Survivante. Pas d'autre mot pour décrire Wanda Jackson, qui se produisait hier à l'Astral.

Survivante, parce qu'à 73 ans, cette pionnière du rock'n'roll est une des dernières rescapées de l'époque où tout a commencé, au milieu des années 50, quand tout était à faire et que les Beatles étaient encore au biberon.

C'est vrai quoi, qui reste-t-il de cet âge d'or? Bill Haley? Mort. Buddy Holly? Mort. Gene Vincent? Mort. Eddie Cochran? Mort. Elvis? Mort. Guère que Little Richard et Chuck Berry pour porter le flambeau, malgré l'âge et l'arthrite.

Vu comme ça, le concert de Wanda Jackson tenait un peu du miracle. Un miracle sur deux petites pattes, avec une chemise country à frange et une coupe de cheveux style Elizabeth Taylor. Un miracle bien ratatiné certes, mais un miracle souriant, généreux et vocalement convaincant qui n'a pas volé sa récente intronisation au Temple de la renommée du rock.

La grande dame du rockabilly n'avait en effet rien perdu de ce «growl» si typique, qui la distinguait de ses rivales. Quand elle chante, sa voix mord et graffigne toujours autant. Et quand elle chante des chansons aussi baveuses que Mean Mean Man, Fujiyama Mama ou Funnel of Love, mettons que ça fait du bien là où ça fait mal.

Car bien sûr, elle a chanté tous ses classiques, pour le plus grand plaisir du public de l'Astral, qui était composé de têtes grisonnantes, de jeunes rockabillys et de touristes américains. Wanda Jackson n'était certainement pas venue à Montréal pour nous bassiner les oreilles avec son répertoire country (ce qui ne l'a pas empêchée de nous balancer quelques yodels bien sentis) ou avec ses gospels de «born 'gain christian» (ce qui ne l'a pas empêchée de nous offrir une de ses chansons pour le Seigneur).

Non. Elle était à Montréal pour jouer la carte rockabilly et nous refaire revivre, à plus de 60 ans de distance, l'effervescence des années 1956 et 1957, alors qu'elle parcourait le Sud des Etats-Unis en compagnie d'un certain Elvis qui commençait tout juste son ascension.

Sur ce point, la dame n'a pas été avare d'anecdotes. Particulièrement jasante, souvent drôle et pleine d'autodérision, causant de tout et de rien en autant que cela lui fasse un peu de promotion (c'est de bonne guerre), Wanda nous a raconté tout ce que l'on voulait savoir de son fameux «fling» avec Presley, qui lui avait demandé d'être sa blonde. «Il m'a donné un collier que j'ai porté pendant un an.»

Visiblement, la chanteuse a encore un petit faible pour le King, et ne se prive d'ailleurs pas pour reprendre plusieurs des ses succès, de Heard Headed Woman, à Rip it Up, passant Baby Let's Play House et Heartbreak Hotel.

Oui, ce fut un party rock'n'roll réussi. Accompagné des Luster Kings, un groupe rockabilly qui en a vu d'autres, Wanda Jackson en a donné «pour son argent» au public qui avait le sourire fendu jusqu'aux bananes de brylcreem à la fin de sa performance. Intéressant de voir ces légendes vivantes, que le temps n'a pas trop émoussé, chanter, presque comme si c'était la première fois, des chansons qui ont fait plus de cent mille fois le tour du jukebox. De fait, la dame connaissait tellement ses vieux tubes, que même alzheimer, elle se rappellera sûrement encore des paroles, ce qui est très rassurant pour un éventuel retour!

Un bémol? On ne pouvait pas danser, faute de place. On sentait bien, dès le début du concert, que cela devrait se passer debout. Mais les organisateurs avaient parié sur un show de tables. Mauvaise estimation. Surtout quand on parle d'un show rockabilly. Je veux dire: quand ça rocke, ça rocke. Âge d'or ou non...