Nos journalistes ont pris des nouvelles des sept artistes de la relève qu'ils suivent pendant un an. Ils nous racontent leur mois de janvier...

SARAH BOURDON : La touche finale en plus du reste

Il ne reste que quatre pistes de voix et ça y est: le nouvel album de Sarah Bourdon sera prêt pour l'étape ultime du matriçage.

La fin d'un projet est souvent l'étape la plus difficile. Tout avance à pas de tortue, surtout lorsqu'il y a eu une longue pause pour le congé des Fêtes.

«Comme il ne reste qu'une chose à faire et que ça ne concerne que moi, on dirait que ça me met une pression psychologique», explique Sarah, auteure-compositrice-interprète qui se distingue par la force de sa voix. «Autant ça va vite au début, autant, à la fin, c'est du cheveu par cheveu. À un moment donné, on n'entend plus rien.»

La semaine dernière, le bassiste Gabriel Gratton et Adèle Trottier-Rivard (qui accompagne Louis-Jean Cormier en tournée) ont enregistré des harmonies vocales pour elle. «Adèle est une perle. Je comprends que Louis-Jean soit allé la chercher.»

Le temps presse. Sarah a repris le chemin de la tournée en première partie et aux côtés de Yann Perreau (au théâtre Outremont le 1er février), alors que son réalisateur Guillaume Chartrain poursuit sa tournée à la basse avec Louis-Jean Cormier. «Nous avons une grosse journée en studio le 28. Je me couche tôt, mais la voix, c'est toujours difficile de prévoir comment ça va aller. L'hiver, c'est dur.»

Guillaume a heureusement fait le mixage de l'album au fur et à mesure de sa création, lui qui a aussi enregistré des chansons avec le groupe Garoche ta sacoche et la chanteuse Amylie, en plus de s'occuper de son propre duo Navert.

De son côté, Sarah a accompagné Yann Perreau à Toronto pour enregistrer des prestations pour deux émissions de la chaîne franco-ontarienne TFO. «Je ne suis pas habituée de jouer du ukulélé. J'ai dû apprendre quatre chansons, car je voulais voyager léger.»

Fin de l'année oblige, la travailleuse autonome a dû mettre à jour sa paperasse. «Ceux qui pensent que les musiciens se lèvent tard tous les matins ont tort», lance Sarah.

Prochaine étape: le matriçage et la conception de la pochette pour que son album, produit par Audiogram, sorte au printemps comme prévu. - Émilie Côté



Photo: Ulysse Lemerise, collaboration spéciale La Presse

Sarah Bourdon

DANIEL CLARKE BOUCHARD : Le pianiste sur patins

Quand il gardait, jusqu'à l'an dernier, les buts des Red Wings de Saint-Lambert, équipe pee-wee A, Daniel Clarke Bouchard n'a jamais craint de se blesser à une main. Le pianiste en lui s'oubliait complètement dès qu'il revêtait son uniforme et se lançait dans le feu de l'action.

Quand même, il devait bien se méfier un petit peu des coups de bâton? «Non, pas vraiment. J'ai subi deux commotions cérébrales, mais je n'ai jamais eu peur de jouer au hockey.»

Si Daniel-le-gardien a pris sa retraite aussi jeune, c'est qu'avec l'école, le Conservatoire de musique, les deux heures quotidiennes de piano, les concerts et tout le reste, il ne lui restait plus beaucoup de temps pour arrêter des rondelles.

Pour lui faire plaisir à l'occasion de son 14e anniversaire de naissance, plus tôt ce mois-ci, sa maman Valerie l'a inscrit à la formation de hockey de Mario Gosselin, aux 4 Glaces de Brossard. Daniel n'en était pas à sa première participation à la formation de l'ancien gardien des Nordiques, mais il n'avait pas revêtu son équipement de hockey depuis au moins trois mois ni chaussé les patins depuis un bon mois.

Le hockey ne lui manque pas vraiment, dit-il pourtant. S'il y jouait, c'était davantage pour garder la forme que pour s'aérer l'esprit, constamment sollicité par la musique. N'empêche, il aime bien regarder le Canadien à la télé et il suivrait de près les matchs du tournoi olympique de Sotchi en février s'ils ne coïncidaient pas avec la période d'examens à l'école.

Et il y a également l'expo-sciences qui compte sur sa contribution même s'il ne pourra y exhiber la fusée qu'il avait l'intention de créer et qui lui sera sans doute utile le jour où il ira jouer du piano sur la Lune.

Janvier aura été un mois de répit pour le jeune concertiste. En février, il aura rendez-vous avec le public pour le concert de la série Les Mélodînes de Pro Musica, à la salle Claude-Léveillée de la Place des Arts, le jeudi 20 à 12h10.

