Les amateurs d’alcool du terroir connaissent bien Menaud, cette distillerie de Charlevoix qui travaille avec des ingrédients locaux pour élaborer ses vodkas, gins, bières et autres alcools fins, dont ces liqueurs de rhubarbe et de camerise qui se déclinent en deux teintes de rose. Le portefeuille de la distillerie s’est bonifié depuis sa création, il y a six ans, et inclut maintenant… des épices !

La philosophie

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Les bouteilles d’alcool de Menaud sont facilement reconnaissables.

Déjà, la distillerie choisit le plus souvent possible ses ingrédients de base sur son territoire. C’était au cœur du projet, dès le départ : des céréales de L’Isle-aux-Coudres, des fruits, des herbes et du miel de Charlevoix.

Menaud veut aussi utiliser « tous » ses ingrédients, même ceux qui ne servent plus. « On essaie toujours de voir quels sont nos déchets, explique Charles Boissonneau, un des fondateurs de Menaud. Essentiellement, il y a des aromates et de la drêche. »

Pour la drêche, le recyclage n’est pas simple pour l’instant, parce que c’est une matière humide, donc à consommer ou reconditionner rapidement. Actuellement, 25 % de ces résidus de céréales réussissent à devenir de la nourriture pour du bétail de fermes voisines, le reste est composté. Le projet de Menaud est de sécher la drêche pour pouvoir élargir ses possibilités de transformation.

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La distillerie Menaud, dans Charlevoix

Le produit

Il reste les aromates.

Dans ce désir d’upcycling, de réutiliser en revalorisant ce qui serait autrement perdu, la distillerie a élaboré un mélange d’épices fait à partir des aromates utilisés pour faire ses gins, les herbes et les épices étant inutiles après infusion.

En fait, une partie des aromates peut être récupérée.

Charles Boissonneau explique que celles qui donnent le parfum à l’alcool lors du processus de macération auront déjà donné le meilleur d’elles-mêmes. Toutefois, dans le processus de distillation, il y a aussi un bain de vapeur qui donne du goût à l’alcool et qui permet aux aromates de conserver leurs huiles essentielles. C’est celles-là qui ont trouvé une deuxième vie.

Après avoir fait des tests avec des chefs du coin, Menaud a commercialisé un produit en partenariat avec Kanel, une petite entreprise qui fait des sels et des assaisonnements.

« On a joué avec les épices, on a fait des essais et on a trouvé que c’était parfait pour faire une saumure », explique Kim Wiseman, fondatrice de Kanel, qui connaissait – et aimait – déjà les alcools de Menaud.

Kanel a été fondée en 2018, compte quatre employés et offre une trentaine de produits. Elle faisait déjà une collaboration avec un torréfacteur de Kanesatake pour un mélange d’épices à frotter (rub) caramélisé au café destiné à la viande. L’appel de Menaud tombait parfaitement dans ce désir de partenariat et de revalorisation d’ingrédients existants.

« C’est particulier de pouvoir réutiliser un produit alimentaire et l’adapter », explique Kim Wiseman, qui reçoit les épices sèches. Le mélange est adapté, parce qu’une saumure demande plus de sel et de sucre.

La saumure botanique Kanel x Menaud est destinée à la volaille et reprend essentiellement le même mélange que celui utilisé pour le gin classique de la distillerie charlevoisienne : épine-vinette, carvi sauvage, salicorne, peuplier baumier… Des ingrédients boréaux québécois qui proviennent aussi de différentes régions.

« C’est incroyable, ça goûte le gin », confie Charles Boissonneau, qui a bien évidemment fait le test du goût – et qui conseille de masser la volaille en plus de la saumurer avec les aromates !

L’avenir

Menaud ne s’arrêtera pas là. Les aromates de son gin Maria devraient trouver la même fin et être bientôt offerts en mélange à gravlax, aussi avec Kanel.

Cette collaboration, explique Kim Wiseman, permet aux clients de Kanel de découvrir Menaud et vice-versa.

Ce qui laissera Menaud devant ce beau problème : la liste des épices secrètes de son gin Maria devra inévitablement être révélée si elles sont recyclées… Ce qu’on sait toutefois, pour l’instant, c’est que tous les ingrédients proviennent d’un rayon de 50 km de la distillerie de Clermont !

Menaud compte maintenant une quinzaine d’employés et produit 3000 hectolitres par année, tous les alcools confondus. Et maintenant, des épices…