L’artiste peintre Raymond Pilon, connu dans le monde comme Zïlon, a marqué l’histoire de l’art de la rue à Montréal. Figure de proue de la mouvance punk et de la contre-culture au Québec, ses œuvres continuent d’inspirer une nouvelle génération d’artistes. Sa mort a été annoncée par la Galerie d’art Beauchamp samedi matin.

Celui dont les murales ont façonné l’histoire de l’art de la rue était né en 1956. Il venait de fêter, mardi dernier, son 67anniversaire. Il a été retrouvé inanimé chez lui, à Montréal, vendredi. La cause de sa mort fait l’objet d’une enquête du coroner, a expliqué à La Presse son agent, Vincent Beauchamp, de la Galerie d’art Beauchamp.

M. Beauchamp a alerté les policiers après avoir été sans nouvelles de Raymond Pilon pendant quelques jours. L’artiste avait un projet prévu à Québec cette semaine. Il participait à un mémoire sur son œuvre mené par le fils de M. Beauchamp. Il préparait une nouvelle exposition.

« Oui, ça fait 30 ans que Zïlon a toujours parlé de suicide, de mort dans son œuvre, mais on pense qu’il y a peut-être aussi une cause naturelle [à sa mort], parce qu’il avait des problèmes de santé depuis longtemps », ajoute M. Beauchamp, bouleversé par la nouvelle.

« Quand on prête attention au travail [de Zïlon], il y a tout le temps un personnage qui revient, témoigne M. Beauchamp. Il disait que c’est ce personnage-là qui l’a sauvé toute sa vie et qui l’a poussé à peindre. »

  • Zïlon lors d’une exposition à la galerie d’art Loft, en novembre 2015

    PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

    Zïlon lors d’une exposition à la galerie d’art Loft, en novembre 2015

  • Œuvre exposée à la galerie d’art Loft, en novembre 2015

    PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

    Œuvre exposée à la galerie d’art Loft, en novembre 2015

  • Œuvre exposée à la galerie d’art Loft, en novembre 2015

    PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

    Œuvre exposée à la galerie d’art Loft, en novembre 2015

  • Œuvre exposée à la galerie d’art Loft, en novembre 2015

    PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

    Œuvre exposée à la galerie d’art Loft, en novembre 2015

  • Œuvre exposée à la galerie d’art Loft, en novembre 2015

    PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

    Œuvre exposée à la galerie d’art Loft, en novembre 2015

  • Œuvre exposée à la galerie d’art Loft, en novembre 2015

    PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

    Œuvre exposée à la galerie d’art Loft, en novembre 2015

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« C’est un artiste extraordinaire, important, qui a toujours rêvé grand, mais qui n’a jamais atteint la reconnaissance qu’il aurait voulu avoir », raconte l’animatrice Geneviève Borne.

Derrière l’homme un peu bourru, Zïlon était un grand sensible. « Un hater doux qui screamait love me », comme elle le décrit dans un touchant hommage publié sur les réseaux sociaux.

Elle lui avait lu le texte lors d’un vernissage au centre d’art Diane-Dufresne, à Repentigny, il y a quelques années.

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

« Il était un complice de longue date », confie-t-elle en entrevue avec La Presse. Les deux étaient réunis par leur amour de l’art, de la mode, et leur admiration pour David Bowie.

« La première fois qu’on a collaboré, c’était dans une soirée à l’Halloween. Je disais que je n’avais pas de costume et il a répondu : “Je vais t’arranger ça.” Il m’a complètement dessiné le visage avec un eyeliner ! », se souvient Geneviève Borne avec tendresse.

Ils ont collaboré à deux reprises au Festival Mode+Design, partagé les platines lors de soirées où ils étaient DJ. « J’embarquais tout le temps dans ses affaires », raconte l’animatrice.

