La crise sanitaire est peut-être chose du passé, mais les contrecoups de la pandémie se font encore lourdement sentir, notamment auprès des festivals montréalais qui craignent pour leur survie devant l’absence de soutien financier gouvernemental.

C’est donc pour alerter le public et les instances gouvernementales que les directeurs généraux de 16 festivals montréalais ont écrit une lettre ouverte destinée au ministre du Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez, au ministre Pierre Fitzgibbon, responsable de la Métropole et de la région de Montréal à la CAQ, au ministre québécois de la Culture et des Communications, Mathieu Lacombe, ainsi qu’à la mairesse de Montréal, Valérie Plante. Cette lettre est publiée aujourd’hui dans notre section Débats.

« Les lendemains de cette crise sont abrupts, dévoilant la fragilité de nos structures et l’essoufflement de nos équipes. Nous sommes inquiets de ce qui se profile, que ce soit l’inflation, qui se reflète dans les frais de production, l’augmentation essentielle des cachets d’artistes ou les enjeux concernant les ressources humaines. […] Le financement actuel ne nous permet plus de maintenir les emplois nécessaires au bon déploiement de nos activités. La conjoncture a des conséquences dramatiques pour l’avenir », peut-on lire dans cette lettre signée notamment par les directeurs généraux de Montréal complètement cirque, Nuits d’Afrique, le Festival du nouveau cinéma de Montréal, Fantasia ou Présence autochtone.

Il faut savoir que depuis le milieu de 2022, l’aide financière gouvernementale déployée pour permettre au milieu culturel de passer au travers de la crise pandémique s’est tarie. « Pour l’instant, il n’y a plus aucun soutien, lance David Lavoie, directeur général du Festival TransAmériques (FTA). Les subventions salariales fédérales sont terminées. Même chose du côté de Tourisme Québec, qui avait bonifié de 50 % son soutien aux évènements sur deux ans. »

Parallèlement, les coûts de production ont explosé. Les salaires, de moins en moins compétitifs, doivent être bonifiés pour tenir compte de l’inflation qui sévit et pour éviter une fuite des compétences. Pire, le public n’est pas tout à fait de retour.

David Lavoie explique : « Dans la situation actuelle, je ne sais pas comment on va résoudre l’équation pour l’année prochaine. Je ne veux pas être alarmiste, mais oui, on craint pour la suite. »

Alain Mongeau, directeur général du festival MUTEK, abonde dans le même sens : « Si rien n’est fait, l’écosystème va se fragiliser. Certains festivals ne résisteront pas. Les disparitions récentes des festivals Coups de théâtres et Grosse lanterne en sont d’ailleurs les premiers signes avant-coureurs. Et la qualité des programmations de ceux qui passeront au travers risque aussi de souffrir. »

Déjà, les chiffres ont de quoi effrayer, estime M. Mongeau. « Avec la fin des aides de soutien pour la COVID accordées par les gouvernements, nous avons un manque à gagner de 200 000 $. Et il faut absorber une augmentation des coûts de 30 à 40 %. Sans compter les ajustements nécessaires qui doivent être faits sur les salaires. »

On ne peut pas refiler la facture aux spectateurs, car on va perdre le public qu’on essaie de reconquérir.

David Lavoie, directeur général du FTA

Pour aider les festivals à se remettre sur pied, les signataires souhaiteraient que le gouvernement du Québec prolonge pour les quatre années à venir ses investissements dans le secteur culturel. Cette recommandation figurait d’ailleurs dans un récent mémoire du Réseau des conseils régionaux de la culture du Québec, dont fait partie Culture Montréal.

« C’est un vrai cri du cœur qui est lancé avec cette lettre, explique Alain Mongeau. Le monde qui nous entoure n’est plus le même qu’avant la pandémie. » Ce constat, dit-il, est partagé par tous les signataires de la lettre, qui dirigent tous des festivals consacrés à des disciplines spécialisées installés dans la métropole.

C’est pourquoi plusieurs souhaiteraient voir naître un Sommet des festivals, où les enjeux liés à ces évènements particuliers pourraient être débattus afin de dégager des pistes de solution.

« Les festivals sont très importants pour le positionnement de Montréal. Il ne faudrait pas les tenir pour acquis, car tous en arrachent. Ils sont portés à bout de bras. Ce cri du cœur est à prendre au sérieux. On veut que les gens le sachent. Si on décide de laisser disparaître nos festivals, ce sera fait en toute connaissance de cause… »