Suggérée dans un décor bric-à-brac, l'introduction est baroque dans tous les sens du terme. Appuyée par ses musiciens de formation classique, Klô Pelgag se met au piano, révèle à l'interlocuteur de sa chanson qu'elle a cassé ses jambes volontairement pour l'impressionner. Ayoye!

On imagine alors la réaction de l'interlocuteur de ces Maladies de coeur, avant que la chanteuse nous mène «au clair de la brume», là où «la lune est pleine de corbeaux», là où «l'archipel, découpé par mes ciseaux».

Nous voilà aspirés dans l'«appartement» fantasmagorique de cette enchanteresse qui en a ramené tous les cossins. Devant nous, une bande de vingtenaires à l'imagination débridée, capables de tout. Musique de chambre au programme (cordes, basson, clarinettes, contrebasse, batterie, claviers, guitare), musiques folk d'esprit classique, musiques parfois sensuelles, faites pour qu'elle se couvre de toute sa peau... dixit la chanson Le dermatologue.

Nous sommes au Lion d'Or dans une sorte de fête foraine néo-dadaïste. Un prestidigitateur s'applique absurdement à y faire disparaître une banane et... à faire exploser la joie dans la salle avant qu'on ne s'enfonce dans un très beau Tunnel avec sa créatrice qui brille tout au fond.

Devant les ivoires, elle nous sort du trou, nous emmène avec elle: «Si tu voyais tout ce que je vois, tu croirais pas au Nicaragua»... Cette fois, nous ne sommes ni dans le rire ni dans le délire. Ce qui se trame entre elle et lui là-bas précède un «silence épouvantail», texte très touchant exprimé dans une triste tonalité. Un autre contraste s'ensuit: joués par des musiciens déguisés (plusieurs changements de costumes au programme!), des airs et des rythmes guillerets accompagnent l'histoire d'un cancer fatal.

Et voilà le merveilleux bordel qui reprend de plus belle, sur scène comme dans la salle... et comme dans la vie. Klô Pelgag, son batteur et le metteur en scène Dave Saint-Pierre jouent avec les niveaux de perceptions. Bons flashs! Et l'orchestre soutient alors bellement la très belle Comme des rames.

Guitare en bandoulière, elle s'applique ensuite à contenir un «soleil incontinent» qui «brûle les gens de ses yeux en regardant». Et elle y parvient. Avant les applaudissements à tout rompre et les rappels, la chanteuse nous traversera de son «rayon x», dont le lexique scientifique recouvre un échange érotique.

Klô Pelgag, mesdames et messieurs.

Julie Blanche en première partie

Soit dit en passant, la première partie de ce lundi lumineux fut digne d'intérêt. Cette Julie Blanche «sentira toujours le vide», «ne sera déjà plus là» et, à l'évidence, ne détestera pas l'évanescence de sitôt. La jeune femme chante aussi de ses mains, quatre jeunes hommes assistent sa voix et ses mains, musiciens typiques de la mouvance indie folk rock mais capables d'arrangements circonspects - avec le concert d'Antoine Corriveau, un mec doué qui fait équipe avec la chanteuse, dans la musique comme dans les mots.

Arrangements feutrés afin de mieux dépeindre les migrations intérieures de cette chanteuse à la voix... feutrée, et dont talent devra être visité de nouveau. Un peu plus de volume, cependant, aurait été souhaitable pour que la mélodie soit intelligible et que le coeur francophone subisse le coup escompté. Cela pourrait se produire dans un avenir proche, remarquez.