Le projet Irri-Blière veut transformer les vieilles tubulures d’érablières en systèmes d’irrigation au goutte-à-goutte, à moindre coût que le matériel importé et avec un faible indice de carbone. Associés à des pompes mues à l’énergie solaire, ces systèmes trouveront des débouchés chez les maraîchers québécois, mais également en Afrique.

Qui

Outre son emploi habituel, l’ingénieure Chantal Bernatchez se voue à la cause de l’économie circulaire.

Avec son mari et associé Rasmané Ouedraogo, qu’elle a rencontré lors d’un mandat de coopération de deux ans, elle a fondé l’association Vergers d’Afrique, qui se consacre au développement durable sur le continent africain.

Ensemble, ils ont créé une petite entreprise qui recycle les pellicules isolantes garnissant les conteneurs réfrigérés pour en faire des sacs isolants, conçus par son conjoint. « Il a été designer de costumes pour le Cirque du Soleil et Walt Disney, dit-elle. Il a un très grand talent. »

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Chantal Bernatchez, avec un des sacs fabriqués par son autre entreprise, Iso-Protek, qui réutilise les bâches isolantes des conteneurs pour en faire des glacières.

C’est avec la même conviction – et le même homme – que la mère de quatre enfants s’est attaquée aux kilomètres de tubulures de plastique dont les érablières se débarrassent chaque année.

Je trouve qu’on a beaucoup à apprendre de l’Afrique en matière de développement durable, d’économie circulaire, et même comment les femmes entrepreneures s’entraident. C’est ma source d’inspiration.

Chantal Bernatchez, ingénieure

Le problème

Le renouvellement des tubulures d’érablières, après 15 à 20 ans d’usage, entraîne chaque année l’enfouissement de 2900 tonnes de plastique : l’équivalent de neuf piscines olympiques pleines à ras bord, fait valoir Chantal Bernatchez.

Alors qu’elle était jeune étudiante dans la vingtaine, elle avait déjà à cœur cet impact environnemental. Elle s’est intéressée à nouveau à la question à l’automne 2020, pour découvrir que l’organisme Environek, en Beauce, avait commencé à récupérer chaque année 290 tonnes de tubulures pour les réduire en granules.

PHOTO FOURNIE PAR ENVIRONEK

Grande quantité de tubulures d’érablière désuètes, chez Environek, en Beauce

« Je les ai appelés. Un mois plus tard, on a signé un contrat pour qu’ils fassent le projet avec nous. »

Irri-Blière vise à réutiliser quelque 2400 tonnes de tubulures chaque année.

« L’idée, c’est que les tubulures qui sont encore bonnes et qu’on n’a pas besoin de mettre en granules sont conservées pour faire du goutte-à-goutte, explique l’ingénieure. On peut concurrencer la Chine avec nos propres déchets, en les revalorisant. »

La solution

Les tubulures seront recueillies chez les acériculteurs, puis nettoyées, mesurées, coupées et percées dans les installations d’Environek à Saint-Malachie.

En période de changements climatiques, avec le goutte-à-goutte, on économise 60 % d’eau, et on veut rendre ça accessible aux maraîchers du Québec.

Chantal Bernatchez, ingénieure

Un dispositif de panneaux solaires pourra activer les pompes, afin que le système soit autonome dans les régions privées d’électricité.

« On fait le test actuellement au Burkina Faso avec un hectare. Au lieu de coûter 20 000 $ d’irrigation pour 10 hectares, ça va coûter 2000 $. Je veux rendre ça accessible aux ONG canadiennes pour aider les pays d’Afrique. »

L’avenir

Chantal Bernatchez veut favoriser l’emploi de personnes ayant des limitations fonctionnelles.

Elle entend créer 10 nouveaux postes en Beauce, pour l’assemblage de 10 000 systèmes d’irrigation au goutte-à-goutte par année.

« On passe de l’idée à l’action dès le mois de septembre », dit-elle.

L’écoconception du système sera alors réalisée par six étudiants de l’UQTR, dont trois en génie mécanique.

« Environek va s’assurer de l’approvisionnement en tubulures, de la transformation, de la distribution de nos produits, et nous, nous allons faire la plateforme de commerce en ligne. »

Une fois la machinerie acquise, la production devrait être lancée en janvier prochain, pour une commercialisation en mars.

Tout juste issue du programme d’accélérateur d’entreprises à vocation environnementale de l’organisme Esplanade, Irri-Blière vient de déposer une demande de financement de 250 000 $ auprès du ministère de l’Économie et de l’Innovation du Québec.