Mardi et mercredi prochains se tiendra le rassemblement en ligne Montréal au sommet de la nuit, où convergeront décideurs, acteurs de l’économie nocturne et citoyens « afin d’imaginer le futur du vivre ensemble la nuit à Montréal ». Le sommet inédit, organisé en collaboration avec l’organisme Montréal 24/24 et l’entreprise Yulism, aidera la Ville à élaborer un « plan de match » post-COVID-19. La Presse s’est entretenue avec Luc Rabouin, maire de l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal et responsable du développement économique et commercial à la Ville de Montréal.

Le secteur de la nuit a énormément souffert de la crise de la COVID-19. Il semble néanmoins avoir été peu défendu et peu entendu dans la dernière année. Est-ce que l’idée de ce sommet vise à le remettre en valeur à l’approche de la relance ?

Absolument. Le travail en lien avec la vie nocturne fait partie de notre plan de relance depuis plusieurs mois, mais il y a une question de timing : ce n’était pas idéal d’en parler en pleine pandémie, avec des milliers de cas de COVID-19 par jour. Alors que les choses s’améliorent et à l’heure du déconfinement progressif, c’est un bon moment pour reparler des enjeux liés à la vie nocturne. Le sommet nous donnera une impulsion pour la relance.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Luc Rabouin, responsable du développement économique et commercial au sein du comité exécutif de la Ville de Montréal

Est-ce qu’il y a déjà des chantiers ou des politiques que la Ville compte mettre en œuvre pour que les oiseaux de nuit puissent reprendre leur envol ?

Déjà, on a annoncé un programme de 4 millions de dollars pour appuyer la relance des bars et des restaurants. On travaille aussi à l’élaboration d’un programme de soutien à l’insonorisation des salles alternatives. On va arriver avec un plan dans les prochaines semaines. Il s’agira d’une aide directe aux salles qui produisent de la culture émergente. Ce sont des mesures concrètes pour favoriser la cohabitation avec le voisinage. Ensuite, le sommet ainsi que toute la démarche de consultation et de mobilisation ces mois-ci vont aboutir sur des propositions. On va en débattre et bâtir une feuille de route pour la relance de la vie nocturne à Montréal.

Des acteurs du milieu plaident en faveur de certains assouplissements réglementaires, notamment pour la vente d’alcool après 3 h. Allez-vous étudier chacune des propositions ?

On est ouverts. On veut maintenir le positionnement de Montréal comme ville festive. La vie nocturne, ce n’est pas juste les bars, c’est aussi les activités culturelles, l’animation en soirée. On a aussi à cœur d’assurer une saine cohabitation entre les activités liées à la vie nocturne et le voisinage. Comme maire du Plateau-Mont-Royal, je suis dans un quartier dense où l’équilibre est fragile. Certaines zones de Montréal sont plus propices pour développer la vie nocturne, comme le centre-ville et certains secteurs industriels. On regarde différentes options.

L’organisme Montréal 24/24 milite en faveur d’une plus grande concertation des trois ordres de gouvernement dans l’élaboration des politiques nocturnes à Montréal. Est-ce que des efforts sont faits en ce sens ?

On est en communication régulière, et la pandémie a rapproché tous les paliers, ne serait-ce que pour élaborer des mesures d’urgence. Je pense que c’est à nous de prendre le leadership, d’identifier nos besoins, parce que l’on connaît la réalité de Montréal. Quand on va avoir un plan de match porté par la collectivité, pas juste par les acteurs de la nuit, pas juste par la Ville, mais par nous tous, on va être vraiment bien placés pour interpeller les autres paliers de gouvernement.

Montréal a nommé une commissaire au bruit ou à la vie nocturne, Déborah Delaunay, en juillet 2020. Quel est son rôle ?

C’est un poste de fonctionnaire qu’on a créé dans le cadre de la relance pour avoir une expertise à l’interne afin d’accompagner les différents partenaires du milieu de la nuit.

Comme en témoignent les invités de Montréal au sommet de la nuit, de nombreuses grandes villes internationales comptent sur un maire ou sur un ambassadeur de la nuit. Ne serait-ce pas une bonne idée pour Montréal ?

Faudrait-il avoir un poste public ? Ça risque de faire partie des recommandations qui vont émerger. On veut avoir un plan de match global. Avoir un maire ou un ambassadeur, ça change quoi ? Ça dépend s’il y a d’autres choses qui viennent avec. On se concentre sur l’ensemble, sur la feuille de route.

La cohabitation entre les acteurs de la nuit et les résidants est souvent houleuse. En 2010, par exemple, votre prédécesseur à la mairie du Plateau-Mont-Royal, Luc Ferrandez, a lancé le projet controversé NOISE afin de donner plus de pouvoir aux policiers pour agir contre le bruit. À Montréal, de nombreux bars et clubs ont fermé ou ont été fragilisés à la suite de plaintes et de contraventions. Comment fait-on pour trouver un juste équilibre entre la répression et la diversité culturelle, la politique du bruit et celle de la vie nocturne ?

C’est difficile. Le programme d’insonorisation des salles va aider, puisque c’est une façon concrète de réduire le bruit. Il y a d’autres pistes intéressantes, comme les Veilleurs, qui faisaient de la médiation le long du boulevard Saint-Laurent. Les gens se plaignent souvent des activités en dehors des salles, alors il faut faire de la sensibilisation quand des résidants habitent autour.

Les questions et les réponses ont été éditées par souci de clarté et de concision.