L’innovation : un cœur artificiel deux fois moins coûteux installé dans une artère, avec une intervention beaucoup moins invasive d’une demi-heure plutôt que six heures.

Qui ?

En 2018, deux étudiants en baccalauréat de l’École de technologie supérieure (ETS), Jade Doucet-Martineau, en ingénierie mécanique, et François Trudeau, en ingénierie de production automatisée, rencontrent un chirurgien cardiaque, Gabriel Georges, médecin résident à l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec (IUCPQ). Ce dernier est insatisfait des pompes cardiaques sur le marché destinées aux patients souffrant d’insuffisance cardiaque — on en compte 30 millions dans le monde, de 6 à 7 millions en Amérique du Nord. Ces « dispositifs d’assistance ventriculaire » coûtent 156 355 $, selon un rapport du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec datant de 2015, prix auquel il faut ajouter 191 178 $ pour l’opération et l’hospitalisation. Ils nécessitent une intervention de plus de six heures.

Les trois cofondateurs décident de se consacrer à ce qu’on appelle dans le jargon médical « un besoin clinique non desservi » en concevant une pompe cardiaque moins coûteuse nécessitant une intervention moins invasive. Un prototype fonctionnel est prêt la même année, une première demande de brevet déposée. En juillet dernier, on a annoncé que quatre patients avaient reçu avec succès leur cœur artificiel conçu par Puzzle Medical. La jeune entreprise montréalaise compte 25 employés. Jade Doucet-Martineau, François Trudeau et Gabriel Georges en sont respectivement PDG, directeur technique et directeur scientifique. Son directeur médical est Philippe Généreux, cardiologue interventionniste au Morristown Medical Center.

Le produit

Le ModulHeart conçu par Puzzle Medical est un petit appareil tubulaire qu’on insère dans une artère, alimenté et relié par un câble à un module de contrôle de la taille d’une carte de crédit que le patient peut porter à sa ceinture.

Ce dispositif remplace le pompage du sang jusqu’à ce qu’on puisse greffer un vrai cœur. Les modèles existants, « on sait que ça fonctionne, le taux de survie est de 70 % chez les patients qui en ont un, contre 40 % pour ceux qui n’en ont pas », indique Mme Doucet-Martineau.

La spécificité du ModulHeart, c’est que son implantation ne nécessite pas une opération à cœur ouvert et des semaines d’hospitalisation. « Seulement une toute petite incision sur un patient qui est sous sédation », explique la PDG. Le dispositif est divisé en trois parties insérées une à une, puis remontées à l’intérieur de l’artère, « comme quand on construit un bateau dans une bouteille ».

Au lieu d’occuper un chirurgien cardiaque pendant plus de 6 heures, l’implantation peut être faite à moindre coût par un cardiologue interventionniste en moins de 30 minutes. L’hospitalisation est d’une durée maximale de 24 heures.

Fabriqué « à 95 % » par l’équipe de Puzzle Medical, le ModulHeart coûte deux fois moins cher que les dispositifs actuellement sur le marché, assure Mme Doucet-Martineau.

Les défis

Décider de fabriquer soi-même un appareil de haute technologie comme le ModulHeart a permis des économies substantielles. Mais au prix de grands efforts. « Initialement, on pensait que les experts étaient à l’externe, mais on a réalisé que c’était nous, les experts de notre produit. On a développé toutes les techniques, fait venir des gens de l’Europe et des États-Unis pour nous former. »

Le financement de l’aventure a été particulièrement rocambolesque. « Quand la pandémie a frappé, on était en train de mener une ronde de financement. Ça faisait deux ans qu’on était sur des programmes de bourses et de subventions, avec notre argent personnel. À l’époque, on avait 20 ans ; notre argent personnel, ça se résumait à pas beaucoup ! »

Ce sont finalement des sommités qui avaient été consultées, ceux que la PDG appelle en riant « les parrains de la cardiologie », qui ont accepté de donner un coup de pouce financier à l’entreprise.

L’avenir

Puzzle Medical est en train de finaliser une nouvelle ronde de financement, cette fois de série A, une étape qui rapporte généralement entre 2 et 15 millions. « C’est dans les huit chiffres, indique mystérieusement Mme Doucet-Martineau. Ça va nous permettre de faire une étude de faisabilité dans trois différents hôpitaux, au Canada et aux États-Unis. »

Cette étude est un passage obligé pour obtenir le droit de commercialiser le ModulHeart, vers 2025-2026. « On veut commencer le plus rapidement possible à sauver des patients. Chaque minute, il y a une personne qui meurt en Amérique du Nord d’insuffisance cardiaque, et ça n’arrête pas d’augmenter, c’est énorme. »