Le projet de Phi Contemporain présentait tout un défi aux 64 firmes d’architecture candidates. Elles devaient tenir compte du statut historique du quartier, du fait que la rue Bonsecours est en pente et que la transformation concernera plusieurs bâtiments en même temps. Les cinq dernières firmes retenues, dont les maquettes avaient été présentées publiquement le 26 avril, s’étaient accommodées de ces contraintes.
Lisez l’article « La Fondation Phi aura un nouvel édifice en 2026 »Phoebe Greenberg s’était réjouie de la qualité des propositions des firmes Adjaye Associates, Bruther, Dorte Mandrup, Kuehn Malvezzi+Pelletier de Fontenay et Office Kersten Geers David Van Severen.
Mais il a fallu choisir et le consortium berlino-québécois est sorti du lot. Phoebe Greenberg a aimé son plan de circulation qui permettra aux visiteurs de découvrir des œuvres de sa collection durant leur parcours. « Je suis ravie, dit-elle. Le concours répond très bien aux contraintes établies. Le projet retenu est très élégant, avec un espace public sur le toit. C’est fantastique. »
La maquette n’est pas le plan final de construction. Une équipe technique a soupesé le projet. Des variations pourraient survenir. « Mais la faisabilité du projet est solide », dit Phoebe Greenberg.
La Presse a visité, mercredi, le terrain qui accueillera Phi Contemporain. L’espace comprend la Maison Pierre-du-Calvet (qui date de 1725) et la Maison Louis-Viger où a habité le premier maire de Montréal, Jacques Viger. Des lieux patrimoniaux imprégnés d’un style Nouvelle-France avec des tapisseries, de larges cheminées, des lustres traditionnels et 43 fenêtres à petits carreaux !
La superficie qui accueillera de nouvelles fonctions est immense. Il y a même des pièces sous la rue Saint-Paul ! Un potentiel de 3600 m2 permettra à Phi d’installer sur plusieurs niveaux toutes ses activités (sauf le Centre Phi, qui demeurera en activité au 407, rue Saint-Pierre). Le passage d’un bâtiment à un autre donne une impression de labyrinthe.
« C’est pourquoi la compétition d’architecture a été robuste car le site est compliqué, dit Mme Greenberg. Des espaces précieux seront préservés et d’autres, moins significatifs, transformés. Cette dynamique d’une institution contemporaine ancrée dans le passé me fascine car c’est une transformation vers le futur, un geste durable qui raconte aussi l’histoire. »
On se promène dans des lieux où l’histoire s’est écrite. Dès 1692, Marie Brazeau, considérée comme une des premières féministes québécoises, a habité à cet endroit. Mais la femme « turbulente » dut céder sa maison en bois à son frère Nicolas qui la transforma en pierres. « Quand je vois que Marie Brazeau a vécu ici, je me sens bienvenue ! », dit Phoebe Greenberg.
Les murs de pierres d’origine sont splendides. D’autres structures plus récentes ont moins de cachet, telle la façade du bâtiment situé entre la Maison Pierre-du-Calvet et la Maison Louis-Viger. L’historique des lieux a été examiné dans le cadre d’une étude menée par les firmes Kubanek Architecte et ERA Architects et qui aide à comprendre ce qui doit être conservé et ce qui n’a guère de valeur.
On traverse ensuite une pièce de la Maison Louis-Viger, pendant un temps occupée par l’écrivain Réjean Ducharme. Des fenêtres, on peut apercevoir, de l’autre côté de la rue, l’appartement de Phyllis Lambert, fondatrice du Centre canadien d’architecture et grande protectrice du patrimoine. « Elle a demandé qu’on ne coupe pas l’arbre situé près de la Maison Louis-Viger, dit Phoebe Greenberg. On va voir ! » À noter que la maquette de Kuehn Malvezzi+Pelletier de Fontenay comprend des arbres. Mme Lambert pourrait être satisfaite.
Ce projet immobilier et culturel dépassera les 100 millions, compte tenu de l’augmentation récente des coûts de construction. Mais aussi parce que ce montant comprend les fonds pour les activités des premières années de Phi Contemporain, ainsi que l’investissement nécessaire pour acquérir (10 millions) et restaurer (60 millions) les bâtiments existants.
Des travaux vont commencer dès cet été. « Des interventions se feront sur les murs de soutènement, dit Éric Albert, PDG de Phi. Et des fouilles archéologiques auront lieu au niveau du stationnement. » Un micro-site sera créé par Phi dans quelques mois pour permettre au public de suivre la progression des travaux dès juillet 2023 et de consulter des photos des lieux avant leur transformation.
Pour Phoebe Greenberg, il est important de rendre hommage à ces lieux qu’on transformera. Quand elle avait fait rénover la bâtisse du 407, rue Saint-Pierre, entre 2009 et 2012, pour créer le Centre Phi, elle avait eu l’idée d’inviter le cinéaste Denis Villeneuve à y créer une œuvre. Ce fut le court métrage Next Floor. Même chose à la Fondation (rue Saint-Jean) où des images avaient été tournées.
Consultez le site du court métrage (en anglais)En plus de documenter cet îlot du Faubourg Bonsecours où s’ouvrira une nouvelle page de l’histoire locale, Phi le célébrera dès le 19 septembre et jusqu’en janvier 2023, en partenariat avec la Ville de Montréal, avec une animation de ces vieilles maisons au moyen de projections de lumière à l’extérieur mais aussi à l’intérieur. Une illumination sur le thème de la vie des oiseaux.
Phobe Greenberg est emballée par ce projet qui compte énormément pour elle car elle a beaucoup d’ambition avec Phi Contemporain. « C’est un modèle clair et contemporain qui fera tourner nos expositions partout dans le monde, dit-elle. On fera des partenariats internationaux avec des institutions et des gens ayant le même genre de vision. Aujourd’hui, je crois que ce geste de création de Phi Contemporain est très important car on doit, plus que jamais, avoir un regard dont la porte d’entrée soit l’art. C’est capital. »