Peut-être lui restera-t-il un peu de temps pour rafraîchir le site web qu'il vient tout juste de lancer (danielclarkebouchard.com). - Alain de Repentigny



XAVIER HUARD : Un court métrage pour La Presse

Pour le premier mois de l'année, La Presse a lancé un défi à Xavier Huard: écrire et jouer dans un court métrage. Il a accepté la proposition avec plaisir: «J'adore cette idée! C'est une carte blanche. On me donne les moyens et on me dit de créer.»

Avec David Béland, il a donc écrit Ballounes, un sympathique court métrage sur un homme qui, après être entré sans crier gare dans l'appartement d'un couple, se retrouve au centre d'une querelle.

«Nous voulions créer un quiproquo entre trois personnages, puisque c'est un sujet riche et simple à aborder», explique le coscénariste David Béland.

Après avoir travaillé quelques jours sur le scénario, Xavier Huard a fait appel à deux amis comédiens, Vincent Fafard (Roméo et Juliette) et Anne-Élisabeth Bossé (Série noireLes amours imaginaires). «Je trouve que le scénario est très drôle, dit la comédienne. Nous retrouvons les règles classiques du quiproquo avec une twist moderne.»

L'équipe de La Presse et les comédiens ont tourné le court métrage en une journée dans un appartement de Montréal.

Après deux jours de montage, le monteur et le réalisateur de La Presse (Maxime Bélisle et Stephan Doe) ont montré le résultat à Xavier: «Je suis vraiment impressionné par la qualité des plans, de l'image et par la justesse de mes partenaires. Ça crée toujours un drôle de sentiment de se voir à l'écran; je ne peux pas dire que je suis habitué à me voir jouer, mais je pense que nous pouvons être fiers du résultat.»

Le court métrage Ballounes est présenté en primeur sur La Presse+ et sera en ligne dans quelques jours sur lapresse.ca - Véronique Lauzon

JIMMY GONZALEZ : Un prince à New York

Après plusieurs mois de répétitions, à Montréal et à New York, on peut enfin apprécier la performance de Jimmy Gonzalez avec Les 7 doigts de la main. Depuis le 31 décembre dernier, le jongleur montréalais est l'un des 16 artistes de cirque que l'on peut voir dans le nouveau spectacle Queen of the Night, à l'affiche du cabaret The Diamond Horseshoe, niché dans le sous-sol de l'hôtel Paramount à New York.

C'est lui qui fait le tout premier numéro du cabaret. Debout sur une table placée à une extrémité de la salle, il danse tout en jonglant avec de l'argile, qu'il découpe en autant de morceaux qu'il le veut.

Mais Jimmy Gonzalez ne se limite pas à ça. En plus de se prêter à des chorégraphies de groupe, il multiplie les rencontres individuelles avec le public. C'est sans doute l'aspect le plus original du spectacle produit par l'Américain Randy Weiner. Ces rencontres avec des spectateurs pris à partie permettent de créer des liens entre les artistes et le public, mais aussi entre les spectateurs.

«Je peux prendre quelqu'un par la main et l'emmener dans la cuisine, où je lui offre de la nourriture. Parallèlement à ça, un collègue offre une bouteille de champagne à un autre invité et on laisse les deux spectateurs dans une salle...»

Surprendre et déstabiliser le spectateur: c'est tout le défi de ce cabaret sexy, qui est en train de créer un véritable buzz à New York.

«On fait en sorte que le spectateur se sente privilégié. Dans un de mes tête-à-tête, je prends un spectateur par la main, je l'emmène dans une pièce et je fais des figures d'équilibre audessus de lui. Ou encore un numéro de jonglerie.»

Du cirque pour une personne dans le zoo urbain de New York. Beau contraste. - Jean Siag

JULIE TRUDEL : L'art de se renouveler

Il y a des peintres qui peignent toujours le même tableau, avec des variantes, bien sûr, mais sans rien inventer de plus. Et puis, il y a des peintres qui se renouvellent constamment au gré des saisons et des expositions. C'est le cas de Julie Trudel, dont c'était le deuxième vernissage en deux mois, cette semaine, à la maison de la culture de Notre-Dame-de-Grâce, dans l'ouest de la ville.

Dehors, la nuit était noire, froide et hostile. Elle donnait envie de se précipiter chez soi, pas de courir les expos. Pourtant, il y avait du monde au vernissage de Julie, et pas n'importe qui: ses parents, évidemment, encore plus fiers de leur fille depuis que des amis de Québec leur ont appris que cinq de ses tableaux sont exposés au restaurant du Musée des beaux-arts de Québec; ses amis, le peintre et photographe Martin Désilets, l'artiste engagée Dominique Blain ou encore Marie-Eve Beaulieu, qui vient de gagner le prix Simon-Blais pour la relève en arts; mais surtout, il y avait, plantées devant les tableaux noir et blanc de Julie dont les pigments symétriques dansaient dans leurs cadres, deux éminences grises du monde des arts: la peintre abstraite canadienne Landon Mackenzie, qui s'occupe du prix Joseph Plaskett que Julie a remporté cette année, et Louise Déry, directrice de la galerie de l'UQAM, une femme au goût sûr qui a lancé bien des carrières.

