Quand un article a révélé en 2018 que Stéphane Le Bouyonnec était actionnaire d’une entreprise de prêts à hauts taux d’intérêt, François Legault a assuré que son président et candidat dans La Prairie s’apprêtait à vendre toutes ses parts.

Dans les faits, il a mis trois ans avant de « céder » ses actions de Finabanx. Aujourd’hui, Stéphane Le Bouyonnec conserve toujours un intérêt dans l’entreprise, admet-il en entrevue avec La Presse.

« J’ai tout simplement cédé tout ça pour 1 $ et si – pour des considérations futures, disons ça comme ça – il y a éventuellement de l’argent qui revient, bien là, j’aurais un retour », dit-il.

Stéphane Le Bouyonnec espère encore revoir la couleur de son argent, même s’il dit considérer l’avoir perdu. « Honnêtement, j’aimerais ravoir ce que j’ai mis, la valeur nominale de mes actions. » Il dit avoir investi 500 000 $ dans l’entreprise.

Il a transféré ces actions à Frédérique Peter Boucher, qui intente avec les autres actionnaires minoritaires un recours contre les fondateurs de Finabanx. Dans une déclaration sous serment déposée dans le cadre du litige, Stéphane Le Bouyonnec le qualifie d’« ex-collègue brillantissime », qu’il avait fait embaucher dans l’entreprise en tant que chef de la direction financière.

Toujours lié, disent des éthiciens

À l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal, l’éthicien Michel Séguin croit que « ce type d’entente ne tient pas la route ». « Il garde un lien avec l’entreprise, c’est évident », dit-il.

Si l’entreprise se redresse et qu’il devient possible de vendre les actions à profit, la situation profitera directement au sous-ministre, note-t-il.

Même point de vue chez François Dauphin, PDG de l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques. « Il semble subsister un lien, puisqu’il y a un potentiel d’appréciation et un lien contractuel avec l’acheteur. »

Stéphane Le Bouyonnec risque peu de se retrouver en conflit d’intérêts, puisque Finabanx ne conclura pas de contrat avec le gouvernement. Mais l’entreprise fait dans le prêt à hauts taux d’intérêt, une activité permise au Canada anglais, mais interdite au Québec parce qu’elle est considérée comme immorale.

C’est ce qu’on appelle une association toxique. On se retrouve avec un lien d’affaires qui n’est pas acceptable pour un représentant de l’État.

L’éthicien Michel Séguin, de l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal

En interrogatoire hors cour, Stéphane Le Bouyonnec a d’ailleurs affirmé avoir vendu ses actions en vertu de ses « obligations avant de joindre le gouvernement », en vertu d’un « code d’éthique très strict ».

« Problème communicationnel »

La Presse a demandé à Stéphane Le Bouyonnec si son entente avec le détenteur de ses anciennes actions ne liait pas son sort financier à celui de l’entreprise et du recours contre les fondateurs.

« Bof, je ne dirais pas ça comme ça, là… Au niveau des dates et du délai… non. »

Il croit néanmoins qu’il devra répondre à des questions à ce sujet.

« Au niveau de l’éthique, moi, je suis sorti, dit-il. Évidemment, au niveau communicationnel, ça pose problème, parce que de te retrouver en témoignage en cour, éventuellement oui. Ce sera aux autorités de juger de la situation. C’est ça, le problème : il n’y a rien qui empêche qui que ce soit d’entraîner ou de faire témoigner quelqu’un pour des évènements passés. »