La 36édition du Grand Prix du Conseil des arts de Montréal s’est tenue jeudi au Palais des congrès, devant un parterre de 750 invités du milieu culturel, politique et des affaires, dans une atmosphère fébrile de relance culturelle. La Presse a rencontré le lauréat du Grand Prix, l’artiste multidisciplinaire Victor Pilon.

En attribuant son Grand Prix à Sisyphe, la performance marathon de Victor Pilon présentée en septembre dernier au Parc olympique, le Conseil des arts de Montréal (CAM) a reconnu le pouvoir infini d’une œuvre pour changer le cours d’une vie. Et donner du sens à l’absurdité de notre monde.

En effet, pour une (très) rare fois depuis le début de la remise de ses prix, en 1985, le CAM n’a pas attribué son Grand Prix à un organisme ou à un festival ou pour récompenser la carrière d’un créateur. Mais à une œuvre, seule et unique. Une performance née dans le deuil, la tragédie et la noirceur. Et qui culmine dans la lumière, le partage et la beauté !

« Je suis très heureux et aussi très surpris de remporter le Grand Prix », a confié Victor Pilon, très ému, quelques minutes après sa remise, jeudi au Palais des congrès. « D’abord, parce que notre compagnie Lemieux Pilon 4D Art a eu le Grand Prix, en 2014 ; mais aussi parce que c’est une reconnaissance pour une œuvre d’art contemporain, une performance intime et personnelle. »

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE

L’incroyable marathon de près de 30 jours de Victor Pilon, avec Sisyphe. Ici en pleine performance l’automne dernier.

Au départ, sa proposition avait quelque chose de « kamikaze ». Un homme seul qui répète sans cesse un geste mécanique pour s’accrocher à la vie : déplacer avec une pelle 300 tonnes de sable, d’un point A à un point B, durant 26 jours, six heures par jour ! Mais la rencontre avec le public a insufflé du sens à sa quête. « Un geste d’amour avant tout », dit-il, pour son conjoint Sylvain, victime d’un accident de la route tragique, il y a cinq ans.

Selon Pilon, tout le monde peut s’identifier au mythe de Sisyphe : « En revisitant la mythologie [et l’essai d’Albert Camus], je croyais proposer une œuvre cérébrale. Avec un côté sacré, méditatif, dans la représentation. Or, c’est tout le contraire qui s’est produit : ça passait par le cœur. »

Dans la répétition, l’éternel recommencement, il y a une libération de la souffrance, une acceptation du vide. J’ai reçu des témoignages de spectateurs qui m’ont dit que ma performance les a aidés à se sortir d’une relation toxique ! Je n’ai jamais vécu une chose semblable en 40 ans de création. J’ai réalisé l’immense puissance de la rencontre, du contact intime avec le public.

Victor Pilon

Bonne nouvelle, si vous n’êtes pas parmi les 3000 personnes qui ont vu sa performance à Montréal, l’automne dernier, l’artiste nous confirme la sortie prochaine d’un film réalisé à partir d’une captation de son œuvre. « La bourse du Grand Prix (30 000 $) va m’aider pour le montage et la postproduction du film », conclut Pilon, encore sonné par l’impact de son œuvre sur la communauté.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Le Prix du jury a été remporté par Productions Nuits d’Afrique. Sur la photo, Lamine Touré, fondateur, et Suzanne Rousseau, directrice.

Nuits d’Afrique et Réalisatrices Équitables, honorées

Nathalie Maillé, directrice générale du Conseil des arts de Montréal, a aussi remis le Prix du jury, un coup de cœur unanime, à Productions Nuits d’Afrique. Enfin, le tout premier Prix du public est allé aux Réalisatrices Équitables, un organisme qui milite pour « une meilleure parité au cinéma tout en plaidant pour le partage de la narration avec les réalisations autochtones et de la diversité ».

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Anik Salas a reçu le Prix du public au nom des Réalisatrices Équitables.

Les sept autres finalistes du 36ᵉ Grand Prix étaient : Centre d’art daphne, Danse-Cité, Festival Accès Asie, La poésie partout, Le Monastère, Les Forges de Montréal, et Violette (Joe Jack et John). La cérémonie était animée par Marc Labrèche, en présence de la mairesse de Montréal, Valérie Plante, et du ministre du Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez.