« C’est un des premiers artistes à qui j’ai pensé quand j’ai défini le thème de la Biennale », nous confie la commissaire de la 18e édition de Momenta, Ji-Yoon Han, lors d’un entretien téléphonique.

« La question identitaire est au cœur du thème de la métamorphose, mais ce qui m’intéresse n’est pas l’identité au sens d’être, mais de devenir. L’entre-deux, entre soi et l’autre, le visible et l’invisible, l’humain et le non-humain, et vraiment d’aller chercher cet intervalle, cette zone un peu floue… Séamus réussit à faire exactement ça. »

Inspiré de la culture drag et de l’esthétique du jeu vidéo, Séamus Gallagher présente au musée McCord Stewart l’expo Mère Mémoire Cellophane, inspirée du lancement mondial, en 1939, du bas de nylon, qui allait révolutionner la mode féminine.

Pour marquer le coup, la société de produits chimiques DuPont avait aménagé à l’époque un petit podium dans son pavillon de l’Exposition universelle de New York, juste avant le début de la Seconde Guerre mondiale, où défilait un mannequin baptisé Miss Chemistry. DuPont y vantait ses bas de soie synthétiques fabriqués avec du charbon, de l’air et de l’eau.

  • Une photographie lenticulaire inspirée du visage que l’on retrouvait sur les boîtes de bas de nylon dans les années 1940

    PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

    Une photographie lenticulaire inspirée du visage que l’on retrouvait sur les boîtes de bas de nylon dans les années 1940

  • Une autre photographie lenticulaire inspirée du lancement des bas de nylon

    PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

    Une autre photographie lenticulaire inspirée du lancement des bas de nylon

  • Une reproduction de la robe que portait Miss Chemistry, mais signée Séamus Gallagher, avec des manches coupées très grossièrement au ciseau

    PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

    Une reproduction de la robe que portait Miss Chemistry, mais signée Séamus Gallagher, avec des manches coupées très grossièrement au ciseau

  • Une vision partielle d’une photo lenticulaire que l’on voit en se déplaçant

    PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

    Une vision partielle d’une photo lenticulaire que l’on voit en se déplaçant

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On peut d’ailleurs voir une courte vidéo promotionnelle de cet évènement dans un coin de la pièce consacrée à l’exposition. On y apprend que malgré le succès des bas de nylon, les usines de DuPont ont dû suspendre leur production pour faire des parachutes militaires, des cordes et des tentes afin de soutenir l’effort de guerre des Américains.

Bref, en entrant dans la grande salle du musée McCord Stewart, on peut voir une reproduction de la robe que portait le mannequin embauché par DuPont, version Gallagher, avant de déambuler devant cinq photographies lenticulaires – des photos avec deux images en une, qui changent en fonction de nos déplacements. Pensez aux photos surprises qui se trouvaient dans les boîtes de céréales !

« Séamus joue entre le monde virtuel et le monde réel, nous dit Ji-Yoon. Il élabore des scènes de bric et de broc, avec des décors en papier, et il explore l’idée du mimétisme imparfait où les choses ne sont jamais tout à fait bien réalisées, où il y a un côté cheap et kitsch qui est entièrement assumé. »

Une petite installation domine la pièce. On y voit une incarnation virtuelle de Miss Chemistry en drag, mais, grâce au mapping 3D, c’est le visage de Séamus Gallagher qui se pose sur le corps du mannequin et qui fait partager ses états d’âme sur la fin du rêve chimique de 1939 – menacé aujourd’hui par la crise environnementale – et sur le monde de demain.

« Le monde de demain » était en effet le thème de l’Exposition universelle de 1939. Que reste-t-il des promesses de ce monde-là ? L’artiste pose la question, tout en s’attardant aux mots « Mère », « Mémoire » et « Cellophane » – que l’on retrouve dans le titre de l’expo – qui se sont retrouvés en tête de liste des plus beaux mots de la langue anglaise dans un sondage réalisé en 1940.

Bref, les métamorphoses pleuvent dans cette expo-installation, qui revisite complètement la représentation qu’on pouvait se faire de cette Miss Chemistry, dont le fantôme rôde au musée McCord Stewart. Une excellente façon de lancer la Biennale.

Au musée McCord Stewart jusqu’au 4 février 2024

Visitez le site du musée McCord Stewart