L’artiste et auteur Marc-Antoine K. Phaneuf est enthousiasmé par la participation du Canadien de Montréal à la finale de la Coupe Stanley. « Je ne regarde habituellement que les séries. Avec les Canadiens, ça ajoute du sens au plaisir ! », dit-il.
Le Québécois est d’autant plus enjoué qu’il a été choisi pour créer un livre d’artiste en collaboration avec Doyon-Rivest. Une sorte de ready-made tiré à 1000 exemplaires et réalisé dans le cadre du programme Colis d’art, mis sur pied par le Musée ambulant depuis la pandémie. Les œuvres d’art commandées à des artistes contemporains sont envoyées par la poste, quatre fois par an, à des amateurs d’art abonnés au programme.
Déjà, en 2014, Phaneuf avait présenté, sur les quatre faces du cube Sightings de la galerie Leonard & Bina Ellen, une œuvre, Peinture canadienne, réalisée avec 3000 cartes de hockey assemblées de façon à donner une impression de tableau de Borduas, Lemoyne ou Riopelle.
Le colis d’art de Phaneuf et Doyon-Rivest comprend toute une série de références au hockey. D’abord, l’emballage de Doyon-Rivest est une œuvre intitulée Du gras et des jeux ! Le recto du coffret évoque la traditionnelle pizza des soirées de hockey et le célèbre masque de Jacques Plante. Le verso est une allusion aux aliments qu’on consomme lors de ces soirées, hot-dogs, chips ou poulet frit.
« Notre proposition embrasse l’aspect culture populaire du hockey, son côté iconique, dit Simon Rivest. Comme dans plusieurs de nos œuvres, il y a un côté frontal qui a beaucoup d’impact. À l’instar du hockey de la culture populaire, l’énergie est très masculine. C’est tape-à-l’œil et ce n’est pas le plus subtil. L’aspect critique est sous-jacent. »
Sur les côtés du coffret, Doyon-Rivest a imprimé les détails d’une gravure ancienne qui met en scène une femme gladiateur.
Elle se produit devant d’autres femmes qui semblent au pouvoir. Il y a une rencontre des genres qui ouvre une réflexion variable selon les personnes. On trouvait intéressant de donner à la boîte ces deux lectures qui peuvent se combiner, ou pas. Il y a comme une tension visuelle entre les styles.
Simon Rivest
Une fois la boîte ouverte, on enlève un morceau de papier collant et on déplie une affiche faite d’un assemblage de cartes de hockey et d’une photo de Guy Lafleur. À l’intérieur se trouve le livret Hockeyeurs avec les noms, par ordre alphabétique, de 2500 hockeyeurs ayant joué dans la Ligue nationale depuis 1917. Des noms qui rappelleront des souvenirs à bien des amateurs du sport national.
Mais tous les joueurs de la LNH n’y sont pas. « Mon choix était subjectif et dépendait de la sonorité du nom, dit Phaneuf. Il faut donc faire l’exercice de lire cette liste à voix haute. L’occasion de devenir un commentateur sportif ! »
La liste Hockeyeurs est accompagnée d’un autre livret, Goalie x Goalie, avec des photos de cartes de hockey de gardiens de but découpées et réunies pour former des personnages irréels.
L’idée était de faire se rencontrer deux gardiens, car c’est la forme de leur corps et leur position qui m’interpellaient. Ça donne à l’amateur de hockey le défi de trouver de quel gardien il s’agit.
Marc-Antoine K. Phaneuf
Toujours dans le coffret ont été placés un couteau de précision, deux plioirs, un poinçon, un rouleau de fil ciré, de grosses aiguilles dans un tube et un tapis de coupe. Cet attirail a pour but d’initier aux rudiments de la reliure, avec l’aide de vidéos fournies aux acquéreurs du colis. Le principe du colis d’art est de collectionner, mais aussi d’apprendre à créer.
