s'adressent à lui, bien sûr, mais ils nous donnent accès à cet amour immense qu'elle avait de tout, de la vie, de Godin, de ses enfants. C'est un peu comme un journal intime.»

La metteure en scène a aussi écrit des textes de transition, qui s'interrogent beaucoup sur le legs de Pauline Julien.

«Je ne l'ai pas connue et je n'ai pas la prétention de savoir ce qu'elle aurait voulu laisser comme héritage. Je crois par contre qu'elle ne serait pas tant contente de ce qui se passe maintenant, mais qu'elle serait là avec nous et qu'elle se battrait. Elle serait quand même heureuse de voir qu'on se soulève encore, qu'on va de l'avant, qu'on ne se laisse pas piler dessus.»

L'objectif du spectacle étant de recommencer à faire circuler la parole de Pauline Julien, il partira aussi en tournée à l'hiver 2019 dans une douzaine de villes du Québec.

«Mon idéal, mon utopie, c'est qu'il y ait au spectacle autant de gens qui l'aiment d'un amour sans nom que de gens qui n'ont aucune idée de qui elle est. Pour qu'ils la découvrent, pour qu'ils aient accès à ça, parce qu'on n'entend évidemment plus jamais parler de ce genre d'affaire, ni à l'école ni ailleurs.»

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Au Théâtre Maisonneuve, demain, à 20 h, dans le cadre des FrancoFolies.