Elle a été à la fois l’« impératrice du punk » et la créatrice vedette de la mode britannique : connue pour ses créations excentriques, Vivienne Westwood est morte jeudi après avoir fait pendant plus de 50 ans de la mode une tribune politique.

« Vivienne Westwood est morte aujourd’hui, en paix et entourée de sa famille à Clapham, dans le sud de Londres. Le monde a besoin de personnes comme Vivienne pour faire changer les choses dans le bon sens », a indiqué sa marque de haute couture sur Twitter.

Dans un communiqué cité par l’agence PA, son mari et partenaire en création Andreas Kronthaler a ajouté : « Nous avons travaillé jusqu’à la fin et elle m’a laissé beaucoup de choses pour continuer. Merci, ma chérie. »

Mars 2022 à Paris : à l’issue du défilé de sa griffe, la créatrice de 81 ans monte sur le podium pour saluer le public.

Exit la longue crinière rousse, la voici les cheveux blancs, noués dans un élégant chignon. Silhouette longiligne, la créatrice est juchée sur d’impressionnantes chaussures compensées. Celle qui a agité – et même choqué – le monde feutré de la mode est encore là, fidèle à elle-même.

Pourtant, en 2016, elle a abandonné la direction artistique de sa griffe à son époux Andreas Kronthaler, un Autrichien de 25 ans son cadet.

Du changement, oui, mais dans la continuité de ce qu’a été la marque Westwood : une griffe rebelle, transgressive et engagée.

« Défendre des idées me rend heureuse », racontait-elle à son ami Ian Kelly, coauteur avec elle d’une biographie publiée en 2014.

« Toujours punk »

Née Vivienne Swire – Westwood est le nom de son premier mari avec lequel elle restera quatre ans – le 8 avril 1941 dans un petit village du comté de Derbyshire (centre de l’Angleterre), elle est l’aînée d’une famille modeste de trois enfants.

Elle quitte sa région natale à 17 ans pour Londres, où elle étudie la mode. Sa rencontre avec Malcolm McLaren, le futur gérant des Sex Pistols, change sa vie.

Animé par le même désir de rompre avec la génération « Peace and Love », le couple se lance dans la confection de vêtements et ouvre une boutique sur King’s Road en 1970.

  • Vivienne Westwood et son mari, Andreas Kronthaler, aux funérailles d'Yves Saint-Laurent, en 2008

    PHOTO BERTRAND LANGLOIS, AGENCE FRANCE-PRESSE

    Vivienne Westwood et son mari, Andreas Kronthaler, aux funérailles d'Yves Saint-Laurent, en 2008

  • En juillet 2020, Vivienne Westwood apparaissait dans une cage géante devant un tribunal londonien pour protester contre l'extradition de Julian Assange, fondateur de WikiLeaks.

    PHOTO NIKLAS HALLE'N, AGENCE FRANCE-PRESSE

    En juillet 2020, Vivienne Westwood apparaissait dans une cage géante devant un tribunal londonien pour protester contre l'extradition de Julian Assange, fondateur de WikiLeaks.

  • En 2015, la créatrice de mode est montée sur un blindé devant le domicile du premier ministre britannique pour protester contre un projet d'exploitation d'énergies fossiles.

    PHOTO LEON NEAL, AGENCE FRANCE-PRESSE

    En 2015, la créatrice de mode est montée sur un blindé devant le domicile du premier ministre britannique pour protester contre un projet d'exploitation d'énergies fossiles.

  • Vivienne Westwood à la fin d'un défilé à Londres, en 2017

    PHOTO NEIL HALL, REUTERS

    Vivienne Westwood à la fin d'un défilé à Londres, en 2017

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T-shirts pornos, tenues sadomasos, escarpins à talons aiguilles ou collants en vinyle composent les panoplies que Vivienne Westwood porte devant des passants médusés. Le succès est au rendez-vous. Leur proximité avec les Sex Pistols, dont le God Save the Queen est un succès mondial, ancre le couple dans l’univers punk.

C’est à cette période qu’elle dessine son célèbre T-shirt arborant le visage de la reine Élisabeth II. En 1981, elle organise son premier défilé à Londres, qu’elle nomme « Pirates ».

Si elle va, au fil des années, s’éloigner des tenues BDSM (bondage, domination, soumission et sadomasochisme), elle ne trahira jamais son esprit punk.

« Ce que je fais aujourd’hui, c’est toujours punk. Il s’agit toujours de crier contre l’injustice et de faire réfléchir les gens même si c’est inconfortable. Je resterai toujours punk dans ce sens », avait-elle confié à Ian Kelly.

Pasionaria écolo

Irrévérencieuse toujours, comme en 1992 où elle est photographiée à la sortie du palais de Buckingham sans sous-vêtements. La créatrice venait d’être faite officier de l’Empire britannique (OBE) par la reine et avait dévoilé ses parties intimes en faisant tourbillonner sa jupe.

Mais surtout, Vivienne Westwood demeure une créatrice de mode ultrapolitisée. Des convictions qu’elle a défendues sur ses podiums.

Au centre de ses combats, son engagement pour l’environnement. Pionnière, elle appelait, dès 2008, l’industrie de la mode à prendre en compte les changements climatiques et exhortait les consommateurs à ne pas constamment acheter des vêtements, même si ses détracteurs pointaient ses contradictions en la matière.

Son autre grand combat a été la défense de Julian Assange, le fondateur de WikiLeaks, arrêté en 2019 après avoir passé plus de sept ans réfugié dans l’ambassade de l’Équateur à Londres. La même année elle dénonçait durant l’un de ses défilés « la corruption du gouvernement et la mort de la justice ».

Un an plus tard, elle apparaissait dans une cage géante devant un tribunal londonien pour protester contre son extradition.