Au beau soleil de fin d'après-midi, c'est dans un coin de verdure au bord du fleuve Saint-Laurent que nous avons rencontré Flea, bassiste emblématique et membre fondateur de Red Hot Chili Peppers.

Moins de deux semaines après s'être produit au Festival d'été de Québec, le groupe était de retour dans la province. « C'est pour cela que je bois du café, lance Flea en avalant une gorgée. Entre-temps, nous avons donné des spectacles au Japon et en Corée. »

Nous avions une question de santé d'abord pour Flea, qui s'était fracturé le bras l'an dernier en planche à neige. « Tout va bien, sauf cette bosse. J'ai des plaques et des vis », lance-t-il en montrant du doigt son coude où l'on remarque une masse.

On peut parler d'un retour de Red Hot Chili Peppers cet été sur scène, mais pas de Flea. « Je n'ai jamais vraiment quitté la scène », dit le bassiste prolifique qui a notamment fait partie du supergroupe Atoms for Peace avec le réalisateur Nigel Godrich et Thom Yorke, le chanteur de Radiohead. En 2012, il a également sorti l'album Rocket Juice & the Moon, conçu avec Damon Albarn et Tony Allen. 

Et il ne s'agit que de deux projets parmi ses nombreuses collaborations. « J'aime jouer de la musique et jouer avec d'autres groupes », explique-t-il tout simplement.

Habituellement, des formations de la trempe de Red Hot Chili Peppers n'accordent pas d'entrevues pendant - et non avant - des festivals, surtout quand ils affichent complet comme Osheaga. « Nous venons de sortir un album, donc nos imprésarios nous le demandent », justifie Flea sans faux-semblants.

Eh bien, justement, parlons de ce 11e album du groupe, le premier fait sans Rick Rubin, mais plutôt avec Danger Mouse (de son vrai nom Brian Burton). 

« J'écoute toujours de la nouvelle musique et j'aime le changement. Je suis humble. Je suis un étudiant de la musique pour grandir et devenir meilleur », dit Flea.

Danger Mouse a réalisé des albums célèbres, que ce soit pour Gorillaz, Beck, The Black Keys ou son groupe Broken Bells. « Brian est intelligent, souligne Flea. C'était bien d'embrasser de nouvelles méthodes d'enregistrement et de nouvelles méthodes d'expression. »

Flea fait partie des rares bassistes rock qui ont développé leur propre langage. « À l'école secondaire, je voulais devenir trompettiste, rappelle-t-il. Mais un ami avait besoin d'un bassiste. Comme musicien, c'est important de reconnaître son propre rythme. C'est ce qui te fera créer constamment de nouveaux sons. »

UN ARTISTE IMPLIQUÉ

Dans le quartier de Silver Lake, à Los Angeles, Flea a par ailleurs fondé une école de musique sans but lucratif, le Silverlake Conservatory of Music. « L'idée n'est pas de devenir célèbre, mais d'apprendre la musique de façon sérieuse. Nous enseignons tous les instruments pour les orchestres et les groupes. Nous avons un orchestre, un groupe de jazz et des chorales. Quand j'étais jeune, je jouais dans des orchestres à l'école publique de Los Angeles, mais quand Ronald Reagan a pris le pouvoir, il a annulé les programmes d'art dans les écoles. J'ai voulu combler ce vide. »

C'est connu, Flea est un fier partisan du candidat défait à l'investiture démocrate Bernie Sanders. « J'ai l'impression qu'Hillary Clinton est le moindre de deux maux, dit-il. Bernie se préoccupait des gens et non de la politique. Il croit que tout le monde peut avoir des chances égales. »

Mais reparlons de musique.

Flea dit être un grand consommateur de musique. Il admire par ailleurs beaucoup le groupe jazz torontois d'avant-garde BadBadNotGood, ainsi que le rappeur Vince Staples, qui se produisait aussi à Osheaga, hier soir.

L'industrie musicale a beaucoup changé et Red Hot Chili Peppers a su rester, mais c'est toujours aussi facile de fonder un groupe, rappelle Flea. « Nous sommes d'une autre époque, mais l'idée simple d'amis qui jouent de la musique ensemble et qui trouvent un nom demeure le même. Nous tentons de rester vrais en ce sens et de revenir à cette simplicité. »

Bien que le guitariste Josh Klinghoffer ait remplacé le grand John Frusciante, Red Hot Chili Peppers jouit d'une longévité rare pour un groupe. « Trente-cinq ans », rappelle Flea.

Et à voir la foule d'hier, le groupe a renouvelé son public d'album en album. « Je ne tiens jamais le public pour acquis », assure Flea.

Impossible de contrarier le bassiste au jeu très physique. Le spectacle vu hier soir reposait en grande partie sur ses épaules.