Elle était venue à la fois pour Julie et pour Françoise Sullivan et Mario Côté, dont c'était le vernissage à l'étage inférieur. Tous, y compris le collectionneur qui suit Julie depuis ses débuts, se sont entendus ce soir-là pour dire qu'elle avait une belle maîtrise de son art et que sa grande force était de ne jamais avoir peur de se renouveler. Autant dire que Julie commence bien l'année. - Nathalie Petrowski

Photo: Ulysse Lemerise, collaboration spéciale La Presse

Julie Trudel

KIM DESPATIS : Acteurs solidaires

Il existe une belle et merveilleuse chose au sein du milieu théâtral: c'est l'entraide qui unit ces jeunes artisans qui font leurs premiers pas dans le métier. Un métier pourtant vu comme compétitif.

«Depuis ma sortie de l'École nationale, je constate chaque jour à quel point les liens entre les finissants sont forts, peu importe leur programme d'études ou leur année de promotion, dit Kim Despatis. Très tôt, on nous a appris qu'un acteur n'est pas tout seul au monde.

Le théâtre est un travail d'équipe. Sans la collaboration des costumiers, des maquilleurs ou des techniciens, il n'y a tout simplement pas de spectacle ni de film.»

Ce mois-ci, Kim Despatis a déniché un rôle dans un théâtre d'été. Or, ce n'est pas un producteur qui le lui a offert mais plutôt la comédienne Jade Bruneau, elle-même finissante en interprétation de l'École nationale (2013). La pièce a pour titre Pour le meilleur.

Elle est signée Louis-Charles Sylvestre, diplômé en interprétation de l'École de théâtre du cégep de Saint-Hyacinthe (2008). Elle sera produite par le Théâtre de L'oeil ouvert et présentée au café culturel de la Chasse-galerie, à Lavaltrie, du 3 juillet au 3 août.

Il y a, comme ça, plusieurs exemples de jeunes acteurs et actrices qui mettent la main à la pâte, fondent de petites compagnies, font la mise en scène et s'occupent de tous les aspects d'une production. Avec de maigres moyens, voire à titre bénévole, ils engagent des interprètes et des concepteurs qui prennent de l'expérience. Ils demeurent proactifs.

N'y a-t-il pas un peu de compétition dans ce milieu où l'on est jugé constamment? «Je n'ai jamais ressenti de compétition entre nous, répond Kim Despatis. Je vis peut-être la tête dans le sable, mais, depuis que j'exerce ce métier, je vois surtout de l'entraide, de la solidarité et de la générosité.»

Avec une attitude aussi positive, on comprend pourquoi la jeune actrice ne chôme pas. - Luc Boulanger

Photo: Ulysse Lemerise, collaboration spéciale La Presse

Kim Despatis

ÉRIC MORIN : Cité d'or

Le film s'intitule Gold. C'est l'histoire d'une musicienne de 27 ans qui a quitté son Abitibi natale pour faire carrière dans un groupe rock de réputation internationale et qui rentre au bercail après des séjours en Europe et aux États-Unis. Elle y retrouve deux amis musiciens qui, eux, ont choisi de rester en Abitibi.

Éric Morin écrit actuellement le scénario de son deuxième long métrage. «Je vis un peu l'angoisse de l'écriture, dit-il. Tout est dans ma tête, structuré, mais il faut que ça sorte!» D'ici une semaine, le cinéaste de Chasse au Godard d'Abbittibbi souhaite avoir terminé une première version de ce script, attendu par des lecteurs avisés.

«C'est un film contemporain sur mon amour de la musique rock indépendante, dont l'esthétique est plus proche des années 90. Mais il ne traite pas que de ça. Il y a des trames parallèles. C'est un film campé dans une ville minière du Nord-du-Québec, mettant en scène des personnages qui travaillent le jour et jouent dans un groupe le soir, comme un exutoire.»

Son plus grand défi afin de rendre justice à ce film musical sera de trouver de bons acteurs qui sont aussi de bons musiciens, dit-il. Éric Morin a fait partie dans les années 90 du groupe rock indépendant Gwenwed avec Philippe B, qui composera la trame sonore du film (inspirée elle aussi par les années 80 et 90, de Joy Division à Nirvana).

Gold sera davantage une transposition qu'un film autobiographique, précise-t-il. «Je puise dans des anecdotes liées à l'expérience d'être dans un groupe. La création, les spectacles, les chicanes. C'est plus de la projection. C'est dans la lignée de mon premier film, sans en être la suite. Je revisite un thème qui me hante: partir ou rester.» - Marc Cassivi

PHOTO ULYSSE LEMERISE, COLLABORATION SPÉCIALE LA PRESSE

Eric Morin