Elle était pressentie pour remporter le prochain prix Polaris. Les critiques de son sixième album lancé en février dernier sont élogieuses. Elle parcourt le monde grâce à sa musique inspirée et inspirante, et samedi soir, c'est chez nous que U.S. Girls s'arrête, dans le cadre de POP Montréal.

U.S. Girls, projet à géométrie variable qu'incarne Meghan Remy depuis 2008, a lancé en février dernier un sixième album studio: In a Poem Unlimited, sous étiquette 4AD. En Amérique comme en Europe, les critiques à l'endroit de ce plus récent opus ont souvent été dithyrambiques.

«Je sais que la plupart des gens ont entendu parler de U.S. Girls après la sortie du dernier album, mais ils peuvent ensuite découvrir plus de 10 années d'enregistrements très différents qui témoignent de ma vie», souligne Meghan Remy, jointe à son domicile torontois.

Au Canada, moult observateurs voyaient In a Poem Unlimited rafler le dernier prix Polaris, remporté par Jeremy Dutcher comme on le sait. Qu'en dit le médium des U.S. Girls ? Si elle en pense quelque chose, elle a la délicatesse d'éviter de le formuler publiquement.

«Pour chaque prix artistique, il y a des débats sur qui aurait dû gagner ou perdre, c'est toujours ainsi. À partir de là, on n'y peut rien», se limite-t-elle à dire, avant de louanger l'artiste amérindien Jeremy Dutcher pour son opus Wolastoqiyik Lintuwakonawa. «C'était très touchant de voir cet artiste si doué faire renaître la langue de ses ancêtres. Personnellement, j'en ai été comblée.»

Quoi qu'il en soit côté Polaris, la carrière internationale de U.S. Girls se porte très bien, bien au-delà des réseaux confidentiels investis par Meghan Remy sur les territoires anglo-américains. L'auteure, compositrice et réalisatrice américaine était néanmoins sous le radar des médias spécialisés - les albums Gem (2012) et Half Free (2015) avaient récolté de véritables succès d'estime, et voilà In a Poem Unlimited, dont le rayonnement dépasse sans conteste les précédents.

«Les premiers enregistrements sont difficiles à absorber pour l'auditeur moyen. Sorte de thérapie primale devenue musique. Ces six albums sont très différents et j'en suis fort aise!», souligne Meghan Remy.

Très inspiré, In a Poem Unlimited soude les esthétiques glam, dance rock, funky, disco et plus encore. Qui plus est, cet éclectisme art pop véhicule une poésie chansonnière hyper lucide, à la fois sensible et furieuse.

Tant de U.S. Girls en Meghan Remy!

Native de l'Illinois, Meghan Remy, aujourd'hui âgée de 33 ans, a vécu en nomade: Chicago, Portland, Philadelphie, puis Toronto où elle s'est posée depuis quelques années. Mariée au songwriter et comédien Max Turnbull, alias Slim Twigg, elle a obtenu le statut de résidente permanente au Canada.

«J'ai évolué seule au fil de ce parcours artistique, j'ai créé un langage qui m'est propre. Sauf quelques cours de chant, je ne peux compter sur une solide éducation musicale. Or, je peux désormais communiquer aisément avec mes musiciens, parmi les meilleurs du Canada», explique-t-elle, à la fois humble et fière.

Dans le contexte de Pop Montréal, U.S. Girls se produira samedi soir au Cinéma L'Amour et promet une représentation singulière.

«Nous avons imaginé un événement pour ce cinéma porno, avec des éléments visuels appropriés. Un artiste de Montréal et deux instrumentistes très spéciaux se joindront à ma formation, nous serons 11 sur scène, dit-elle en se gardant de dévoiler la liste des invités. C'est pour moi un immense plaisir, car les gens ne voient plus de telles formations de nos jours.»

Force est de déduire que Meghan Remy respecte les artistes seuls sur scène avec leurs machines... et que ce n'est pas son truc. «Je vais à sens contraire de la rentabilité, car je tourne actuellement avec un groupe de huit musiciens», explique-t-elle.

«En studio, j'ai travaillé avec The Cosmic Range, une formation instrumentale constituée de musiciens dont certains travaillent ensemble depuis l'adolescence. Ils partagent un vaste vocabulaire, manifestent une grande complicité. Pour mon groupe de scène, je suis honorée de pouvoir travailler avec des musiciens parmi les meilleurs du Canada.» 

Après des mois de tournée, elle estime que son groupe devient à la fois plus souple et plus cohésif.

«Devant public, les musiciens deviennent des personnages en soi; à leur façon, ils peuvent dévier des enregistrements originels lorsqu'on connaît les chansons à fond. Il y a plus de liberté, nous essayons toujours d'aller plus loin sur scène et nous permettre de belles déviations. Ces choses-là ne se discutent pas à l'avance, elles se produisent spontanément et s'impriment dans l'inconscient.»

Quant à l'impact canadien dans son imaginaire américain, Meghan Remy a beaucoup à dire: 

«Pour moi, vivre au Canada a d'abord été une sorte de frontière entre le présent et ma vie antérieure. Cela m'a permis de préciser ce que je suis aujourd'hui en faisant l'analyse de ce que j'étais auparavant...»

Cette introspection, précise-t-elle en outre, a retardé sa connaissance de la réalité canadienne. Qu'à cela ne tienne, elle n'hésite pas à se rattraper: 

«Le Canada n'est pas si différent des États-Unis, sauf certains aspects : le système de santé dont je jouis, une plus grande reconnaissance des Premières Nations. Aussi le Canada est moins tape-à-l'oeil, moins peuplé, on peut y jouir de plus de privilèges en tant que citoyens ordinaires. Cela dit, ce pays est similaire aux États-Unis à plusieurs égards - domination outrancière des grandes entreprises, populisme croissant, occultation de l'oppression...»

Ainsi s'expriment toutes ces U.S. Girls incarnées par Meghan Remy... au nord de la frontière.

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Samedi soir, Cinéma L'Amour, 23 h 30.

Photo fournie par POP Montréal

Meghan Remy, alias U.S. Girls