Ce sont les enfants qui l'ont décrété.

L'invasion des robots - le récent jeu d'assemblage du fabricant montréalais Bloco - est placé parmi les 10 meilleurs jouets au Canada pour 2014 par le Conseil canadien d'évaluation des jouets (Canadian Toy Testing Council). Pour établir ce palmarès, près d'un millier d'enfants ont évalué 400 nouveaux produits.

«Ce prix-là a de la valeur pour nous, souligne la présidente de Bloco, Nathalie Barcelo. On aime qu'il soit donné par les enfants plutôt que par les parents.»

Designer industrielle, Nathalie Barcelo a créé Bloco en 2004 autour de son idée fondatrice: des animaux assemblés en pièces souples, taillées par emporte-pièce dans des plaques de mousse de plastique, et articulées par des chevilles à rotules. Ces éléments sont mis en boîte dans le petit entrepôt attenant aux bureaux montréalais de Bloco, où travaillent une dizaine de personnes.

La collection compte maintenant une trentaine de modèles variés, dont de tout nouveaux dragons, monstres et dinosaures.

L'invasion des robots est le premier pas de Bloco vers le jeu de construction, où les pièces standardisées autorisent des assemblages plus structurés. Prochaine étape: des édifices.

Construction: un jeu risqué

L'univers du jeu de construction est toutefois un terrain particulièrement disputé. «Chez Toys "R" Us, quand vous êtes à côté d'un géant comme Lego, il y a beaucoup plus de risques que votre emballage se trouve perdu, souligne Nathalie Barcelo. Si vous n'avez pas payé pour de l'espace tablette à grands frais, vous avez les restants.»

Heureusement, les jouets Bloco se prêtent bien à la vente en ligne, en forte croissance aux États-Unis. «En ligne, il y a aussi des géants, mais les images des jouets sont davantage au même niveau», observe-t-elle.

Mais que les boîtes soient en rayon ou en ligne, l'acheteur néophyte n'a aucune idée de la surprenante dimension des modèles Bloco, une fois assemblés.

Sur sa table de conférence, Nathalie Barcelo oppose le petit vélociraptor d'un concurrent, fortement magnifié sur son emballage, à l'imposant vélociraptor de Bloco, réduit de moitié sur sa boîte.

«Tu faisais du reverse marketing», commente José Miguel Fernández-Busto, vice-président aux ventes internationales chez Bloco.

Pour corriger le tir, ils ont ajouté sur les emballages la photo d'un enfant avec le modèle en main, afin de donner un indice de sa taille. Certaines boîtes de produits vedettes ont été agrandies, pour loger une illustration du modèle grandeur nature.

Sur un autre terrain, une entente de distribution pour l'Europe vient d'être signée avec le concepteur et distributeur de jouets Wooky, lui aussi montréalais.

«Ça nous permet d'avoir un hub, un endroit où on va déposer nos produits pour qu'ils soient distribués, observe la présidente de Bloco. Ça donne accès à plus de marchés.»

Les jouets Bloco étaient vendus dans 20 pays en 2012 et l'ont été dans 30 pays en 2013. «On a une progression chaque année», assure Mme Barcelo.

La présidente qui dessine

La présidente de Bloco, Nathalie Barcelo, conçoit elle-même la plupart de ses produits, même si elle s'est adjoint depuis peu les services d'une sous-traitante, qui travaille à Québec. «Je fais encore 75% de la conception», confie la designer industrielle.

Au mur de son bureau: des croquis de travail. Sur sa table de travail: des pièces de mousse éparses.

Elle esquisse les formes et expressions sur papier et modélise ses personnages sur ordinateur, mais le passage par la matière est incontournable. C'est véritablement en manipulant la mousse qu'elle sculpte ses créatures - une espèce de Rodin de l'assemblage. «Il y a tout un équilibre de volume qui est difficile à saisir sur un écran», observe-t-elle.

Dans l'entrepôt, elle s'est réservé un petit atelier, équipé de quatre machines-outils.

Elle montre un grand sac rempli de petits morceaux de mousse colorés. Ce sont les scories de la conception de deux petits chatons, pourtant des modèles relativement simples.

Fondatrice, présidente et principale gestionnaire de Bloco, Nathalie Barcelo est également la source du génie de ses produits - ce n'est pas elle qui utiliserait cette épithète. Comment réussit-elle à allier les deux tâches?

«Je travaille 70 heures par semaine», répond-elle. «C'est pour ça que le partenariat pour l'Europe était nécessaire: on ne peut pas tout gérer.»

Réservée et scrupuleusement honnête, elle corrigera dans un courriel subséquent: «Je tiens à vous préciser qu'il m'arrive de faire des semaines de 70 heures, mais qu'on parle plutôt d'une moyenne autour de 50...»

Ce talent, cette originalité et les brevets internationaux qui en résultent sont les meilleures armes de l'entreprise sur le marché international. «Même si je me fais copier, dit-elle, j'en ferai des plus beaux que le voisin, c'est tout.»