Les entreprises culturelles dénoncent le premier budget du ministre québécois des Finances Carlos Leitao, qui prévoit une réduction uniforme de 20% des crédits d'impôt. Dans le milieu culturel, l'impact négatif total sera de 85 millions de dollars d'ici les trois prochaines années, soit plus du quart du montant de 370 millions que le gouvernement entend économiser avec cette mesure.

Cela signifie moins de livres, de CD et de films, en plus de possibles pertes d'emplois, prédisent les associations de producteurs et d'éditeurs.

Les mesures annoncées mercredi par le ministre Leitao représentent des économies de près de 75 millions en trois ans pour le Trésor québécois dans le seul domaine de la télévision et du cinéma. L'impact se fera sentir autant sur les salaires que sur l'ensemble des dépenses du secteur.

«On comprend l'état des finances publiques, mais ce sera très dommageable en cinéma et en télévision, souligne le producteur Pierre Even. Dans les prochains jours, il y aura déjà des annonces de suppressions de postes.»

Le producteur de Café de Flore et de Rebelle rappelle que les dernières compressions dans les crédits d'impôt, il y a 10 ans, avaient été annulées après les représentations faites par les mandataires du milieu culturel.

«Il faut comprendre, explique-t-il, que les crédits d'impôt sont très payants dans notre domaine. Ça crée des emplois et de l'activité économique. La SODEC ne pourra plus financer autant de films, sans parler des tournages qu'on risque de perdre avec cette mesure discriminatoire pour la culture québécoise.»

Musique

D'ici l'exercice financier 2016-2017, l'industrie du disque et du spectacle subira, quant à elle, des pertes de plus de 5 millions de dollars et l'édition de livres, de 3,3 millions avec la réduction de 20% des crédits d'impôt dans ces domaines respectifs.

«Ce serait une catastrophe, lance la directrice générale de l'ADISQ, Solange Drouin. Comment peut-on mettre sur un même pied les industries culturelles et les secteurs de la finance ou de l'aluminium?»

Même si cette association se réjouit des engagements du gouvernement libéral envers les tournées et le numérique, l'ADISQ fourbit déjà ses armes en vue de la Commission d'examen sur la fiscalité québécoise.

«On aurait dû nous consulter avant, ajoute Mme Drouin. Cette mesure du 20% nous a complètement pris par surprise.»

Du côté de l'Association nationale des éditeurs de livres (ANEL), la réduction du crédit d'impôt appliquée à l'édition de livres se traduira par une perte financière et une réduction du nombre de parutions, sans compter d'éventuelles pertes d'emplois.

«En appliquant sans aucun discernement une réduction systématique de 20% sur les crédits d'impôt visant les entreprises, le gouvernement ne tient nullement compte des difficultés que vivent certains secteurs, notamment la culture et particulièrement le livre», a fait savoir le président de l'ANEL, Jean-François Bouchard.

L'ANEL croit qu'avec un fléchissement du marché, la fermeture de librairies et autres points de vente, et une concurrence féroce du livre étranger en français et en anglais, ce geste du gouvernement menace d'accélérer la fragilisation de l'édition au Québec.

Culture Montréal

Même si le budget de dépenses du ministère de la Culture a légèrement augmenté de 3,3 millions de dollars par rapport à l'an dernier, l'organisme Culture Montréal qualifie aussi de «très préoccupante» la réduction de 20% de l'aide fiscale accordée aux entreprises.

Le nouveau président Gaétan Morency appelle à une mobilisation du milieu «pour faire en sorte que le gouvernement revoie sa décision afin de pouvoir continuer à accompagner adéquatement le développement et le rayonnement de la culture québécoise».

Dès mercredi, le maire de Montréal Denis Coderre s'était déclaré «déçu» de la réduction de 20% des crédits d'impôt pour le cinéma et le multimédia.

«C'est sûr que ça va toucher Montréal. Je vais demander au ministre ce que cela veut dire parce qu'on a un centre d'excellence à Montréal», a-t-il indiqué.