Les forces de l'ordre ont de nouveaux alliés: les propriétaires de téléphone cellulaire. Les images d'une attaque violente contre deux Ontariens au centre-ville de Montréal, captées par un badaud puis diffusées sur l'Internet, seront utilisées par les policiers dans leur enquête.

Vendredi soir, 22h, à l'angle des rues Sainte-Catherine et Peel, une douzaine de jeunes hommes tabasse deux Ontariens de 23 et 26 ans en pleine rue et prend rapidement la fuite après avoir dérobé le portefeuille de l'un d'eux. Mais les policiers dépêchés sur les lieux sont bien embêtés: les deux Ontariens - qui s'en sont tirés avec quelques coupures et ecchymoses - ne collaborent que très peu et refusent de décrire leurs agresseurs.Or, voilà que la donne change samedi quand des images de la violente agression, captées par un passant à l'aide de son téléphone cellulaire, se retrouvent sur la Toile. «On utilise tous les moyens à notre disposition et, puisque les victimes collaborent peu, cette vidéo sera certainement très utile aux enquêteurs», a confirmé hier Lyne Labelle, porte-parole du Service de police de la Ville de Montréal.

Les images serviront d'abord à retrouver les suspects et à comprendre les motifs qui ont pu déclencher l'attaque. Mais les policiers pourraient aussi s'en servir pour apaiser les rues de la ville. Les éventuels criminels sauront que leurs actes peuvent être filmés ou photographiés à leur insu, et plus souvent qu'ils ne l'imaginent, a expliqué hier Lyne Labelle.

«Pensez-y deux fois avant de commettre un attentat dans la rue. Vous pourriez être filmés», a aussi lancé l'agent Laurent Gingras, du SPVM, en entrevue à TVA.

Les «Small Brothers»

Téléphones cellulaires, caméras vidéo et appareils photo numériques sont en train de transformer radicalement le travail des policiers, observe Benoît Gagnon, de la chaire de recherche du Canada en sécurité, identité et technologies de l'Université de Montréal.

«Maintenant, presque tout le monde a accès à des instruments de surveillance - qui n'en sont pas à la base. N'importe quel citoyen peut s'improviser surveillant.» Des surveillants que M. Gagnon surnomme des «Small Brothers» et qui s'ajoutent au «Big Brother» que constituent les autres outils déployés par les gouvernements ou les commerçants. «D'un côté, le citoyen est de plus en plus surveillé et, de l'autre, il surveille de plus en plus», dit M. Gagnon.

Est-ce que le fait de se savoir filmé a effectivement un effet dissuasif sur les vandales? Les études ne tendent pas à le démontrer, note Ronald Melchers, professeur de criminologie à l'Université d'Ottawa. Et ce, même si ces images peuvent effectivement être retenues en preuve en cas de procès, dit-il.

Chose certaine, le phénomène n'est pas unique au Québec. Les médias américains ont signalé des cas similaires cette semaine. En France, un policier a lancé un mandat d'arrêt contre un homme de 26 ans après avoir visionné sur l'Internet une vidéo intitulée En retard qui montrait le suspect roulant à 225 km/h au volant de sa voiture.

Avec Agence France-Presse