Quand La Presse a rencontré Kim Thúy chez Marie-Annick Viatour et Gaétan Berthiaume à Longueuil en décembre 2014, l'écrivaine avait été émerveillée en découvrant l'ébauche de la première sculpture-jouet que le duo d'artistes avait réalisée en s'inspirant de son livre Ru. Un an et demi plus tard, elle a découvert avec émotion les 15 oeuvres qui reprennent des scènes de son livre de souvenirs.

Ru est un livre émouvant. Il parle d'une petite fille qui a fui la guerre et la misère, a connu les dangers de quitter son pays sur un rafiot et a vécu dans un camp de réfugiés avant d'atterrir, soulagée, au Québec. On ne parle pas ici d'un enfant syrien en 2016 mais bien de Kim Thúy, arrivée au Canada le 27 mars 1978... après avoir quitté son Viêtnam natal. Comme quoi, 38 ans plus tard, les drames n'ont guère changé.

Marie-Annick Viatour et Gaétan Berthiaume étaient prédestinés pour sculpter la vie de Kim Thúy. D'abord parce que la jeune Marie-Annick avait fêté ses 14 ans le jour même de l'arrivée de Kim Thúy au Canada. Et puis, parce que le duo habite à quelques maisons de l'écrivaine. Ils se sont rencontrés en 2013 quand elle avait ouvert grand sa porte pour accueillir ses voisins chez elle afin de « rendre ce qu'elle avait reçu ». 

L'EXPO À LONGUEUIL

Après un an et demi de travail, Viatour-Berthiaume expose donc 15 sculptures fascinantes autant pour les enfants que pour les plus grands, amateurs d'histoire et d'art. On retrouve le visage de Mme Thúy dans chaque expression des personnages et une page de sa vie dans chaque morceau de bois sculpté.

Les sept premières sculptures abordent son passé asiatique. Les huit autres racontent sa vie ici.

Photo Gaétan Berthiaume, fournie par Viatour-Berthiaume

Sous l'écorce des mots...

Les pièces expriment parfois de dures réalités telles que la condition des réfugiés. Mais les deux sculpteurs évoquent les douleurs sans brusquer. C'est le cas de la pièce Le dernier regard qui parle de l'arrivée de Kim Thúy dans un camp de réfugiés. La pièce pourrait être tragique. Le duo parvient à parler du dénuement de ces hommes, de ces femmes et de ces enfants sans que ce soit trop lourd. Du coup, leurs oeuvres-jouets sont accessibles à tous.

L'expo présente également un film de 28 minutes de Louis-Roland Leduc sur les réactions de Kim Thúy lorsqu'elle découvre, pour la première fois, les 15 sculptures.

La commissaire de l'exposition, Mylène Blanchet, présente une rétrospective de la carrière de Viatour-Berthiaume et les photos qui leur ont servi de documentation pour créer leurs oeuvres. Ayant souhaité que l'expo ait un prolongement social, la Maison de la culture organise également des activités gratuites en parallèle. Ainsi, elle exposera, du 11 au 19 juin, les oeuvres réalisées ces derniers mois par des élèves de l'école secondaire Saint-Jean-Baptiste de Longueuil en s'inspirant de leur lecture de Ru. Des ateliers d'art parents-enfants sont aussi organisés cet été en lien avec l'exposition. Ils auront lieu les dimanches 12 juin, 7 août et 4 septembre, et le samedi 6 août, entre 13 h et 15 h.

Le duo Viatour-Berthiaume viendra parler de ses passions artistiques avec le public le mercredi 15 juin, à 19 h. Enfin, Kim Thúy lira des extraits de Ru et discutera avec ses lecteurs le mardi 28 juin, à 19 h.

Dans quelques mois, les deux artistes s'attelleront à un nouveau projet : refléter l'univers... de Boucar Diouf. « On s'est aperçus qu'on parle toujours d'identité à travers nos oeuvres, dit Marie-Annick Viatour. Et pour Boucar Diouf, c'est un sujet important chez cet artiste, humoriste, animateur et scientifique arrivé au Québec il y a 25 ans alors qu'il avait 25 ans. » Et ça tombe bien, il habite lui aussi dans leur quartier, où coule décidément un véritable ru d'artistes !

Sous l'écorce des mots de Kim Thúy, de Viatour-Berthiaume, à la Maison de la culture de Longueuil (300, rue Saint-Charles Ouest), jusqu'au 5 septembre

Photo Gaétan Berthiaume, fournie par Viatour-Berthiaume

Le poids de la naissance