Travailler pour qu’être femme ne soit pas un obstacle à la progression de carrière : voilà un cheval de bataille de Véronique Dorval, vice-présidente directrice et cheffe de l’exploitation de BDC, depuis ses débuts en finance il y a 24 ans. Si elle voit des résultats, elle évalue qu’il reste du chemin à faire. Entrevue.

Comment avez-vous vu évoluer la place des femmes en finance ?

J’ai commencé en consultation avec une spécialisation en finance. C’est un milieu à prédominance masculine et c’était encore plus vrai à l’époque. Il y a encore du travail à faire, mais j’ai vu une belle évolution. C’était déjà un grand pas de reconnaître qu’il y avait des obstacles qui faisaient que les chances pour les femmes d’avoir du succès n’étaient pas aussi grandes que celles des hommes. Puis, on a commencé à agir pour les contrer.

Qu’entendez-vous par obstacles ?

Lorsque j’ai commencé comme analyste, j’avais de la difficulté à me faire prendre au sérieux. Pour avoir les mandats intéressants, je n’étais pas dans le haut de la liste. Les hommes créaient plus facilement des liens entre eux et lorsqu’ils recrutaient des gens pour des mandats, ils pensaient plus à leurs semblables. Aussi, pour déterminer si la personne avait le potentiel pour devenir partenaire, on essayait toujours de lui trouver des ressemblances avec un partenaire qui avait du succès dans l’organisation. Or, à l’époque, ces modèles étaient tous des hommes. Assez tôt dans ma carrière, j’ai réfléchi à cette réalité. Puis, avec d’autres femmes, j’ai travaillé à mieux comprendre ces défis et à trouver des solutions. Aujourd’hui, il y a beaucoup plus de femmes partenaires.

Avant BDC, vous étiez à la Financière Sun Life où vous avez été une leader du groupe Bright Women qui vise à développer le succès des professionnelles dans l’organisation. Êtes-vous allée chez BDC pour poursuivre cette mission ?

BDC a l’ambition de rendre le financement dans le domaine de l’entrepreneuriat plus inclusif, notamment pour les femmes, et oui, c’est l’un des éléments qui m’ont attirée. Je suis en poste depuis 18 mois et déjà, je regarde avec des collègues ce qu’on peut faire pour continuer à améliorer l’inclusivité qui est l’étape après la diversité. Une fois qu’on a des femmes, on veut s’assurer qu’elles ont les mêmes chances de bien performer que les hommes. Par exemple, c’est démontré qu’on évalue plus les hommes sur leur potentiel et les femmes plus sur leur performance démontrée. Il faut qu’on prenne davantage conscience de ce biais-là. J’ai deux filles. J’aimerais qu’elles puissent choisir leur carrière et progresser sans se demander si le fait qu’elles soient des femmes a un impact. D’ailleurs, je m’implique auprès de Fillactive, qui encourage les adolescentes à bouger. Malheureusement, plusieurs arrêtent l’activité physique à cet âge alors qu’en plus des bénéfices pour la santé physique, elle favorise le développement de leur confiance et de la capacité à relever des défis.

Quel est le prochain défi sur lequel vous voudriez travailler ?

Il y a quelques années [en 2015], Statistique Canada a révélé que les femmes passaient en moyenne 54 minutes de plus par jour que les hommes à effectuer des tâches ménagères. Or, les femmes disent souvent qu’elles n’ont pas autant de réseau que les hommes. Mais, 54 minutes par jour, c’est plus de 300 heures annuellement. C’est l’équivalent d’environ 150 lunchs d’affaires par année qu’on ne fait pas. C’est environ 50 livres qu’on ne lit pas. L’impact est important. Il reste énormément à faire pour que les femmes se donnent le temps d’investir en elles. Et cela passe par une répartition des tâches plus équitable. Comme femme, il faut demander ce temps, l’exiger.

Véronique Dorval recevra le prix Inspiration – Andrée-Corriveau de l’Association des femmes en finance du Québec lors de son gala 2024.