La saison des festivals country culmine ces jours-ci avec le Festival western de Saint-Tite, dont la 48e édition se déroule jusqu'au 20 septembre. Parmi les artistes qui y gratteront leur guitare, on trouve plusieurs jeunes visages qui apportent un souffle nouveau à ce genre toujours aussi populaire.

Yoan Garneau en fait partie. Natif de Ferme-Neuve, il en a fait du chemin depuis qu'il a remporté La voix en 2014. Sur scène, le chanteur d'à peine 20 ans a pris de l'aplomb ; entre deux chansons, il parle de lui, fait de nombreuses blagues et exprime régulièrement son amour pour le country.

« Depuis le commencement de la tournée, en avril, je remarque que le public rajeunit de plus en plus, dit le principal intéressé. C'est super ! Le public ne change pas, des gens s'ajoutent, et ça rajeunit. Je crois que les gens s'aperçoivent que ce que je fais, c'est un peu universel. Ça peut plaire à tout le monde. »

Le succès du jeune auteur-compositeur-interprète a de quoi faire des jaloux. En plus d'attirer des foules importantes à ses spectacles, il a vendu plus de 105 000 exemplaires de son premier album, sorti en mars.

« Il y a beaucoup de préjugés à l'égard du country, mais le country n'est plus ce qu'il était. Il y aura toujours une place pour le country traditionnel, mais il y a aussi du nouveau », ajoute Yoan.

Du sang neuf

Recrutés par des étiquettes importantes comme Audiogram, Musicor ou Productions J, quelques artistes dans la vingtaine et la trentaine offrent des albums caractéristiques de ce que le protégé d'Isabelle Boulay appelle « le nouveau country ».

Auteure-compositrice-interprète de Saint-Tite, Cindy Bédard a lancé son premier album, Fille du vent, chez Audiogram l'an dernier. La jeune femme, qui compose des chansons depuis sa tendre enfance, s'identifie elle aussi à la nouvelle vague du country. « Dans le sens où nous sommes du sang neuf », lance-t-elle.

« Nous apportons le country ailleurs, tout en en gardant les racines, poursuit la musicienne de 28 ans. De Willie Lamothe à ce qui se fait aujourd'hui, nous avons écouté cette musique-là. Et à partir de là, nous avons eu envie de créer. »

Un virage que constate aussi Sébastien Leblanc, fondateur de Radio Québec-Country, qui s'intéresse à tout ce qui se fait dans ce genre musical, autant au Canada qu'aux États-Unis. À propos des nouveaux artistes qui offrent leurs compositions, M. Leblanc affirme : « C'est en train de virer bout pour bout ! Au début, le country québécois était parfois considéré comme quétaine, de par l'instrumentation : il y avait beaucoup de synthétiseurs. Mais maintenant, les gens se paient des enregistrements de qualité, avec un band. On se colle un peu plus à ce qui se fait aux États-Unis. »

Le directeur musical de Thetford Mines poursuit : « Ce n'est pas gênant d'enchaîner Zac Brown Band [groupe country américain actif depuis 2002] avec Véronique Labbé. Ce qui n'aurait pas été faisable, il y a 10 ans, parce qu'il y avait peu d'artistes qui faisaient du country de qualité comme ça au Québec. »

En plus d'être auteure-compositrice-interprète, Véronique Labbé anime des émissions country à la radio et à la télé. La chanteuse, qui a quatre albums à son actif, établit une corrélation entre l'enregistrement d'albums country par des chanteurs populaires et le vent nouveau qui a soufflé sur son milieu.

« Je te dirais que c'est une bonne chose que des chanteurs populaires comme Mario Pelchat et Isabelle Boulay aient commencé à s'intégrer, parce que ça a apporté un mouvement dans le country. Par la suite, les artistes country ont amélioré la qualité de leurs albums, ils se sont mis sur les réseaux sociaux, etc. », dit Véronique Labbé, qui participe pour la 17e fois au Festival western de Saint-Tite cette année.

Un marché considérable

Selon le Guide de mise en marché de la musique québécoise francophone, la musique country et western aurait un marché potentiel de 780 000 Québécois. Les adeptes de country sont également ceux qui achètent le plus de CD physiques. Pas étonnant, donc, que des chanteurs populaires - qui aiment ce style musical - décident de s'y frotter.