PHOTO FOURNIE PAR GENEVIÈVE BORNE

L’animatrice Geneviève Borne porte une chemise créée par Zïlon à l’occasion du lancement de son livre 300 raisons d’aimer Londres.

Malgré son grand talent, les occasions ne se bousculaient pas. Celui qui aimait sans cesse explorer de nouveaux médias faisait face à « des défis financiers, des défis de vie, des défis de santé ».

« C’était quelqu’un qui était extrêmement fier de son art et de sa démarche, qui avait un grand besoin d’amour et d’admiration », estime-t-elle.

Punk jusqu’au bout

Zïlon est considéré comme le père du street art québécois. « Il a inventé ce courant-là, il l’a développé et il l’a maintenu toute sa vie », confirme M. Beauchamp.

  • Un bâtiment à l’angle des rues Saint-Dominique et Marie-Anne, à Montréal, connu pour ses murales de Zïlon.

    PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

    Un bâtiment à l’angle des rues Saint-Dominique et Marie-Anne, à Montréal, connu pour ses murales de Zïlon.

  • Édifice de la rue Coloniale, à Montréal

    PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

    Édifice de la rue Coloniale, à Montréal

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Son tracé si distinctif a couvert les rues et les murales de la métropole. Véritable figure de proue de la mouvance punk, Raymond Pilon a connu les bars et les week-ends enfiévrés des années 1980 à New York comme à Montréal, raconte M. Beauchamp.

Le bar Le Business, à Montréal, désormais fermé, avait été l’un des premiers lieux consacrés à l’art immersif au Québec. « Les murs, les comptoirs, les plafonds, les planchers, c’était Zïlon au complet », souligne M. Beauchamp.

Sur les réseaux sociaux, les hommages à l’œuvre de Zïlon se sont rapidement mis à pleuvoir. « Ce matin, je relis les nombreux courriels que nous avons échangés, ils sont remplis d’images de tes créations, de tes poses aussi sexy que tes personnages. Tes œuvres sont pour moi un coup de poing au cœur, une inspiration, une référence », a témoigné la chanteuse Diane Dufresne.

« Je m’éveille le cœur lourd ce matin », a réagi la directrice de la galerie La Guilde, France Cantin. « Ceux qui l’ont connu savent qu’il n’était pas toujours facile, voire agréable, mais il était une personne profondément sensible, attachante, même drôle à ses heures. J’ai vécu à ses côtés une expérience incroyable qui m’a changée pour toujours. »

« Il y a eu plus d’une cinquantaine de vernissages d’artistes d’art visuel dans mon restaurant Soupçon Cochon, a pour sa part témoigné en ligne Christyna Pelletier. Mais celui qui m’a marqué le plus n’est pas tant le collectif qui exposait à ce moment-là, mais ma rencontre avec Zïlon. Un personnage discret, mais à la fois exubérant. »

Toujours actuel

En 2019, l’Écomusée du fier monde a consacré à Zïlon une exposition rétrospective. En 2022, l’exposition Vandale de Lüxe$$ a été présentée au Musée des beaux-arts de Mont-Saint-Hilaire. Une suite était en préparation, selon M. Beauchamp.

Sa toute dernière murale se trouve dans la salle du théâtre Le Diamant, à Québec. La fresque rend hommage au Shoeclack déchaîné, bar mythique de la capitale. Elle est protégée par une vitre, la raison principale pour laquelle il a accepté de la peindre, souligne M. Beauchamp. En effet, Zïlon décriait les tags qui défigurent désormais l’art urbain.

Dans les dernières années, les œuvres de Zïlon ont été rassemblées et répertoriées pour éviter qu’elles ne se dispersent, ajoute-t-il. « Raymond Pilon n’avait plus de place à son atelier, dans son appartement, des choses avaient été dilapidées, raconte M. Beauchamp. En juin dernier, on a terminé tout son espace de rangement pour ses murales, ses œuvres, ajoute-t-il. Heureusement, tout est là, tout a été colligé. »