Lundi midi, autour d'une pizza, nous étions plusieurs femmes à discuter de l'annonce de la Ligue canadienne de hockey féminin (LCHF), publiée la veille par voie de communiqué.

Provenant de différents milieux et de différentes générations, nous avons toutes ressenti l'onde de choc de cette triste réalité maintenant largement partagée dans nos réseaux respectifs. Un sentiment d'impuissance régnait parmi nous ou un certain mélange d'incompréhension couplé de stupéfaction ; allez savoir !

À compter du 1er mai, après 12 ans d'existence, la LCHF mettra fin à ses opérations. Un circuit américain aimerait procéder à une expansion au Canada, mais rien n'est joué.

Depuis les derniers mois, Johanne Coulombe, 62 ans, me partageait souvent combien elle aimait aller voir les Canadiennes jouer. Elle avait même organisé son plus récent anniversaire au match contre le Thunder de Markham, à la Place Bell de Laval. Chaque fois qu'elle me parlait du hockey féminin, elle avait des étoiles dans les yeux. Ce midi-là, c'était différent. On aurait dit que nous étions en deuil.

Je n'ai jamais été une grande fan de hockey. J'ai pratiqué plusieurs sports lorsque j'étais au secondaire, mais le hockey n'était pas vraiment accessible comme le soccer ou le basketball. Une question de coûts et, aussi, de stéréotypes. J'ai regardé quelques matchs importants, c'est certain, surtout les séries, comme bien des gens. Mais comme ça n'arrive pas si souvent que ça, disons que ça n'a pas captivé mon attention très longtemps. Cela dit, avec mon travail et mon implication pour donner plus de visibilité aux femmes, j'ai connu les Canadiennes (anciennement les Stars de Montréal) à l'époque où Charline Labonté a fait son coming-out public. Elle devenait une inspiration pour les jeunes et, en même temps, une fierté pour moi. Je suis ensuite tombée en amour avec cette culture, cette communauté, cet esprit de performance et de #girlpower. Elles représentaient un avenir nouveau, une force positive qui amenait de la diversité aux modèles que l'on propose aux jeunes filles tous les jours dans la culture populaire.

Puis dimanche dernier, l'annonce est apparue sur mon fil d'actualités Facebook.

« Je ne sais pas par où commencer... »

C'est ce que j'ai écrit en partageant la nouvelle.

Il est rare que je critique sur les réseaux sociaux, je suis plutôt une adepte de la pensée positive. Mais dans ce cas-ci, j'ai eu le sentiment d'une autre claque au visage pour les femmes qui travaillent à tenter de changer les choses.

Et c'est ce que nous avons constaté en groupe ce midi-là, un épuisement à entendre ces trop nombreuses nouvelles qui découragent les militantes féministes jour après jour.

En plus, pour ajouter à l'effet de surprise, on se réjouissait justement cette saison des foules records, de la visibilité grandissante dans les médias et des nouvelles joueuses venues de l'étranger pratiquer le sport de leurs rêves dans une ligue professionnelle. Tout le monde me parlait des Canadiennes et, souvent, des gens qui ne m'avaient jamais parlé de hockey avant. Je sentais un changement, une évolution. Et surtout, les Canadiennes gagnaient. Pas toujours, mais la plupart du temps. Les matchs étaient beaux à voir.

Autant de talent (mentionnons ici les nombreuses médailles olympiques) et de persévérance, saison après saison, jeu après jeu, avec des récompenses qui ne sont pas valorisées par le grand public. En 2017, j'ai eu la chance de tenir la Coupe Clarkson (le trophée remis à l'équipe championne de la ligue) dans mes mains lors d'une soirée organisée avec les Canadiennes. J'avais l'impression de tenir la Coupe Stanley. Passer une soirée avec elles était tellement inspirant, je ne comprenais pas pourquoi Montréal tout entier ne célébrait pas avec nous ce soir-là. Pourquoi les joueuses devaient-elles pratiquement payer pour jouer ? Pourquoi une joueuse comme Marie-Philip Poulin ne croulait-elle pas davantage sous les offres de commandite ? Pourquoi les matchs avaient-ils lieu dans des arénas de quartier ou au centre d'entraînement de l'équipe du sexe opposé ?

L'argent, malheureusement.

Il y a donc maintenant une occasion en or pour faire un examen de conscience collectif. Je vois une occasion pour certaines entreprises d'ici d'investir dans notre sport national et de bâtir notre écosystème sportif féminin. Si le tout est bien ficelé, les retombées seront au rendez-vous.

Les arénas étaient pleins depuis plusieurs saisons, les Canadiennes gagnaient la grande majorité de leurs matchs et « faisaient » les séries. Elles sont de vraies « stars » pour les jeunes (et les moins jeunes) et changent, par leur volonté, les modèles que l'on propose et que l'on met de l'avant tous les jours dans notre société.