(Barcelone) L’écrivain catalan Victor Obiols ne traduira finalement pas la poétesse noire Amanda Gorman, vedette de l’investiture du président américain Joe Biden, à cause d’un « profil » inadéquat, un mois après un précédent aux Pays-Bas.

« On m’a dit que je ne convenais pas […]. Ils n’ont pas mis en doute mes capacités, mais ils cherchaient un profil différent, celui d’une femme, jeune, activiste, et de préférence noire », a expliqué mercredi M. Obiols à l’AFP.

Il y a un mois, Marieke Lucas Rijneveld, qui utilise le pronom non binaire « iel », avait renoncé à traduire en néerlandais Amanda Gorman, après un tollé autour du fait qu’un traducteur noir n’avait pas été choisi.

Traducteur de Shakespeare

Traducteur d’œuvres de William Shakespeare et Oscar Wilde, M. Obiols avait reçu il y a trois semaines une demande de la maison d’édition barcelonaise Univers, qui entendait publier en avril une édition bilingue anglais-catalan du poème « The Hill We Climb », avec une préface de la vedette de la télévision américaine Oprah Winfrey.

Une fois que la traduction a été réalisée, son éditeur a été informé des États-Unis qu’il n’était « pas la personne adéquate », raconte M. Obiols, qui ne sait pas si le refus est venu de l’éditeur de la version originale ou des agents de la jeune poétesse afro-américaine.

C’est un sujet très complexe qu’on ne peut pas traiter avec légèreté. Mais si je ne peux pas traduire une poétesse, car elle est une femme, jeune, noire, américaine du 21e siècle, alors je ne peux pas non plus traduire Homère parce que je ne suis pas un Grec du 8e siècle av. J. -C. ou je ne pourrais pas avoir traduit Shakespeare parce que je ne suis pas un Anglais du 16e siècle.

L’écrivain catalan Victor Obiols

L’AFP n’a pu obtenir de réaction d’Univers qui, selon M. Obiols, s’est engagé à le payer pour le travail réalisé.

Amanda Gorman, 22 ans, est devenue une célébrité internationale après avoir récité, le 20 janvier lors de l’investiture du président américain Joe Biden, son œuvre « The Hill We Climb », un poème inspiré par l’attaque du Capitole américain et dans lequel elle déclare que la démocratie « ne peut jamais être vaincue définitivement ».

La traduction française de l’œuvre d’Amanda Gorman est réalisée par la chanteuse belgo-congolaise Marie-Pierra Kakoma, qui porte le nom de scène Lous and the Yakuza.