Le gouvernement a annoncé mardi, dans l’Énoncé économique de l’automne de 2023, des mesures d’assouplissement pour les Canadiens étranglés par leur prêt hypothécaire. Hugo Leroux, président d’Hypotheca, a décrypté pour nous ce que pourrait signifier cette nouvelle charte hypothécaire canadienne.

Les Canadiens peuvent s’attendre à ce que les institutions financières permettent des prolongations temporaires de la période d’amortissement pour les détenteurs de prêt hypothécaire à risque.

Lorsqu’une hypothèque arrive à échéance, les institutions financières permettent déjà de revenir à l’amortissement initial, explique Hugo Leroux, président d’Hypotheca. Par exemple, vous aviez un amortissement de 25 ans, vous avez payé pendant 5 ans le capital et les intérêts, et vous amortissez le montant restant encore sur 25 ans. « Le problème, c’est que les prêts assurés ont un maximum de 25 ans. Est-ce qu’on va maintenant permettre de les mettre sur 30 ans ? Et si on le permet, est-ce qu’il faudra repasser chez le notaire et payer encore ce nouvel acte de prêt ? s’interroge Hugo Leroux. Les actes de prêt enregistrés par le notaire sont sur le terme initial. Et habituellement, on ne peut pas déroger de ce nombre d’années. Techniquement et légalement, je ne sais pas comment la banque pourra mettre un terme plus long que ce qu’il y a sur l’acte de prêt. »

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Hugo Leroux, président d’Hypotheca

Les Canadiens peuvent s’attendre à ce que les institutions financières renoncent aux frais et aux coûts qui auraient autrement été facturés pour les mesures d’allégement.

« Il existe des mécanismes quand un client a besoin d’aide, explique Hugo Leroux. Par exemple, il peut reporter des paiements à la fin du terme. C’est inclus dans le contrat. Il peut y avoir des frais de 50 $ pour reporter un paiement à la fin du terme, de 50 $ pour avoir sauté un paiement, de 200 $ à 250 $ pour renouveler son hypothèque en plein milieu du terme. À première vue, il semble que ce soit ce type de frais qui sont touchés par la charte. On ne parle pas des intérêts. »

Les Canadiens peuvent s’attendre à ce que les institutions financières n’exigent pas des détenteurs d’une hypothèque assurée qu’ils établissent de nouveau leur admissibilité en vertu du taux minimal d’admissibilité assuré lorsqu’ils changent de prêteur au moment du renouvellement de leur hypothèque.

Si vous avez un prêt hypothécaire assuré qui arrive à échéance et que vous voulez changer d’institution financière, la charte propose que votre nouveau prêteur ne fasse pas de test de résistance. Ce fameux test vérifie votre admissibilité à un prêt en ajoutant 2 % au taux hypothécaire proposé. L’énoncé ne précise pas si un emprunteur pourrait alors ajouter un montant au prêt ou allonger la période d’amortissement.

Les Canadiens peuvent s’attendre à ce que les institutions financières communiquent avec les propriétaires de quatre à six mois avant le renouvellement de leur hypothèque pour les informer de leurs options de renouvellement.

Quand votre prêt est à renouveler, votre institution communique déjà avec vous par courriel ou par lettre de cinq à six mois d’avance, observe Hugo Leroux. « On aurait souhaité que les banques communiquent d’avance avec les clients quand les taux étaient sur le point de monter pour qu’ils puissent renouveler avant leur terme. Aujourd’hui, il n’y a aucune raison qu’un client fasse un renouvellement anticipé parce qu’on s’attend à des baisses de taux peut-être en 2024. Notre conseil est plutôt d’étirer un taux bas jusqu’à la dernière minute. »

Les Canadiens peuvent s’attendre à ce que les institutions financières donnent aux propriétaires à risque la possibilité de verser des paiements forfaitaires pour éviter un amortissement négatif ou de vendre leur résidence principale sans pénalité pour paiement anticipé.

Si vous avez 50 000 $ de liquidités disponibles, vous pourrez faire un versement anticipé sur votre prêt. Cependant, selon Hugo Leroux, les prêts hypothécaires sont déjà munis d’une clause qui permet de rembourser de 15 à 20 % du montant du solde par anticipation sans pénalité. « Quelqu’un qui a un prêt de 300 000 $ peut déjà mettre 50 000 $ tout de suite chez le prêteur sans pénalité, observe-t-il. Mais celui qui peut le faire ne doit pas être trop nerveux de son taux et de faire ses paiements. »

Si jamais vous vendez votre propriété avant la fin du terme de votre prêt hypothécaire, parce que vous êtes au pied du mur, la charte suggère que votre institution financière ne vous facture pas la pénalité pour le remboursement anticipé d’une hypothèque. Les institutions ont le choix entre deux pénalités et choisissent d’habitude la plus payante pour elles : trois mois d’intérêts ou le différentiel de taux. « Ça veut dire que si la banque t’a prêté à 6 %, que tu la rembourses et qu’elle doit prêter à quelqu’un d’autre à 4 %, elle a une perte de 2 %, explique Hugo Leroux. S’il te restait trois ans, on multiplie par 2 %, ça fait 6 %. Sur ton prêt de 300 000 $, c’est 18 000 $ de pénalité. Je ne crois pas que les banques vont accepter d’abolir cette pénalité. »

Les Canadiens peuvent s’attendre à ce que les institutions financières ne facturent pas d’intérêts sur les intérêts dans le cas où les mesures d’allégement hypothécaire donnent lieu à une période temporaire d’amortissement négatif.

Pour illustrer cette mesure, voici un cas fictif : dans votre paiement mensuel de 2000 $, vous payez 1700 $ en intérêts et 300 $ en capital. La banque accepte de baisser votre paiement à 1500 $ pendant six mois. Ce paiement de 1500 $ ne couvrira pas les intérêts. Il va manquer 200 $. « D’habitude, ce montant est rajouté sur le capital à rembourser par le client et l’institution financière facture des intérêts sur ce 200 $, indique Hugo Leroux. Ce que cette charte propose, c’est que si le nouveau montant mensuel ne couvre pas les intérêts, l’institution ne vous facture pas d’intérêt sur ce nouveau montant, de 200 $ dans notre exemple. »