Cet automne, l'Union des écrivains québécois (UNEQ) publiera chez Fides un Plaidoyer pour l'enseignement d'une littérature nationale. Cette plaquette déplore, au fil d'une demi-douzaine d'essais, la place de plus en plus congrue réservée à la littérature québécoise dans nos écoles.

«Ce n'est pas la première fois que le sujet est dans l'air, mais comme cette place continue à se réduire comme peau de chagrin, il faut reposer la question», explique Marie-Andrée Lamontagne, qui anime au Salon du livre une table ronde sur la question. «La littérature devrait faire partie de l'enseignement quand on aborde des questions de société, que ce soit l'histoire, la culture, l'identité ou la culture générale. Nous sommes très sensibles au Québec sur ce point.»

La littérature en tant que part importante de la culture générale n'est-elle pas victime de l'attaque généralisée contre la notion même de culture générale, avec les blogueurs et les différents sites Wiki? «C'est vrai qu'elle est remise en question, tout comme la notion même de formation, dit Mme Lamontagne. Mais je crois qu'il faut connaître les classiques, pas seulement de la littérature, mais aussi de la philosophie, des humanités. Juste un exemple: le frère Marie-Victorin, dans ses Récits laurentiens, parle de «l'aurore aux doigts de rose» pour décrire le fleuve près de Baie-Saint-Paul. On ne mesure pas cette métaphore si on ignore qu'elle est tirée d'Homère. Je donnais récemment un cours de révision à l'université et mes élèves ont été enchantés qu'on étudie les règles de grammaire et de syntaxe. Ils n'avaient jamais vu ces notions.»

L'un des problèmes, selon Mme Lamontagne, est la tendance au jargon dans les manuels. «Je n'ai rien contre le vocabulaire spécialisé. Mais qu'on ne parle pas de «production écrite» pour désigner une composition. Les jeunes se font expliquer comment écrire selon des règles très strictes et après, ils ne comprennent pas que tous les livres ne se conforment pas à ces règles. Avant d'écrire, il faut savoir lire, avoir beaucoup lu.»

L'enseignement de la littérature québécoise peut-il se faire au détriment de celle d'ailleurs? Doit-on préférer Tremblay à Balzac? «Non, ce sont deux choses différentes. Il me semble qu'auparavant, les étiquettes pullulaient, alors que maintenant, on ne ressent plus ce besoin de rehausser la littérature québécoise. Elle n'est plus méprisée, l'idée a fait son chemin. Les programmes d'enseignement du français mettent l'accent sur d'autres axes que la littérature nationale.»

>> Enseigner la littérature québécoise, un luxe?, vendredi, 14 h 45, à l'Agora.