« Ça s’adresse aux collectionneurs, mais aussi à des enseignants qui vont en faire profiter leurs élèves, dit Phaneuf. Avec ce livre d’artiste, l’idée est d’offrir des expériences artistiques aux amateurs. »
L’art nomade
Le Musée ambulant a été créé il y a quatre ans par Jeanne Couture, commissaire et historienne de l’art, et Catherine-Eve Gadoury, qui a étudié en enseignement des arts. Jeanne Couture avait commencé son parcours professionnel en créant une exposition « à hauteur d’enfant », destinée aux écoles primaires. Peu après, son succès a donné naissance au Musée ambulant.
L’organisme à but non lucratif montre de l’art visuel et des métiers d’art là où se trouvent les amateurs d’art. Cette mission de partir à la rencontre d’un public a trouvé tout son sens depuis 15 mois alors que la pandémie a nui au fonctionnement des musées.
Avec sa quinzaine d’employés, l’OBNL s’adresse aux amateurs d’art éloignés, qu’ils le soient géographiquement, physiquement ou à cause de leur situation sociale particulière. « On présente des expositions nomades d’artistes professionnels en se déplaçant partout au Québec et même au Canada », dit Jeanne Couture.
Ces expos peuvent toucher quelque 3000 personnes en une tournée de six semaines. L’OBNL se rend dans des écoles, des résidences pour personnes âgées, des garderies ou des festivals. Tant à l’intérieur que sous chapiteau, dans des cours d’école ou des parcs.
On est partis en Abitibi, l’automne passé, pendant trois semaines avec notre camion, nos œuvres et nos médiatrices durant le Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue. Quand on va dans une école, on rencontre les élèves le jour et, le soir, on fait une soirée communautaire avec leurs parents. Les élèves deviennent leurs petits guides !
Jeanne Couture
Le Musée ambulant a une approche de médiation « décomplexée » en matière d’art. Il veut que les gens se sentent compétents par rapport à ce qu’ils voient et ressentent. Pas de visite guidée ou de cours magistral avec le Musée ambulant, mais des présentations d’œuvres en posant des questions aux personnes pour qu’elles s’approprient librement les œuvres de sa collection.
Le Musée ambulant acquiert des œuvres de toutes sortes, d’artistes émérites et émergents. Parmi les 29 artistes de sa collection, citons Ludovic Boney, Paryse Martin, Giorgia Volpe, Anne-Marie Groulx, Catherine Arsenault, Charles-Étienne Brochu ou encore Diane Obomsawin.
Colis d’art
À cause de la pandémie, le Musée ambulant a arrêté ses tournées. « On voulait quand même rendre l’art accessible et soutenir les artistes, dit Jeanne Couture. Alors on a développé Colis d’art à partir de nos revenus autonomes et ça fonctionne tellement bien que ça va rester après la pandémie. »
Chaque colis d’art contient une œuvre commandée à un artiste (qui reçoit 10 000 $), des outils pour se familiariser avec un métier d’art et des liens pour en apprendre plus sur l’artiste et le métier d’art. L’emballage est confié à un autre artiste.
J’associe des artistes dont je trouve que les pratiques peuvent dialoguer.
Jeanne Couture
Le premier colis d’art était une sérigraphie de Marie-France Tremblay avec emballage créé par Francis Arguin. Le deuxième contenait une estampe d’Angela Marsh et une jaquette de Kaël Mercader. Le troisième était un colis numérique du collectif Doux soft club avec jaquette numérique signée Romain Lasser. Et le quatrième est celui de Marc-Antoine K. Phaneuf et de Doyon-Rivest.
Chaque colis d’art est produit à 1000 exemplaires et offert par abonnement (au coût de 300 $ par an, pour quatre colis) ou à l’unité. « La moitié des colis d’art est utilisée dans le cadre de nos activités », dit Mme Couture.
Un cinquième colis d’art, réalisé par les artistes Ludovic Boney et Dominique Pétrin, a été lancé jeudi par le Musée ambulant. « La prochaine saison de Colis d’art est déjà planifiée, les artistes y travaillent déjà, dit Jeanne Couture. On va continuer à faire rouler l’économie de la création au Québec ! »
Consultez le site du Musée ambulant