Le secteur résidentiel connaîtra une année 2024 en deux temps, prévoient les courtiers immobiliers. Une première moitié d’année ardue avec peu de transactions et des pressions à la baisse sur les prix ; puis, à la faveur du recul des taux d’intérêt, une reprise de l’activité au second semestre. Au net, selon les prévisions de marché de l’APCIQ, le nombre de transactions diminuera de 2 % seulement et les prix resteront stables.

Ce qu’il faut savoir

  • Les taux d’intérêt resteront élevés au premier semestre 2024, prévoit l’APCIQ, ce qui engourdira le marché.
  • Une reprise de l’action est attendue durant la seconde partie de l’année suivant la détente monétaire.
  • Les prix devraient demeurer stables.
  • À Montréal et à Québec, le pouvoir restera entre les mains des vendeurs.

L’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec (APCIQ) a fait le point sur le marché résidentiel jeudi. L’évènement tenu à distance a été suivi par plus de 1000 courtiers, curieux de connaître les prévisions de marché pour 2024.

Dans l’ensemble de la province, le marché devrait connaître sa quatrième année consécutive de baisse pour le nombre de reventes. L’APCIQ prévoit près de 75 000 transactions, en légère baisse de 2 % par rapport à 2023, mais en recul de 33 % par rapport aux 112 200 transactions enregistrées en 2022.

Au chapitre du prix médian des maisons, il se situera au même niveau qu’à la fin de 2023, soit 411 300 $, selon les prévisions de l’APCIQ. À titre indicatif, le prix médian en 2020 s’élevait à 295 000 $. C’est dire que le prix d’une maison au Québec a bondi de 39 % entre 2020 et aujourd’hui.

« Les conditions de marché devraient se relâcher davantage à l’extérieur de la région de Montréal, a précisé dans un entretien Charles Brant, directeur de l’analyse du marché à l’APCIQ. Il pourrait y avoir moins d’attrait. On assiste à un retour du balancier. On voit que les grands centres reprennent un peu d’attrait. Ce qui n’était pas le cas en 2023. »

Bien que le télétravail demeure une tendance lourde, on se rend compte que les employeurs souhaitent le retour des employés au bureau. Pour les ménages, c’est un facteur de risque. En m’éloignant, est-ce que je passe à côté d’occasions de travail ?

Charles Brant, directeur de l’analyse du marché à l’APCIQ

Le scénario devrait se répéter à Montréal : baisse des transactions de 3 % en 2024 et légère hausse de prix de 2 % pour les maisons et de 1 % pour les condos. Le prix médian d’une maison risque de s’établir à la fin de 2024 à 549 400 $ et celui d’un condo, à 395 600 $.

Dans la région de Québec, un marché qui est resté plus vigoureux qu’à Montréal cette année, l’activité pourrait glisser de 6 % en 2024, juste sous la barre des 8000 reventes. En revanche, la hausse de prix sera plus importante, à 5 %, anticipe l’APCIQ. Le prix médian d’une maison atteindra alors 368 000 $.

L’immigration devrait nourrir la demande de maisons. Le Québec a accueilli 109 000 nouveaux arrivants au cours des six premiers mois de 2023, après en avoir accueilli 150 700 sur l’ensemble de 2022.

Ceux-ci ne se contenteront pas tous du statut de locataire. La probabilité d’acquérir une maison en 2024 est supérieure à 50 % pour 3 nouveaux arrivants sur 10, selon un sondage Léger.

Le faible niveau de construction de maisons et de condos contraint les acheteurs à regarder du côté de la revente. Les salaires sont en hausse et le chômage restera à un niveau raisonnable durant l’année, prévoit l’APCIQ, malgré la récession qui menace.

« L’effet de richesse au Québec est quand même très important depuis quelques années et pourrait perdurer, notamment grâce à la transition de notre économie vers une économie décarbonée et à tous les investissements colossaux que ça implique sur notre marché parce qu’on a une électricité verte, a dit Charles Brant. Ça favorise la venue d’entreprises qui cherchent à décarboner leur production. »

Parmi les facteurs affectant négativement le marché, l’abordabilité demeure un problème, surtout pour les premiers acheteurs.

Pour ce qui est de l’offre de propriétés à vendre, une réglementation plus sévère à l’égard de la location de moins de 31 jours incitera des propriétaires à mettre leur bien sur le marché. Le choc hypothécaire au renouvellement du prêt à un taux plus élevé en forcera quelques-uns à se défaire de leur maison.

Construction neuve

Du côté des mises en chantier, la reprise n’est pas en vue en 2024.

L’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec prévoit 46 000 nouvelles habitations en 2024, en hausse de 15 % par rapport aux 40 000 estimées en 2023. Ce dernier chiffre représente une chute des mises en chantier de 30 % comparativement à la récolte de 2022.

La Commission de la construction du Québec, chargée d’appliquer la loi sur les relations de travail dans la construction, qui encadre cette industrie, est du même avis avec une prévision de 42 000 unités l’an prochain, essentiellement au même niveau qu’en 2023.

« Dans la région de Montréal, on va finir l’année 2023 avec 15 000 mises en chantier seulement, dit Francis Cortellino, économiste principal à la Société canadienne d’hypothèques et de logement. Pour la province, on s’attend à 39 000 cette année, c’est moins mauvais qu’à Montréal. On pense que les mises en chantier vont reprendre graduellement l’an prochain. On va sortir du creux, mais la reprise sera cependant modérée. Les coûts de financement pour les promoteurs vont possiblement baisser, ce qui permettra la rentabilité de certains projets. »