Depuis sa mise à feu il y a un mois, le talk-show de Martin Matte perd des plumes, à coups de presque 100 000 par semaine.

Le premier épisode avec Patrick Huard et son infâme « organigraine » a été regardé par 875 000 personnes. Le deuxième, mettant en vedette Stéphane Rousseau, a chuté à 784 000 fidèles. Le troisième, celui de Pierre-Yves Roy-Desmarais, a glissé à 682 000 irréductibles, tandis que le quatrième, qui accueillait Julie Le Breton, est descendu à 610 000 téléspectateurs. Une baisse du tiers de l’audience en quatre semaines.

On s’entend : les cotes d’écoute de Martin Matte en direct ne sont pas catastrophiques, surtout dans le contexte actuel d’éparpillement multiplateforme, qui gruge les parts de marché de la télé traditionnelle. En compilant les visionnements en différé, les deux premiers épisodes du talk-show de TVA grimpent respectivement à 1 094 000 et 991 000 curieux. C’est quand même du monde à la messe, plus que chez Christian Bégin à Télé-Québec, mettons.

Reste que la tendance baissière de Martin Matte en direct ne ralentit pas et inquiète assurément les patrons de la station, qui ont misé gros sur leur tête d’affiche comique.

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE L’ÉMISSION

Martin Matte a reçu Pierre-Yves Roy-Desmarais lors du troisième épisode.

Il persiste un important décalage entre le personnage du gars fendant et hyper confiant de Martin Matte et le contenu de son émission, qui n’est pas à la hauteur de l’arrogance qu’il démontre.

C’est là que ça accroche, je trouve. Martin Matte ne peut pas parler de lui comme d’un « excellent animateur » ou du « meilleur animateur », même si c’est de la dérision ou de l’exagération, et mener une entrevue autant décousue et hachurée avec le jeune humoriste Pierre-Yves Roy-Desmarais. Ça ne colle pas, et les gens à la maison s’en rendent vite compte.

S’il est vraiment supérieur à ses camarades, qu’il le prouve dans son travail. Point barre. Cela fait des années que le personnage du « gars au-dessus de ses affaires » sert Martin Matte et qu’il alimente son travail d’humoriste. Transposé dans un contexte de talk-show, un exercice télévisuel qui exige plus d’humilité et qui consiste à mettre en valeur quelqu’un d’autre que soi, ce personnage hautain atteint ses limites.

Avec Julie Le Breton, l’invitée de jeudi dernier, Martin Matte a eu des échanges sincères et animés. On ne sentait pas qu’il cherchait à dégainer un gag scénarisé d’avance ou à puncher à tout prix. Il faut dire que Julie Le Breton, une convive en or, ne se gênait pas pour recadrer l’animateur quand il lui parlait de sa peur de vieillir à l’écran, un sujet qu’il n’a pas abordé avec Patrick Huard, par exemple.

Le quatrième épisode de Martin Matte en direct s’est malheureusement gâché en fin de parcours, dans le sketch au télésouffleur. Les répliques écrites à l’avance pour Julie Le Breton lui faisaient parler de ses règles abondantes, qui ressemblent au déluge du Saguenay – une vraie scène de crime ! – à l’approche de la ménopause.

Était-ce nécessaire de redescendre sous la ceinture pour arracher des rires à la foule ? Pas tant, non. C’était plus rigolo quand Julie Le Breton se moquait du non-acteur Martin Matte sur le plateau des Beaux malaises.

Parenthèse à propos de ce segment au télésouffleur : Martin Matte ne l’a pas emprunté à l’émission Je viens vers toi de Marc Labrèche. En décembre 2022, Martin Matte a testé ce concept avec Fabien Cloutier et il en a déposé un extrait sur sa page Facebook en mars, peu de temps avant l’entrée en ondes de Je viens vers toi sur Noovo. Fin de la parenthèse de paternité.

Ce que Martin Matte maîtrise le mieux dans son talk-show ? Les numéros d’ouverture, qui mélangent des éléments d’actualité à des vannes sur Chanteurs masqués. Il traverse l’introduction avec un bon dosage d’intelligence, d’arrogance et d’élégance.

Ce qui marche moins bien : la série de sketches Le dernier lien, qui ne lève pas malgré tout le talent qu’elle réunit : Geneviève Schmidt, Isabel Richer, Roy Dupuis, Marc Labrèche, Matthieu Pepper, Jean-François Provençal et Marie-Lyne Joncas. Ce n’est pas super drôle.

Les collaborateurs, dont Pierre Brassard, Maude Landry et Katherine Levac, tirent bien leur épingle du jeu, tout comme Les Appendeux. Martin Matte teste également des jeux de mimes et d’improvisation, pour se sortir du cadre plus rigide de l’interview traditionnelle. C’est bien correct, il essaie des trucs. Autre point positif : son questionnaire en rafale contient toujours des vacheries bien envoyées, comme celle-ci, à Pierre-Yves Roy-Desmarais : « Aimerais-tu mieux être pauvre et heureux ou être riche et faire une autre saison de Sans rancune ? » Voilà le Martin Matte baveux que l’on aime.

Stéphane Rousseau l’a appris à la dure chez V, en 2018 : piloter un talk-show, c’est complexe et casse-gueule. Martin Matte est actuellement pris dans une étrange position. Il ne peut pas reculer et se la jouer modeste, car c’est tout le contraire de son image publique. Il ne peut pas non plus se cantonner dans la position du condamné à l’excellence, parce qu’il manque des preuves à son dossier.