La militante et documentariste mohawk Ellen Gabriel a remporté le Grand Prix du Conseil des arts de Montréal (CAM) jeudi pour son court métrage Kanatenhs – When the Pine Needles Fall sur la crise d’Oka de 1990, racontée du point de vue des femmes autochtones.

Visiblement émue au moment de récupérer son prix, Ellen Gabriel s’est d’abord exprimée en kanien’keha avant de dire toute sa surprise et sa gratitude en français. Plus tard, à La Presse, elle a avoué être encore ébranlée par toute l’attention qu’elle recevait.

« Un des objectifs du film était non seulement de récupérer le récit de ce qui s’est passé durant la crise d’Oka, parce qu’il y avait beaucoup de stéréotypes, mais aussi de laisser un héritage aux communautés autochtones. Les femmes ont joué un rôle important dans la résistance et on n’en a jamais parlé. »

Extrait de la bande-annonce de Kanatenhs – When the Pine Needles Fall

Mme Gabriel remporte ainsi une bourse de 30 000 $, remise par le Conseil des arts de Montréal, qui a salué son engagement. C’est la première fois que le CAM remet son Grand Prix à un ou une artiste autochtone.

« C’est à propos de notre amour pour notre terre, c’est ce qui nous donne de la force, a renchéri Ellen Gabriel. Protéger notre terre et ses habitants. Mais ce n’est pas ce qu’on a vu cet été-là. C’était une opération militaire avec des hommes et des armes. Je voulais aller au-delà de cela. »

Est-ce que la situation a évolué ? Est-ce qu’elle s’est améliorée depuis 30 ans ? « Le regard que l’on porte sur les communautés autochtones a évolué, oui. Mais la situation ne s’est pas améliorée, pas dans ma communauté. Le crime organisé s’est infiltré, la crise climatique a un impact sur notre territoire, donc il y a beaucoup à faire et j’ai l’intention de faire d’autres documentaires sur ce qui se passe chez nous. »

Un doublé pour Marguerite à bicyclette

La compagnie de cirque Marguerite à bicyclette a reçu les deux autres prix remis par le CAM, soit le Prix du jury Desjardins et le Prix du public Télé-Québec, qui a obtenu plus de 3000 votes. Chacun des prix était accompagnés d’une bourse de 10 000 $.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Les trois membres fondateurs de la compagnie Marguerite à bicyclette – Jérémy Vitupier, Pauline Baud et Frédéric Lemieux-Cormier – en compagnie de l’animatrice Édith Cochrane

Les trois membres de la compagnie – Frédéric Lemieux-Cormier, Pauline Baud et Jérémy Vitupier – proposent de petites formes circassiennes dans des tournées à bicyclette. Ils ont parcouru plus de 1500 km lors de leur dernière tournée.

Frédéric Lemieux-Cormier a parlé des spectacles « doux et poétiques » de sa compagnie fondée il y a trois ans, de l’accessibilité de ces spectacles et du caractère écoresponsable des tournées, mais aussi de la « solidarité incroyable » du milieu circassien.

Les autres finalistes aux prix du CAM étaient : la Fondation Massimadi, qui diffuse des films LGBTQ+ afro, l’ensemble musical Oktoecho, le festival MAPP_Mtl, la Foire d’art contemporain Plural, le Studio de danse 303 et La traversée du siècle, d’Alice Ronfard, d’après l’œuvre de Michel Tremblay.

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Pascale St-Onge, ministre du Patrimoine canadien, était présente pour le dévoilement des prix du Conseil des arts de Montréal.

Le soutien du fédéral

Dans un discours à teneur électoraliste, et à une semaine du dépôt du budget fédéral, la ministre du Patrimoine canadien, Pascale St-Onge, a fait un plaidoyer pour les arts « qui ont la capacité de nous tirer vers le haut » et encore de « créer des espaces de dialogue et de réflexion » à l’heure où « notre rapport aux autres ne se porte pas particulièrement bien », dans un contexte de « polarisation » à l’extrême.

« Il faut investir et s’investir [dans la culture], a-t-elle dit en substance. Vous savez que certains politiciens ne voient pas les choses de cette manière, et placent la rentabilité économique comme seul critère valable en culture. Une vision qui nous a bien fait mal par le passé… Malgré la situation financière actuelle et les difficultés auxquelles nous faisons face, nous serons toujours là. »

Rencontrée à la fin de la cérémonie de remise de prix, Mme St-Onge a précisé qu’elle faisait référence au Parti conservateur lorsqu’elle a parlé des politiciens qui lient culture et rentabilité économique.

La ministre n’a pas donné de détails sur le budget qui sera déposé le 16 avril, mais quelques mesures ont déjà été annoncées. Parmi elles, 100 millions sur deux ans seront versés à Téléfilm Canada, ce qui devrait permettre à l’organisme fédéral de financer de 40 à 60 nouvelles productions annuellement. Mme St-Onge a également annoncé l’injection de 32 millions au Fonds de la musique au cours des deux prochaines années, notamment pour promouvoir la carrière d’artistes canadiens.