Parmi eux, il y a Brigitte Boisjoli, qui lancera un disque hommage à Patsy Cline au Festival de Saint-Tite mercredi prochain.

« Je ne suis pas une chanteuse country, par contre, affirme l'interprète de Sans regret. Et je ne veux pas avoir le syndrome de l'imposteur. Je ne fais pas un virage country, mais bien une aventure, une expérience country. Mon prochain album sera certainement pop, je suis une chanteuse pop », souligne la blonde artiste.

Cindy Bédard voit d'un bon oeil cet engouement pour son style musical. « Ça confirme ma théorie que le country est contagieux ! Plus nous serons nombreux, plus les radios commerciales auront envie de faire jouer du country. Parce qu'il y a du gros travail à faire... Mais je pense qu'à un moment donné, les gens vont ouvrir leur radio et dire : "Ben voyons, il y a donc bien du country !" Je le sens : on va révolutionner les radios ! », dit-elle avec une pointe d'humour.

Yoan Garneau, Véronique Labbé, Cindy Bédard et Brigitte Boisjoli seront au Festival de Saint-Tite. Yoan Garneau, le 18 septembre à 20 h ; Brigitte Boisjoli, le 16 septembre à 17 h 30 ; Cindy Bédard et Véronique Labbé, ce soir à 20 h.

Photo Martin Chamberland, La Presse-- la chanteuse country Cindy Bedard, qui fait paraitre un album sur etiquette Audiogram. Elle a ete decouverte au festival de country de St-Tite. Cahier : arts -30- Référence# 675 751 06/05/2014

La chanteuse country Veronique Labbé 15/08/13 Photo : Simon Séguin-Bertrand, LeDroit

Culture country

Dans son étude Le phénomène country western au Québec: aux origines de sa marginalisation, Nathalie Boisvert suggère que même si le genre country western est populaire au Québec, il demeure relativement occulté. Entrevue avec cette chargée de cours à l'Université de l'Alberta et musicologue.

Q: Pourquoi ce sujet vous intéresse-t-il?

R: La scène country au Québec est très vivante et très populaire. Et pourtant, si nous en jugeons par la plupart des publications, des organes médiatiques et des revues culturelles, c'est un genre qui demeure à peu près invisible.

Q: À quoi attribuez-vous cette marginalisation?

R: C'est un phénomène qui s'est développé sur plusieurs décennies, même près d'un siècle. C'est donc difficile de répondre brièvement. Mais en gros, je pourrais vous dire que c'est un processus qui s'est fait en deux grandes vagues. La première au Canada français et la deuxième à partir de la Révolution tranquille. Le portrait de la culture québécoise a été construit par des politiques et des intellectuels, pour qui le country ne cadrait pas du tout avec l'image qu'ils avaient d'eux-mêmes et de leur culture.

Q: Vous expliquez qu'aujourd'hui, lorsque nous parlons de l'identité culturelle du Québec, nous allons nommer Gilles Vigneault, mais rarement Willie Lamothe.

R: Il y a quand même certains artistes qui sont passés au panthéon: Willie Lamothe en tête d'affiche, probablement. Mais, oui, ça demeure quelque chose qui est carrément occulté.

Q: C'est très difficile de mettre des chiffres sur le country. Est-ce vraiment si populaire?

R: C'est extrêmement difficile de chiffrer le country, mais il y a quand même des chiffres. Nous pouvons nommer des artistes comme Georges Hamel, Willie Lamothe, Renée Martel qui ont des ventes en bonne et due forme, et les chiffres rivalisent aisément avec les autres genres musicaux populaires au Québec.

Q: Yoan Garneau a aussi des chiffres de vente impressionnants.

R: Oui, il a gagné La voix avec un style qui est résolument country. C'est carrément un chanteur country, avec la voix idéale pour ce style musical. Ses ventes écrasent celles de certains chansonniers un peu plus vénérables, comme on dirait. On voit certains commentateurs qui s'en mordent les doigts: «Comment ça se fait? C'est la promotion... C'est l'appareil médiatique... C'est l'effet de la télévision...» J'aimerais suggérer une réponse beaucoup plus simple: c'est un genre de musique que beaucoup de gens aiment énormément et qu'ils achètent avec plaisir.