Que ce soit à Montréal ou ailleurs au Québec, le rôle des technologies de l'information et des communications (TIC) pour contrer les effets d'un ralentissement de l'économie américaine est plus grand qu'on pense. Car si, en région, le réseau internet permet de sauver des emplois, à Montréal, il pourrait en créer davantage.

Une mesure plutôt discrète du dernier budget provincial octroyait 20 millions de dollars au branchement à l'internet des villages et des régions qui ne l'étaient pas encore. Un branchement sans fil, plus précisément.

Si cette mesure est passée plutôt inaperçue, c'est que son importance n'est pas bien comprise, estime Robert Proulx, président de Xittel, une entreprise de Trois-Rivières qui branche écoles et municipalités au grand réseau depuis le tournant du millénaire.

«Dans certaines régions, les entreprises doivent déménager parce qu'elles ne peuvent pas échanger leur bon vieux télécopieur pour un accès rapide à l'internet, dit-il. Beaucoup de petites villes ont perdu des entreprises à cause de cela."

L'entrepreneur trifluvien cite en exemple le cas d'une PME d'Arundel, pas loin de Mont-Tremblant. Son principal client, la société General Motors, exigeait de pouvoir lui envoyer des bons de commande électroniques par l'internet. Incapable de recevoir ces bons, l'entreprise a dû déménager.

À l'opposé, les régions qui ont accès à une bande passante de qualité peuvent accueillir des PME spécialisées dans des secteurs de pointe, qui emploient des travailleurs de haut calibre et du coup, très bien payés. À Grandes-Piles, au nord de Trois-Rivières, siège une entreprise d'une quarantaine d'employés qui fait la conception d'ascenseurs hydrauliques pour des clients d'un peu partout en Amérique du Nord. L'entreprise utilise une trentaine de postes informatiques branchés à l'internet par fibre optique, peut-être la technologie la plus rapide pour accéder au réseau.

«Ils ont de gros clients à New York et ils sont installés dans un bungalow préfabriqué!» s'exclame Robert Proulx. Peu importe. Leur expertise, probablement plus à sa place dans une ville où il existe des édifices assez hauts pour utiliser des ascenseurs, justement, peut quand même fleurir en région grâce à une simple connexion internet à haut débit.

Tirer profit de la crise

À l'aube des Jeux olympiques de Pékin, tout le monde n'en a que pour la Chine. Ce pays est l'épicentre de plus en plus vital de nombreux secteurs manufacturiers, en plus d'être l'un des trois pays qui profitent le plus des TIC pour soutirer du travail aux grandes entreprises nord-américaines. Les deux autres sont l'Inde et le Canada.

C'est le fameux phénomène de l'impartition: faire à moindre coût le boulot d'une autre entreprise. À Montréal, la société CGI est une spécialiste de ce secteur d'activité.

Or, c'est justement ce qui fait dire à Pierre Root, le nouveau président de l'organisme Techno Montréal, que la métropole québécoise pourrait peut-être profiter du ralentissement économique aux États-Unis pour aller chercher de nouveaux clients de l'autre côté de la frontière.

«L'impartition permet de réduire les coûts, et les entreprises américaines sont certainement à la recherche d'une façon de le faire, dit-il. Et la Chine, comme l'Inde, n'est pas toujours la meilleure solution pour ces entreprises. Je ne suis pas prêt à dire qu'il n'y a pas de bonnes affaires à faire du côté des États-Unis en ce moment»

M. Root, dont l'organisme se veut le porte-parole des entreprises montréalaises établies dans le secteur des TIC, demeure donc optimiste quant à la situation économique de ce côté-ci de la frontière. «Disons que je suis modérément optimiste», précise-t-il.

Le président de Xittel, lui, voit plus loin. Si Montréal veut demeurer un pôle technologique vital, dit-il, il faudra bientôt songer à déployer de la fibre optique partout dans l'île. Paris le fait, d'autres villes y songent. La logique est limpide: si l'internet permet de créer de nouveaux emplois aujourd'hui, il évitera du même coup d'en perdre d'autres demain...