La fête de l'Autre Saint-Jean s'est déroulée dans le calme, hier soir, au parc Pélican du quartier Rosemont. Des manifestants indépendantistes se sont fait entendre au début de la soirée, mais rien n'est venu nuire au spectacle, qui a attiré au moins entre 7000 et 8000 personnes. Un grand succès, ont conclu les organisateurs.

Pour présenter Malajube, la tête d'affiche de la soirée, le chanteur des Dales Hawerchuk a souligné que c'était un groupe québécois «qui jouait en français» partout dans le monde. Samedi dernier, Malajube se produisait à Vancouver. Ce soir, c'est à Edmonton. Demain, à Calgary.  

Le spectacle de l'Autre Saint-Jean a beaucoup fait parler de lui la semaine dernière, car les organisateurs ont invité deux formations anglophones montréalaises. Après avoir été exclus du spectacle, Lake of Stew et Bloodshot Bill ont été réintégrés à la programmation, ce qui a suscité la grogne de certains militants indépendantistes.

 

Certains s'étaient donné rendez-vous au spectacle pour manifester. Comme ils l'avaient annoncé sur différents forums de discussion, les militants présents n'ont pas commis de gestes violents, mais ils ont fait beaucoup de bruit lors de la prestation de Lake of Stew, qui ouvrait le spectacle. Certains jouaient du tambour ou sifflaient dans des trompettes, alors que d'autres criaient : «En français»

 

Plusieurs discussions animées ont eu lieu entre les policiers et les militants qui entraient sur le site avant le spectacle. Avant que les gardes de sécurité et les policiers ne changent d'avis, un homme s'est fait refuser d'entrer sur le site avec son drapeau à l'effigie de patriotes. «Vous cherchez le trouble les amis. Il y a personne qui va me l'enlever.»

«Ce n'est pas de la haine envers les anglos. Mais aujourd'hui, c'est la Saint-Jean», a expliqué à La Presse Christian Bergeron, un autre militant présent. Cinq minutes plus tard, l'homme était devant la scène, faisant des doigts d'honneur aux membres de Lake of Stew.

Bon joueur, le groupe a remercié chaleureusement la foule entre les chansons, s'exprimant en français. «Merci, nous sommes le lac de ragoût», a dit le chanteur, traduisant le nom de son groupe.

Les cris de protestation ont cessé dès que Lake of Stew a interprété la pièce Harmonie du soir à Châteauguay de Beau Dommage.

Imposantes mesures de sécurité

À suivi la charmante prestation de la talentueuse Marie-Pierre Arthur, et celle du chanteur rockabilly Bloodshot Bill. Cette fois-ci, les militants ont été plutôt discrets durant la prestation du deuxième et dernier artiste anglophone à l'affiche.

Le Service de police de Montréal (SPVM) avait mis en place un service d'ordre comme il le fait pour tout grand rassemblement populaire. «On ne prend pas de chance, on va être sur place», avait indiqué hier après-midi à La Presse> le porte-parole Ian Lafrenière. «Ça se passe très bien avec les organisateurs», avait-t-il souligné.

Des dizaines et des dizaines de policiers étaient sur les lieux, que ce soit à pied, à voiture ou à cheval. Une équipe de sécurité était également sur place. Mais ce qui devait être possiblement un événement public agité a plutôt été simplement un spectacle rock de grande qualité, qui a rassemblé plus de gens que prévu, dans une ambiance festive et pacifique.

«Ça dépasse nos attentes, a déclaré Jules Hébert, le porte-parole de l'Autre Saint-Jean. Nous sommes vraiment contents. Les gens qui voulaient s'exprimer, cela s'est fait de façon ordonnée.»

Les spectateurs ont eu droit à de la bonne musique, mais aussi à une soirée d'été au temps parfait. Le député du Bloc québécois Bernard Bigras a fait un discours, de même que Louise Beaudoin, du Parti québécois. Tous deux représentent le quartier Rosemont. «Je pense que la fête doit être essentiellement en français, mais il peut y avoir des clins d'oeil à d'autre langues», a dit Mme Beaudoin à La Presse..

«La fête de ce soir doit refléter les valeurs que nous sommes. Elle doit être rassembleuse, festive», a déclaré de son côté à la foule André Lavallée, maire de l'arrondissement.

Spectacle rock de grande qualité

Après les discours des élus, c'est Vincent Vallières qui est monté sur scène. Il a longtemps habité un appartement du quartier, a-t-il expliqué à la foule, d'où plusieurs de ses chansons sont nées. Le public a eu droit à Tom, Café Lézard, Et le temps passe, Manu, Ok on part et même à sa nouvelle chanson, En attendant le soleil.

Les Dales Hawerchuk ont suivi avec leur énergie et leur rock brut, laissant la place à Malajube, qui avait l'honneur de clore la soirée. «C'est notre première Saint-Jean à Montréal», a souligné le claviériste Thomas Augustin.

Le quatuor a fait plaisir à ses fans de la première heure, en lançant le bal avec La maladie. Malajube a bien entendu joué plusieurs pièces de son dernier album, Labyrinthes, dont Ursuline, Porté disparu et 333. Sans compter les incontournables de son prédécesseur, Trompe-l'oeil, soit Montréal -40, La monogamie, Pâte filo et Étienne d'août.

À en croire l'animateur de la soirée, MC Gilles, «nous avons vécu un moment historique». «Nous sommes tous des Québécois peu importe la langue dans laquelle on chante», a-t-il déclaré aux milliers de spectateurs qui ont rempli le parc Pélican, un excellent endroit pour des concerts, soit dit en passant.

Maintenant, est-ce que l'Autre Saint-Jean aura une deuxième édition? Les organisateurs y pensaient déjà hier.